Crise russo-occidentale sur l'Ukraine : Kiev appelle l’Ouest à soutenir le «bouclier de l’Europe» face à Moscou

20/02/2022 mis à jour: 18:02
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L’Ukraine est «le bouclier de l’Europe» contre l’armée russe. C’est ce qu’a déclaré hier le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à la Conférence sur la sécurité qui se tient depuis vendredi à Munich, en Allemagne. 

A cette occasion, il a exhorté les Occidentaux à cesser leur politique «d’apaisement» vis-à-vis de Moscou et à augmenter leur aide militaire à Kiev. Il a également exigé un «calendrier clair» de l’adhésion de son pays à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), tandis que Moscou demande aux Occidentaux de ne jamais accepter l’Ukraine au sein de l’Alliance et de retirer leurs troupes de l’Europe de l’Est. «Nous apprécions toute aide, mais tout le monde doit comprendre : ce ne sont pas des contributions de charité que l’Ukraine doit demander (...) C’est votre contribution à la sécurité de l’Europe et du monde. Où l’Ukraine est le bouclier depuis huit ans», a-t-il soutenu. Référence au conflit armé dans l’est de l’Ukraine avec les séparatistes prorusses soutenus par Moscou, qui a commencé en 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie, et se poursuit aujourd’hui.

 Le Président a indiqué apprécier «toute aide», que ce soit «des centaines d’unités d’armes modernes ou 5000 casques» promis par Berlin, qui refuse de livrer des armes à Kiev. «Depuis huit ans, l’Ukraine retient l’une des plus grandes armées au monde qui est massée à notre frontière et pas celles des pays de l’Union européenne (UE)», a-t-il poursuivi. Il a également réclamé à ses alliés occidentaux qu’ils cessent leur politique «d’apaisement» vis-à-vis de la Russie. «L’Ukraine a reçu des garanties de sécurité lorsqu’elle a renoncé à ses armes nucléaires, le troisième potentiel mondial. Nous n’avons pas d’armes.

 Ni de sécurité», a-t-il affirmé. «Nous avons perdu une partie de notre territoire qui est plus grande que la Suisse, les Pays-Bas ou la Belgique. Nous avons perdu des millions de nos citoyens». «Nous n’avons plus tout cela. Mais nous avons le droit d’exiger que cesse la politique d’apaisement et de demander des garanties de sécurité et de paix», a-t-il déclaré. Face à la Russie, l’Occident devrait «soutenir l’Ukraine et ses capacités de défense» et lui donner «un calendrier clair et réalisable» en vue de son adhésion à l’Otan, a estimé Zelensky avant de proposer une rencontre avec son homologue russe, Vladimir Poutine, au moment où les craintes d’une invasion russe en Ukraine sont au plus haut. «Je ne sais pas ce que le président russe veut, voilà pourquoi je propose qu’on se rencontre», a-t-il observé.

Auparavant, le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a estimé que les préoccupations de la Russie à propos de l’Ukraine doivent «être respectées» au même titre que celles des autres acteurs de cette crise. «Toutes les parties ont le droit d’exprimer leurs préoccupations, et les préoccupations raisonnables de la Russie doivent être également respectées et prises en compte», a déclaré le ministre chinois.

De son côté, l’Allemagne, qui exerce la présidence du G7 (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Japon, Canada et Italie), a pris ses distances avec la conviction des Etats-Unis qu’une attaque russe en Ukraine est décidée et imminente, appelant à ne «pas présumer» des décisions de Moscou. «Dans les situations de crise, le pire est de présumer ou d’essayer de deviner» ce qui va se passer, a déclaré la ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères du G7, jugeant «important de regarder de plus près» la situation sur le terrain.

 Elle s’est ainsi montrée beaucoup moins affirmative que Washington la veille sur l’imminence d’une attaque russe. «Nous ne savons pas si une attaque est déjà décidée, mais la menace contre l’Ukraine est bien réelle», selon Mme Baerbock. Interrogée sur les affirmations américaines, la ministre s’est contentée de répondre : «Nous voyons qu’il existe différents scénarios, que différents scénarios se dessinent, qu’il existe des scripts.» «Nous sommes prêts à faire face à toute situation. En même temps, nous faisons tout pour que cette situation ne se produise pas», a-t-elle dit. 

