Crise au Niger : Alger lance une médiation

26/08/2023 mis à jour: 01:58
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Photo : D. R.

Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, poursuit sa tournée en Afrique de l’Ouest afin de faire valoir l’option politique dans le règlement de la crise au Niger. Le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères (MAE), Lounès Magramane, a été de son côté dépêché à Niamey pour tenter de convaincre les auteurs du coup d’Etat d’accepter «une solution politique négociée». L’Italie annonce son soutien à la médiation algérienne.

L’Algérie lance une opération de médiation pour trouver une issue politique et pacifique à la crise au Niger, provoquée par le coup d’Etat opéré le 26 juillet dernier contre le président Mohamed Bazoum. Mercredi dernier, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a été chargé par le président de la République pour effectuer une tournée dans trois pays de l’Afrique de l’Ouest afin de faire valoir la solution politique à la crise que traverse le Niger.

Le lendemain, c’est le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères (MAE), Lounès Magramane, qui a été dépêché au Niger pour tenter de convaincre les auteurs du coup d’Etat d’accepter «une solution politique négociée». A Niamey, M. Magramane a rencontré le Premier ministre issu du coup d’Etat, Ali Mahaman Lamine Zeine, en présence de plusieurs membres de son gouvernement, dont le ministre des Affaires étrangères Bakary Yaou Sangaré, et celui de la Défense, Salifou Mody.

A Abuja, M. Attaf a discuté avec son homologue nigérian Yusuf Tuggar sur les voies et moyens à utiliser pour arriver à résoudre la crise sans recourir à la force. Les deux ministres se sont mis d’accord sur l’impératif de «renforcer les efforts visant à cristalliser une solution pacifique de nature à garantir le retour à l’ordre constitutionnel et à éviter au pays les risques imprévisibles d’une intervention militaire», a souligné le ministère des Affaires étrangères (MAE) dans un communiqué.

Au cours de cet entretien, M. Attaf et son homologue nigérian ont, selon la même source, échangé «des informations et des analyses sur les efforts diplomatiques déployés par les deux pays pour contribuer à mettre fin à cette crise dans leur voisinage commun, saluant, à ce propos, les initiatives prises par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et son homologue nigérian, Bola Ahmed Tinubu, en sa qualité de président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao)».

Renforcer la coordination

Mesurant les risques d’une escalade de la situation, Alger et Abuja ont décidé de «renforcer la coordination entre les deux pays les prochains jours, afin d’exploiter toutes les opportunités disponibles en faveur de la solution politique et n’en manquer aucune pour assurer le rétablissement de la sécurité et de la stabilité au Niger de manière durable». Dans une vidéo postée sur la page Facebook du MAE, M. Attaf a affirmé que l’Algérie et le Nigeria œuvrent à «renforcer l’élan international et régional» et à «encourager la mobilisation de tous autour du processus politique et pacifique pour le règlement de la crise». Selon lui, le président Abdelmadjid Tebboune, qui continue de croire fermement à la solution politique, «a une vision claire pour résoudre cette crise».

Il s’agit, a précisé M. Attaf, d’«une solution qui garantit le respect total du cadre juridique africain qui interdit et rejette les changements non constitutionnels de gouvernements». C’est aussi, a-t-il poursuivi, «une solution qui garantit le retour à l’ordre constitutionnel et qui préserve les acquis réalisés par le Niger dans le cadre de l’instauration des fondements d’un système démocratique». Le plan de sortie de crise proposé par l’Algérie vise aussi, a ajouté M. Attaf, à «éviter au Niger et à la région toute entière les dangers d’une intervention militaire aux conséquences imprévisibles et aux répercussions difficiles à circonscrire».

Arrivé hier à Cotonou, M. Attaf a tenu le même langage avec son homologue béninois Shegun Bakari en réitérant l’attachement de l’Algérie au règlement politique de la crise. «Les deux parties ont examiné l’évolution de la crise actuelle en République du Niger et les moyens de contribuer à apaiser la situation et d’œuvrer au retour à l’ordre constitutionnel dans le pays afin de préserver sa sécurité et sa stabilité, conformément à ce qui a été convenu par les dirigeants des deux pays, le président Abdelmadjid Tebboune et le président Patrice Talon, lors de leurs consultations téléphoniques au début de cette crise», a affirmé le MAE dans un communiqué. Aussi, «les deux parties ont affirmé leur attachement aux règles légales de l’Union Africaine (UA), instaurées lors du Sommet de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) tenu à Alger en 1999, visant à traiter le fléau des changements anticonstitutionnels de gouvernements».

Le soutien de Rome à Alger

Après le Bénin, M. Attaf se rendra au Ghana pour le même objectif : convaincre les autorités de ce pays de l’impératif d’une issue politique à la crise pour épargner à la région de fâcheuses conséquences sécuritaires.

La médiation que mène actuellement l’Algérie pour trouver un règlement pacifique à la crise nigérienne reçoit l’appui de l’Italie. En effet,  Ahmed Attaf, qui est en pleine tournée africaine, a reçu hier un appel téléphonique de son homologue italien, Antonio Tajani, qui a exprimé le «soutien» aux efforts déployés par l’Algérie pour régler pacifiquement la crise au Niger.

Selon un communiqué du MAE, M. Tajani a précisé que «le gouvernement italien soutient et salue hautement l’initiative qu’a prise le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, en dépêchant des émissaires au Niger et aux pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), en vue  de réunir les conditions nécessaires pour faire prévaloir la logique de la solution politique à la crise au Niger». «L’Italie partage pleinement l’inquiétude de l’Algérie quant aux répercussions du recours à la force», a ajouté M. Tajani dont le pays est disposé à apporter l’appui nécessaire aux «démarches de l’Algérie visant à apaiser la situation et à œuvrer au retour à l’ordre constitutionnel au Niger par des voies pacifiques».

L’Algérie, qui a une frontière de 1000 km avec le Niger, a dès le début de la crise plaidé pour une solution pacifique. Lors de son entretien avec la presse nationale retransmise le 6 août par la télévision nationale, le président Abdelmadjid Tebboune avait exprimé son refus «catégorique» de «toute intervention militaire» pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. Il avait affirmé dans le même sillage qu’«il n’y aura aucune solution» sans l’Algérie. «Nous sommes les premiers concernés», avait-il ajouté.

C’était une réponse à la volonté affichée par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest de recourir à l’option militaire pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. Les auteurs du coup d’Etat au Niger ont répondu à cette annonce faite le 10 août dernier par la signature d’un accord avec le Mali et Burkina Faso afin qu’ils les aident à repousser toute intervention militaire. Face à cette situation tendue, l’Algérie, qui continue d’exiger le rétablissement de l’ordre constitutionnel mais qui est soucieuse de préserver la stabilité dans ce pays voisin, œuvre ainsi à faire valoir l’option politique en essayant de trouver un compromis qui épargnerait à la région une nouvelle escalade de violences.

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