Crise au Niger : L’Algérie ferme son espace aérien aux partisans de l'option militaire

23/08/2023 mis à jour: 08:06
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Le Burkina Faso et le Mali ont répondu à l'appel de solidarité de Niamey en déployant des avions de combat pour défendre le Niger en cas d'agression de la Cédéao - Photo : D. R.

Après avoir mis en garde contre toute intervention militaire aux conséquences chaotiques pour la région, et averti qu’elle allait «répondre à toute menace susceptible de porter atteinte à la sécurité et à l’intégrité de notre pays», l’Algérie a fermé son espace aérien aux avions qui participeront à l’opération militaire que s’apprête à mener la Cédéao contre le Niger.

La Cédéao (communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) s’apprête à mener une opération militaire contre le Niger. Cette option a pris le dessus malgré son rejet catégorique par les populations des Etats membres de cette organisation économique, l’Union africaine et par de nombreux pays, dont le Mali, Burkina Faso et l’Algérie, qui partagent de longues frontières  avec le Niger.

Après avoir mis en garde contre cette intervention, dont la date, non annoncée, semble avoir été fixée et serait imminente, l’Algérie a décidé de fermer son espace aérien. Les autorités algériennes ont refusé que le territoire soit survolé par des avions militaires français.

Selon la Radio algérienne citant «des sources confirmées», «la France s’apprête à exécuter ses menaces contre le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) au Niger, en procédant à une intervention militaire au cas où le président Mohamed Bazoum n’est pas libéré.

L’intervention militaire serait imminente, tout le dispositif militaire est mis en place», ajoutant : «L’Algérie, qui a toujours rejeté la force, a donné une suite négative à la demande française de survol du territoire national pour attaquer le Niger. La réponse d’Alger est ferme et sans équivoque». 

Aucune réaction des autorités françaises n’a été enregistrée hier à la suite de cette information. Il est important de préciser, par ailleurs, que la décision de fermer l’espace aérien aux avions militaires des Etats engagés dans ce coup de force contre le Niger,  ne date pas d’aujourd’hui.

Elle a été décidée dès lors que la menace de recourir à la force contre le Niger, a été brandie les pays de la Cédéao puis par la France.

C’est  d’ailleurs dans ce contexte que le  chef de l’état-major de l’ANP, le général d’armée Saïd Changriha, a averti,  le 8 août : «Nous serons toujours prêts à répondre à toute menace susceptible de porter atteinte à la sécurité et à l’intégrité de notre pays, quelles que soient sa nature et son ampleur, car il s’agit là de la responsabilité de sauvegarder le legs des valeureux martyrs et de garantir l’avenir des futures générations.»

Quelques jours après, des informations faisaient état d’un refus de survol du territoire algérien d’un avion militaire français.

Une chaîne chinoise, citant le chef d’état-major de l’armée française, a démenti l’information en déclarant : «Aucune demande n’a été faite par la France, pour survoler l’espace aérien de l’Algérie dans le cadre d’une éventuelle opération liée au Niger.»

Il faut également rappeler que  lors de la crise diplomatique, au mois d’octobre 2021, l’Algérie avait interdit aux  avions cargos militaires français, opérant au nord du Mali, de survoler l’espace aérien, en raison de la crise diplomatique, qui a envenimé les relations entre les deux pays, à la suite des violentes déclarations du président Macron, sur l’histoire de l’Algérie, l’armée et le Président Tebboune et n’a été levé qu’au mois de février 2022, pour être refermé dès le début du mois en cours.

Le risque de balkanisation de la région

L’Algérie est le troisième pays, après le Mali et le Burkina Faso, à avoir fermé son espace aérien aux avions militaires français. Elle avait mis en garde contre toute opération de force au Niger, «qu’avant que l’irréparable ne soit commis, et avant que la région ne soit prise dans l’engrenage de la violence, dont nul ne peut prédire les conséquences incalculables».

Elle a appelé toutes les parties «à la retenue, à la sagesse et à la raison qui toutes commandent de redonner résolument la plus haute priorité à l’option politique négociée à la crise constitutionnelle actuelle épargnant ainsi au Niger frère et à l’ensemble de la région des lendemains lourds de menaces et de périls, dont notamment un regain de vigueur et d’agressivité du terrorisme et des autres formes de criminalité qui affectent gravement la région».

Ce communiqué est intervenu après la déclaration du commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Cédéao, Abdel-Fatau Musah, selon lequel le jour de l’intervention était fixé, tout comme les objectifs stratégiques, l’équipement nécessaire et l’engagement des Etats membres. Pour l’Algérie, cela présage une intervention imminente qui se «précise».

Elle a dit regretter que le «recours à la violence ait pris le pas sur la voie d’une solution politique négociée, rétablissant pacifiquement l’ordre constitutionnel et démocratique dans ce pays frère et voisin».

L’Algérie, s’est également déclarée convaincue qu’une «solution politique négociée demeure encore possible, que toutes les voies qui peuvent y conduire n’ont pas été empruntées et que toutes ces possibilités n’ont pas été épuisées».

Depuis le début de la crise, l’Algérie n’a cessé de mettre en garde contre les conséquences d’une action armée dans une région qui n’arrive toujours pas à sortir du chaos engendré par l’intervention militaire de la France appuyée par l’Otan,  en Libye, il y a plus d’une décennie.

Un chaos qui a impacté la région du Sahel  mais aussi l’Algérie, victime en 2013 par une prise d’otages inédite,  menée par une colonne d’une «multinationale» terroriste au complexe gazier de Tinguetourine, à In Amenas, au sud du pays, non loin de la frontière libyenne.

L’Algérie avait, rappelons-le, retenu son souffle durant des jours, avant que l’assaut final ne soit donné et que des centaines d’otages étrangers et algériens ne soient libérés. Les tonnes d’armes larguées en Libye ont permis à des groupes terroristes de s’approprier des territoires au Mali, au Niger, en Burkina Faso, au Nigeria, et bien d’autres régions de cette bande sahelo-saharienne.

Le Mali, une des victimes de cette opération, a lui aussi fermé son espace aérien aux avions français et s’est déclaré prêt à aider militairement son voisin nigérien. Son premier ministre a déclaré : «S’il y a une action armée contre le Niger, il n’y aura plus de Cédéao.»

La même position a été adoptée par le Burkina Faso qui a déployé ses avions de combats pour riposter à «toute agression» de la Cédéao, contre le Niger, qu’il qualifiée de «déclaration de guerre».

Si la France est totalement engagée dans cette crise à travers la Cédéao et maintient quelque 1500  soldats sur le territoire nigérien, les Etats-Unis, qui ont aussi plus d’un millier de militaires au Niger, se  sont montrés prudents par rapport à l’action militaire et ont préféré plaider pour «une résolution pacifique» de la crise.

D’autres pays continuent à exprimer leur crainte de voir une telle opération militaire provoquer le chaos, pour ne pas dire une balkanisation de la région. 
 

 

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