L ’Ethiopie a annoncé hier qu’elle allait finalement «collaborer» à une nouvelle force de l’Union africaine (UA) en Somalie contre les insurgés islamistes shebab qui doit se déployer ce mois-ci, rapporte l’AFP.
«Les deux pays ont convenu de collaborer sur la mission AUSSOM, la Mission de soutien et de stabilisation de l’Union africaine, et de renforcer les relations bilatérales», a déclaré dans un communiqué publié sur Facebook le ministère des Affaires étrangères éthiopien. «Les discussions ont réaffirmé l’engagement des deux pays à travailler ensemble pour assurer la paix et la stabilité en Somalie et dans la région», ajoute le communiqué, qui salue des échanges «fructueux» la veille entre la délégation éthiopienne menée par la ministre de la Défense Aisha Mohammed et le président somalien Hassan Sheikh Mohamud.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a donné son feu vert fin 2024 à la nouvelle force de l’UA en Somalie, par une résolution adoptée par 14 Etats membres du Conseil sur 15, les Etats-Unis s’étant abstenus en raison de réserves sur le financement. Elle prévoit le remplacement au 1er janvier de la Mission africaine de transition en Somalie (Atmis) par la Mission de soutien et de stabilisation de l’Union africaine (AUSSOM).
Jusqu’à son retrait prévu le 31 décembre, le contingent de l’Atmis pouvait disposer de jusqu’à plus de 12 000 hommes, alors que les shebab continuent d’être une menace importante dans le pays.
La Somalie et l’Ethiopie ont été invitées à participer à la réunion du Conseil, sans voter. Le représentant somalien a alors saisi l’occasion pour expliquer que «la fourniture de troupes à l’AUSSOM a été conclue par des accords bilatéraux en novembre» avec des pays partenaires, évoquant le chiffre de 11 000 hommes. Le texte adopté inclut la possibilité d’utiliser un dispositif créé par le Conseil de sécurité l’an dernier qui prévoit qu’une force africaine déployée avec le feu vert de l’ONU puisse être financée jusqu’à 75% par les Nations unies.
Le ministre somalien des Affaires étrangères Ali Mohamed Omar s’est rendu la semaine dernière à Addis Abeba pour rencontrer son homologue éthiopien Mesganu Arega, au lendemain de heurts meurtriers dans la localité frontière de Doolow, et tenter de préserver la fragile détente entre les deux pays.Les relations entre les deux pays se sont dégradées l‘an denier. La raison ? L’Ethiopie a tenté de retrouver un accès à la mer dont elle est privée depuis 1993 et l’indépendance de l’Erythrée.
Ankara le médiateur
Elle a passé un accord avec le Somaliland, le 1er janvier 2024, selon lequel elle pourrait bénéficier d’une bande de terre de 20 kilomètres pendant 50 ans, afin d’y installer un port commercial et une base navale, en échange de la reconnaissance de l’indépendance de la république autoproclamée qui a unilatéralement fait sécession de la Somalie en 1991. L’accord est qualifié par la Somalie de violation de sa souveraineté. La communauté internationale, notamment l’ONU, les Etats-Unis et la Chine ont enjoint l’Ethiopie à respecter l’intégrité territoriale de la Somalie.
En réaction, les autorités de Mogasdiscio ont menacé d’ordonner le retrait des quelque 10 000 soldats éthiopiens présents en Somalie dans le cadre de l’Atmis, comme elles ont renforcé leurs relations avec l’Egypte, en froid avec l’Ethiopie à cause de la construction d’un barrage sur le Nil, et l’Erythrée. Le Caire considère ce barrage comme une menace existentielle et a déjà averti par le passé qu’elle prendrait des «mesures» si sa sécurité était menacée. Pour Addis Abeba, un tel projet est considéré comme un moyen de donner un nouveau souffle au développement socio-économique du pays en produisant de l’électricité pour 60% de la population et en fournissant d’une manière régulière de l’électricité aux entreprises.
Ankara, qui a passé un accord de défense maritime avec Mogadiscio, a fait office de médiateur pour réduire les tensions entre les deux voisins de la Corne. Le 11 décembre, le président somalien, Hassan Cheikh Mohamoud et le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, se sont rendus à Ankara pour un nouveau round de négociations organisées par la Turquie, après deux premières tentatives qui n’ont pas débouché sur des progrès.
Ce même jour, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé que les deux dirigeants ont trouvé sous ses auspices un accord pour mettre fin aux tensions, notamment sur l’accès de l’Ethiopie à la mer. Erdogan, qui a qualifié l’accord d’«historique», a ajouté qu’il espère que celui-ci serait «le premier pas vers un nouveau commencement fondé sur la paix et la coopération» entre Mogadiscio et Addis-Abeba. «Nous avons résolu le malentendu survenu dans l’année passée… L’Ethiopie veut un accès sûr et fiable à la mer. Cela bénéficiera tout autant à nos voisins», a déclaré en la circonstance Abiy Ahmed. Il a ajouté que ces négociations pourraient permettre aux deux pays «d’entrer dans la nouvelle année dans un esprit de coopération, d’amitié et avec le désir de travailler ensemble».
De son côté, le président somalien a affirmé que l’accord a «mis un terme au différend», et que son pays est «prêt à travailler avec les autorités éthiopiennes et le peuple éthiopien».