La CAAR cherche à s’imposer comme leader incontesté sur le marché, où la concurrence devient de plus en plus féroce.
En 2010, le secteur des assurances pesait 0,66% du PIB. En 2024, cette part est passée à 0,7%, soit un bond d’à peine 0,004% en 14 ans dans un pays au riche potentiel assurable, alors que la norme à l’échelle du continent est à plus de 3%, entre 6 et 7% partout ailleurs. En dépit des maints efforts de redressement économique, jusque-là consentis, et la croissance continue de l’industrie de l’assurance, passant de 23 milliards de dinars en 2006 à 162 milliards en 2023, la culture de prévoyance peine à s’ancrer dans l’esprit des Algériens et de l’écosystème économique dans son ensemble, bien que l’univers des risques est sans cesse grandissant eu égard aux mutations et changements actuels, tous azimuts, évoluant à un rythme mondial spectaculairement accéléré.
La Compagnie algérienne d’assurance et de réassurance (CAAR), qui en serait consciente, s’est engagée dans un ambitieux plan d’action stratégique visant essentiellement à accroître ses activités, diversifier davantage ses produits et augmenter ses parts de marché. Les grandes lignes de sa nouvelle feuille de route viennent d’être dévoilées depuis Annaba, dans le cadre d’une journée d’information : «La CAAR, à l’écoute de ses partenaires». La doyenne des entreprises d’assurance en Algérie, apparemment bien partie pour améliorer ses performances, 16,3 milliards de dinars de chiffre d’affaires en 2023, une part de marché s’élevant à 12% et plus de 7 milliards d’indemnisations des sinistres, est résolument déterminée à insuffler une réelle dynamique au secteur et assurer les conditions d’un marché favorisant une croissance plus conséquente. Un challenge qui ne peut être relevé sans la stimulation de l’activité par la diversification des produits d’assurance innovants, insistera d’emblée Hacène Ouberrane, le DG.
Pour sa compagnie, rester confiné dans le classique rôle de prestataire de services, il n’en est plus question. La CAAR cherche désormais à s’imposer comme leader incontesté sur le marché, où la concurrence devient de plus en plus féroce. Pour y parvenir, elle mise sur le développement de l’assurance agricole et de l’assurance-crédit fournisseur ainsi que sur sa branche spécialiste des valeurs du Trésor (SVT). Les agriculteurs sont confrontés à de nombreux risques pouvant provoquer des pertes de récoltes et des baisses importantes de leurs revenus. Malgré les systèmes d’assurance agricole, fort tentants, existant de longue date, le taux de pénétration du marché reste faible : 0,7% contre 2,9% au Maroc et 1,8% en Tunisie et le taux d’adhésion peinant à franchir le seuil des 5%.
Pour inciter les travailleurs de la terre à être plus prévoyants, en prenant davantage de précautions à l’égard des risques liés à leurs activités, la compagnie œuvre à leur offrir une boîte à outils complète et diversifiée. Est ainsi proposée une gamme comprenant une dizaine de produits, baptisée Caaragri, exclusivement dédiée à la couverture de la production végétale et animale ainsi que de tous les matériels, engins agricoles et systèmes d’irrigation. «(…) le secteur agricole est le maillon fort de la chaîne de développement et de la croissance économique.
Il est également un garant de la sécurité alimentaire du pays. Les pouvoirs publics ont assigné des objectifs ambitieux à ce secteur, notamment l’agriculture saharienne qui représente plus du quart de la production agricole nationale», a rappelé Amel Zouaghi, responsable des risques simples. Et «l’engagement de la CAAR dans le secteur n’est pas seulement une stratégie économique mais aussi une contribution significative à la sécurité alimentaire et au développement durable de l’Algérie», a-t-elle souligné, laissant entendre que le secteur agricole demeure très peu protégé au regard de ces enjeux.
Comment s’adapter aux changements en cours
A la clientèle de la CAAR, des patrons d’entreprise et des industriels des secteurs public et privé, la rencontre de Annaba avait également offert l’opportunité d’échanger et explorer avec les responsables centraux de la compagnie autour des stratégies à mettre en place pour s’adapter aux changements extrêmement rapides qui se produisent actuellement, que ce soit en matière d’avancées technologiques, de comportement, des attentes des clients ou du milieu de l’assurance lui-même.
Qu’a-t-on pu retenir d’important ? L’industrie de l’assurance, dans son ensemble, ressent de plus en plus la nécessité d’optimiser ses marges d’exploitation en raison d’une combinaison de facteurs, dont la concurrence féroce du marché pour les uns et l’exposition accrue aux risques pour les autres. Contexte particulier poussant les assureurs à chercher de nouveaux moyens d’accroître leur précision afin de prendre de meilleures décisions, notamment lorsqu’il est question de risques commerciaux auxquels sont fortement exposées les entreprises, toutes tailles confondues.
Pour ces dernières, l’assurance-crédit fournisseur, tel que l’a si bien expliqué Tarik Rahmoun, directeur Risk Management et Conformité, serait un allié sûr et fiable. Dit autrement, une garantie susceptible d’accompagner, en accord avec les meilleurs standards internationaux, les entreprises dans l’exécution de leurs stratégies commerciales avec plus de sérénité : «L’assurance-crédit fournisseur est un outil essentiel pour les entreprises qui souhaitent se protéger contre le risque d’impayés de leurs clients. Elle offre une sécurité financière accrue et permet aux entreprises de se concentrer sur leur cœur de métier et donc leur croissance. Le contrat d’assurance-crédit fournisseur permet de gérer plus efficacement son chiffre d’affaires à crédit, de sécuriser ses flux de trésorerie tout en bénéficiant d’une indemnisation substantielle des éventuelles pertes subies».
La couverture contre les risques cybernétiques était, par ailleurs, au cœur des débats entre les représentants de la CAAR et les participants aux ateliers mis en place en marge de la rencontre. L’on rappellera à ce propos que beaucoup reste à faire en matière de protection contre les cyber-risques, considérant le danger que représente une attaque de ce genre et ses répercussions sur les entreprises ou les institutions s’appuyant sur les technologies modernes et l’adoption de plateformes numériques dans leurs activités.
En 2021, la CAAR avait, justement, annoncé le développement futur de «nouveaux produits répondant aux besoins du secteur économique, liés à la protection des institutions économiques et industrielles ainsi que des services contre divers cyber-risques». Où en est le projet de mise au point de cette très attendue police de cyberassurance ? «Nous ne sommes pas encore prêts, mais nos équipes sont à pied d’œuvre pour mener à son terme ce projet de produits et services. L’assurance de ces risques nécessite des engagements financiers importants et l’appel à la réassurance internationale. Nous y travaillons avec des compagnies étrangères», a indiqué à notre rédaction M. Ouberrane, le DG.
Et de préciser : «Nous, en tant qu’assureurs, sommes particulièrement exposés aux risques cybernétiques. Nous devons nous doter de notre propre bouclier financier face à ces dangers émergents qui nous guettent. Le recueil, le stockage et le traitement de volumes importants de données personnelles et commerciales confidentielles, donc hautement sensibles, font de nous des cibles privilégiées des cybercriminels. D’où le caractère délicat que revêt le développement et le déploiement de ce type de produits.»