Coopération militaire américano-australienne : Washington compte aider Canberra à intensifier la fabrication de missiles

30/07/2023 mis à jour: 00:36
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Les Etats-Unis investissent le gros de leurs moyens dans la région Asie-Pacifique

Washington renforcera ses stocks d’armes en aidant l’Australie à mettre en place une industrie de fabrication de missiles. C’est ce qui ressort des entretiens hier entre des responsables de haut niveau des deux pays. «Nous espérons que la fabrication de missiles commencera en Australie d’ici deux ans, dans le cadre d’une base industrielle collective entre nos deux pays», a déclaré à la presse le ministre australien de la Défense, Richard Marles, selon des propos recueillis par l’AFP.

«Nous sommes très satisfaits des mesures que nous prenons en vue d’établir une entreprise d’armes guidées et de munitions explosives dans ce pays», a-t-il ajouté. Dans le cadre de ce projet, l’Australie développera des systèmes de fusées à lancements multiples guidés (GMLRS).

Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, et le chef du Pentagone, Lloyd Austin, se sont rendus à Brisbane pour cette annonce, qui fait suite à des discussions avec R. Marles et la ministre australienne des Affaires étrangères Penny Wong. Washington compte collaborer avec l’Australie pour développer son industrie nationale de missiles naissante, dans le but d’assurer une filière fiable pour ses propres forces armées à l’avenir.

La guerre en Ukraine a pesé sur les chaînes d’approvisionnement militaires aux Etats-Unis, réduisant progressivement les stocks de missiles et d’autres munitions.

L’Australie procède actuellement à la refonte de ses propres forces armées, s’orientant vers des capacités de frappe à longue portée afin de se protéger contre les menaces de puissances comme la Chine.

Cette réunion de deux jours entre responsables australiens et américains a mis l’accent sur la sécurité régionale et la coopération militaire, alors que Washington et ses alliés tentent de limiter l’influence grandissante de la Chine dans le Pacifique.

Pour le reste, Canberra a accepté de remettre en état des bases militaires dans le nord du pays, une région stratégiquement située, pour qu’elles puissent abriter des exercices d’entraînement et permettre des rotations plus fréquentes de troupes américaines.

«Nous avons fait d’importants progrès en ce qui concerne les initiatives américaines en matière de posture des forces», a déclaré R. Marles.

L’Australie accueillera également à «un rythme plus élevé» des visites de sous-marins nucléaires à propulsion nucléaire, selon le ministre australien de la Défense.

Ce même jour, l’Australie a repris un important exercice militaire avec les Etats-Unis, brièvement suspendu un peu plus tôt après le crash d’un hélicoptère de l’armée australienne, dont des débris ont été localisés, mais dont les quatre membres d’équipage sont toujours portés disparus.

L’appareil, un Taipan MRH-90 de fabrication européenne, s’est crashé dans la nuit de vendredi à samedi au large de l’île Hamilton, dans l’Etat du Queensland (nord-est).

Les responsables australiens et américains ont jugé les exercices Talisman Sabre nécessaires pour s’assurer que les deux armées étaient «en phase». Manœuvres de grande envergure auxquelles participent les Etats-Unis, le Japon, la France, l’Allemagne et la Corée du Sud.

«C’est toujours dur quand il y a des accidents», a déclaré Lloyd Austin, «mais si l’on s’entraîne à un niveau aussi élevé, c’est en fin de compte pour pouvoir protéger des vies».

Ces exercices, impliquant 30 000 militaires, avec des combats terrestres, les débarquements amphibies et les opérations aériennes, entrent dans leur deuxième semaine et visent à faire démonstration de la force des alliances militaires occidentales. Ces manœuvres doivent se terminer le 4 août.

Avant cet incident, Canberra a annoncé son intention de remplacer sa flotte d’hélicoptères vieillissants Taipan par des Black Hawks de fabrication américaine.

Aide au Taïwan

Par ailleurs, le président américain, Joe Biden, a autorisé une aide militaire à Taïwan d’une valeur de 345 millions de dollars, a annoncé la Maison-Blanche vendredi soir. Aucun détail n’est immédiatement disponible sur la nature de l’aide fournie, la présidence américaine a évoqué dans un communiqué des «équipements de défense» et de «formation militaire». 

Un responsable américain s’exprimant sous le couvert de l’anonymat a cependant évoqué plus tôt des systèmes de surveillance et de reconnaissance, des munitions et autres pièces détachées et équipements divers. Une telle décision ne laissera pas indifférente la Chine qui considère Taïwan comme partie de son territoire et proteste à chaque annonce d’aide militaire à l’île. 

Les Etats-Unis vendent des armes à Taïwan depuis des années, mais la nouvelle aide proviendra directement des stocks américains existants, à l’instar de ce qui se fait pour l’Ukraine depuis le début de la guerre en février 2022. Cet armement permettra à Taïwan «de renforcer sa capacité de dissuasion, dès à présent et à l’avenir», a déclaré un porte-parole du Pentagone, notamment en matière de «stocks (d’armement) défensifs», ou encore de «capacités anti-blindés et de défense anti-aérienne». Lloyd Austin a indiqué à la mi-mai qu’une telle aide à Taïwan provenant des stocks américains était à l’étude.

