Crises successives et rétrécissement des espaces d’action : Le mal-être des partis politiques

27/03/2022 mis à jour: 07:08
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Des tentatives communes entre les partis et la société civile ont eu un impact mitigé

La scène politique nationale traverse un grand passage à vide. Les partis politiques, toutes tendances confondues, donnent l’impression d’être en grande crise et peinent à gagner la confiance d’une plus grande majorité des Algériens. 

Trente ans après l’ouverture politique de 1989 et plus de trois ans après le mouvement populaire, le hirak réclamant un vrai changement, la vie politique algérienne s’est installée dans un profond sommeil. Une léthargie qui suscite moult interrogations. Pourquoi en est-on arrivé à cette situation ? 

Les partis politiques ont-ils failli ? Sont-ils les seuls responsables ? En tout cas, comme le souligne le sociologue Nacer Djabi, c’est toute «la vie politique algérienne qui est aujourd’hui en crise». «Les partis en tant qu’institutions traversent également une grande difficulté. Car, ils n’ont pas tiré les leçons du hirak pour s’ouvrir de nouveaux caps. Ils ont tout simplement raté le tournant», affirme-t-il. 

Notre interlocuteur souligne, dans ce sens, «l’hésitation» et le «refus de tout renouvellement» de la majorité des partis. «Durant le mouvement populaire, on avait constitué une délégation de personnalités présentes dans le hirak et nous sommes partis à la rencontre des responsables des différentes formations pour leur demander d’ouvrir leurs sièges aux débats à travers, par exemple, des rencontres périodiques. Mais sans suite. 

Aujourd’hui, la majorité des sièges des partis sont fermés», déclare-t-il, rappelant aussi «l’attitude du pouvoir qui a bousculé et harcelé certains partis». Pour Nacer Djabi, «les différentes formations politiques doivent saisir l’occasion de leurs prochains congrès pour élaborer de nouvelles politiques conformes à la nouvelle mentalité des Algériens qu’on a vue durant le hirak». 

«Échec et faiblesse»

Abondant dans le même sens, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), établit carrément un constat «d’échec qui s’applique, à la fois, aux partis politiques et à la société civile». «Le hirak est l’expression de l’échec et de la faiblesse des partis et de la société civile. Il y a une véritable crise d’encadrement de la société et de médiation. Cette crise interpelle à la fois le système, la classe politique et la société civile. Le hirak devait permettre à la société civile et aux partis de reprendre son travail et sa mission. 

Mais il n’en est rien pour l’instant», précise-t-il. Mais cette situation, souligne-t-il, est la conséquence aussi de la politique du pouvoir en place qui «a cassé et empêché toute initiative», tout en maintenant «l’exclusion et le statu quo». «Nous avons aujourd’hui des partis qui ne représentent rien et qui siègent à l’APN. Nous sommes devant la même crise qu’en 2019 et un mirage de représentation au niveau des partis et au sein de la société civile», lance-t-il. 

Du côté des responsables des partis politiques que nous avons pu interroger sur le sujet, la responsabilité de cette situation doit être assumée par le pouvoir en place. «Le pays vit l’une des périodes les plus difficiles de son histoire contemporaine : atteintes flagrantes aux libertés, chasse quotidienne aux militants et emprisonnements par centaines de citoyens au seul tort d’avoir revendiqué justice et liberté. 

Notre Rassemblement et d’autres organisations n’échappent pas à la répression. Nos cadres, nos militants et nos structures à travers le pays continuent à subir le glaive des verrous sécuritaires, judiciaires et administratifs. Disons-le, une véritable terreur orientée et destinée à imposer la survie d’un système contre celle d’une Algérie de progrès et de dignité que véhicule l’opposition démocratique dans le pays», soutient Atmane Mazouz, membre de la direction du RCD. 

Selon lui, le «système politique en place continue à s’acharner et à combattre par tous les moyens toutes les luttes populaires et empêche les citoyens de se rapprocher des institutions». «Cette situation est aussi grave du fait que l’Etat national est détourné de ses missions de défendre l’intérêt général et de construire par une volonté politique un Etat qui prend en compte les seuls intérêts du pays pour se fourvoyer dans des calculs de maintien au pouvoir d’une caste qui a usurpé la Révolution algérienne et la souveraineté du peuple», estime-t-il. 

Devant cet état de fait, insiste-t-il, les «partis politiques et la société civile doivent en priorité casser les verrous de la fermeture des espaces d’expression et d’organisation pour renverser les rapports de force et pouvoir se reconstruire». 

«S’agissant du RCD qui tiendra son congrès le mois de juin prochain, ma conviction est que ce moment doit être celui du redéploiement politique et de l’affirmation de notre approche programmatique et de notre identité politique. Il doit aussi servir de halte qui permettra le regroupement des forces démocratiques positives pour l’intérêt du projet qui nous rassemble», dit-il.

«Régression des espaces de liberté»

Pour l’ex-député du Parti des travailleurs (PT), Ramdane Tazibt, «on ne peut pas parler de bilan des partis politiques en dehors du temps et de l’espace». «Nous sommes dans un pays qui vit une terrible régression sur le plan des libertés. 

Dans ce contexte où les médias sont verrouillés, les partis n’auront pas d’échos, même s’ils activent et continuent à lutter. Je ne peux parler de recul des partis, dans un moment où l’activité politique est incriminée», fait-il remarquer, tout en notant que le PT «est toujours présent sur le terrain avec son programme et ses luttes». 

Et de nuancer : «Cela ne veut pas dire que tous les partis se valent». Pour lui, «l’émergence de nouvelles forces est un processus long et cela ne se fera pas avec un simple claquement des doigts». 

Débuté du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Azeddine Zahouf estime que «des partis porteurs de projets et de programmes existent». «On ne peut faire de la politique sans les partis. Mais le problème actuellement réside dans le système politique algérien. 

Quand on fait dans la dilution de l’activité politique en lançant une multitude de partis sans ancrage, cela se répercute automatiquement sur l’ensemble des partis», note-t-il, rappelant l’existence «d’une volonté de remplacer les partis par la société civile». «C’est une grave erreur», déclare-t-il.

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