Tension

En attendant une issue diplomatique de la crise, la tension ne cesse de monter entre l’Occident et la Russie. Washington se dit convaincu d’une invasion imminente de l’Ukraine par Moscou, et les incidents armés se multiplient entre Kiev et les séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine. Les séparatistes, qui accusent Kiev de vouloir les attaquer, ont annoncé hier une «mobilisation générale» des hommes en état de combattre, après avoir ordonné la veille l’évacuation de civils vers la Russie voisine. En parallèle, le président russe, Vladimir Poutine, a supervisé personnellement des exercices «stratégiques» avec des tirs de missiles «hypersoniques».

Vendredi soir, le président américain, Joe Biden, s’est déclaré «convaincu» que Vladimir Poutine a décidé d’envahir l’Ukraine, et que la multiplication des heurts visait à créer une «fausse justification» pour lancer une offensive dans «la semaine», voire les jours à venir. Mais il a laissé la porte ouverte au dialogue. Tant qu’une invasion ne s’est pas produite, «la diplomatie est toujours une possibilité», a-t-il estimé. Dans ce sens, une rencontre entre le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken et son homologue russe Sergueï Lavrov est prévue pour le 24 février. Le Kremlin continue de nier toute intention d’attaquer l’Ukraine voisine, pays pro-occidental que le Kremlin veut faire revenir dans sa sphère d’influence.

 Mais Moscou conditionne la désescalade à des «garanties» pour sa sécurité, comme le retrait d’Europe de l’Est de l’infrastructure militaire de l’Otan et l’assurance que l’Ukraine n’adhérera jamais à l’Alliance atlantique, des demandes inacceptables pour les Occidentaux. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a lui appelé «à l’unité» des alliés occidentaux, tandis que la vice-présidente américaine Kamala Harris a évoqué la menace d’un renforcement de l’Otan dans l’Est de l’Europe en cas d’attaque russe et celle de sanctions «sévères et efficaces».

 Signe d’inquiétudes croissantes, Berlin et Paris ont appelé samedi leurs ressortissants à quitter l’Ukraine, tandis que la compagnie aérienne allemande Lufthansa a annoncé la suspension de ses vols vers les villes ukrainiennes de Kiev et Odessa à partir de lundi et jusqu’à la fin du mois. Sur le front dans l’est de l’Ukraine, les forces armées ukrainiennes et les séparatistes pro-russes se sont mutuellement accusés samedi de nouvelles graves violations du cessez-le-feu. Kiev a annoncé la mort de deux de ses soldats lors de ces affrontements. 

Des obus de mortiers sont aussi tombés non loin du ministre de l’Intérieur ukrainien, Denys Monastyrsky, en visite sur le front, sans faire de victimes. Les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont affirmé hier samedi avoir constaté une «augmentation spectaculaire» des violations du cessez-le-feu, au plus haut depuis juillet 2020. Séparatistes pro-russes et forces ukrainiennes s’affrontent depuis 2014 dans un conflit qui a fait plus de 14 mille morts. Moscou a soutenu hier qu’un tir ukrainien était tombé en territoire russe, près de la frontière ukrainienne, sans faire de victimes. 

Des informations démenties par Kiev. La région russe de Rostov, frontalière de l’Ukraine, a déclaré l’état d’urgence pour faire face à un possible afflux de réfugiés en provenance des zones séparatistes. Près de 20 000 personnes ont déjà quitté ces régions, selon les responsables locaux prorusses. Washington et Kiev affirment que Moscou dispose d’environ 150 000 soldats aux frontières de l’Ukraine, en Russie et au Bélarus, un chiffre qui monte jusqu’à 
190 000 hommes en comptant les séparatistes de l’est de l’Ukraine. 

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