Selon une loi votée par le Congrès américain, il est autorisé à puiser jusqu’à 1 milliard de dollars dans les stocks des Etats-Unis pour équiper l’île autonome, dans le but de dissuader la Chine de toute velléité expansionniste.

Les Etats-Unis sont membres de l’alliance Aukus avec l’Australie et le Royaume-Uni, et du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quad) avec l’Australie, l’Inde et le Japon.L’annonce de la Maison-Blanche intervient en pleine relance du dialogue entre les Etats-Unis et la Chine, après une succession de visites de hauts responsables américains à Pékin, dont A. Blinken et, plus récemment, la secrétaire au Trésor Janet Yellen et l’envoyé spécial pour le climat John Kerry.

Lors de la visite du secrétaire d’Etat américain mi-juin à Pékin, les deux puissances ont campé sur leurs positions concernant Taïwan, tout en espérant maintenir la communication afin d’éviter que les tensions ne dégénèrent en confrontation armée.

Pékin considère Taïwan comme une province qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949.

La Chine, qui dit privilégier une réunification pacifique avec Taïwan, n’exclut toutefois pas un recours à la force pour y parvenir. En avril, elle a organisé trois jours d’exercices militaires simulant un blocus de l’île en réponse à la rencontre en Californie entre le président de la Chambre des représentants américaine, Kevin McCarthy, et la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen.

Guerre d’influence

Le mois dernier, elle a effectué avec la Russie une patrouille militaire aérienne conjointe au-dessus des mers du Japon et de Chine orientale. Début juillet, le ministre chinois de la Défense, Li Shangfu, a prôné le renforcement de la coopération militaire navale avec la Russie lors d’un entretien à Pékin avec un haut gradé russe.

La Chine et la Russie peuvent «apporter des contributions positives au maintien de la paix et à la stabilité dans le monde et la région», a estimé Li Shangfu, placé depuis 2018 sous sanctions américaines. Le 20 du même mois, les deux pays ont entamé des exercices militaires conjoints en mer du Japon. Opérations qui ont duré quatre jours.

Aussi, la Chine a mené une offensive diplomatique dans le Pacifique.

Dans ce cadre, Pékin a notamment signé une série d’accords avec les îles Salomon, à l’ouest des Tonga, dont l’un en avril a trait à la sécurité : il prévoit le renforcement de la présence policière chinoise jusqu’en 2025 dans cet archipel. Nombre de pays occidentaux, notamment les Etats-Unis et l’Australie, redoutent que ce pacte permette à l’Empire du Milieu d’établir une base militaire dans le pays. Ce que les îles Salomon ont démenti.

L’armée chinoise a mené une opération humanitaire de grande ampleur aux îles Tonga au lendemain de l’éruption d’un volcan qui a eu lieu le 15 janvier 2022.

Le 27 mai, la Chine et l’île Kiribati ont signé des documents de coopération afin de construire des infrastructures et de lutter contre le changement climatique. Pékin devrait réhabiliter une ancienne piste de l’armée américaine sur l’île de Kanton.

Autre projet chinois : réalisation d’un terminal portuaire pour conteneurs. Kiribati s’est tourné vers la Chine fin 2019 en s’inscrivant dans le projet des «nouvelles routes de la soie» du président Xi Jinping. L’île bénéficie d’une très importante zone économique exclusive, riche en ressources et située à moins de 3000 kilomètres de Hawaï.

Mais Washington n’entend pas céder du terrain dans cette zone. Le 12 juillet 2022, la vice-présidente, Kamala Harris, a annoncé aux Etats du Forum des îles du Pacifique (FIP) la nomination d’un premier «envoyé spécial américain», dans le cadre d’une toute nouvelle «stratégie nationale sur les îles du Pacifique».

En septembre, la Maison-Blanche a fait part d’un nouveau fonds de 810 millions de dollars d’aide pour les îles du Pacifique-Sud, déclarant à l’époque vouloir accroître la présence diplomatique des Etats-Unis dans cette région.

En février dernier, les Etats-Unis ont rouvert leur ambassade aux îles Salomon, fermée en 1993. De son côté, la Papouasie-Nouvelle Guinée a signé en mai dernier un pacte de sécurité avec Washington, qui donne aux forces américaines l’accès aux ports et aéroports de ce pays du Pacifique, où les Etats-Unis cherchent à contrer l’influence de la Chine. Mercredi, le secrétaire d’Etat américain a effectué une visite aux îles Tonga.

A cette occasion, il a exprimé la volonté des Etats-Unis de se saisir des problèmes que connaissent les îles du Pacifique, particulièrement exposées au changement climatique et à la pêche illégale. 

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