Dans l’engrenage de la crise

09/05/2022 mis à jour: 18:04
2006

Plus de dix ans après le déclenchement des événements dits du Printemps arabe, qui ont permis d’éloigner du pouvoir et du pays le président Ben Ali, la Tunisie se retrouve, aujourd’hui, résolument engagée, en bravant le sens interdit fixé par la Constitution de 2014, née de l’Assemblée constituante, sur la voie la menant vers un régime présidentialiste. 

Le président tunisien, Kaïs Saïed, arrivé au pouvoir fin 2019, à l’issue d’une élection dont il a obtenu un score de plus de 72% des suffrages exprimés au deuxième tour, est ainsi en train de détricoter tout le projet politique porté par l’Assemblée constituante de 2011, si l’on en juge par les changements institutionnels qu’il compte visiblement mener jusqu’au bout de la transformation du système politique. 

Le Président accapare tous les pouvoirs, dissout le Parlement en mars dernier et procède à la reconfiguration du Conseil supérieur de la magistrature et de l’autorité électorale ISIE. 

Dans moins de trois mois, en effet, ce pays voisin devra organiser un référendum sur une nouvelle Constitution sur fond d’une crise politique et sociale des plus aiguës. Elu par la Haute Instance de réalisation des objectifs de la révolution, le premier président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections, en l’occurrence Kamel Djendoubi, qui a supervisé la première opération électorale pluraliste du 23 octobre 2011, porte un regard désabusé sur les changements qui interviennent actuellement en Tunisie. 

Dans les colonnes d’El Watan, hier, il a affirmé sans ambages : «Comment, dans un tel chambardement, peuvent s’organiser sereinement des étapes aussi essentielles que l’impérative mise à jour du registre électoral, l’encadrement de la campagne électorale, l’accès équitable aux médias, alors que le chef de l’Etat, s’érigeant en justicier, multiplie les discours vengeurs ?» 

Pour leur part, les journalistes s’insurgent contre le recul des libertés et dénoncent une politique «répressive» contre les médias. Dans ces conditions, le pays de la révolution du Jasmin prend le risque de se fourvoyer dans une autre impasse que celle dont il cherche à s’extirper, en tenant pour responsables de la crise nombre de partis de l’opposition, dont principalement l’islamiste Ennahdha. 

Comment ce pays, qui, il y a seulement dix ans, avait commencé par se forger une identité de modèle de démocratie pour les pays de la région, voire au-delà, se retrouve-t-il aujourd’hui pris dans l’engrenage d’une crise politico-économique qui a fini par dynamiter tout le consensus politique de l’après-Ben Ali ?

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