Les droits culturels sont partie intégrante des droits de l’homme, qui sont universels, indissociables et interdépendants» (déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle).
Le 14 novembre, le monde célèbre la Journée internationale de lutte contre le trafic illicite des biens culturels, trafic qui occupe le troisième rang après celui de la drogue et des armes. Pis encore, ce trafic est de nos jours intimement lié à celui de la drogue et du terrorisme, d’où l’importance de résumer la contenu et les caractères essentiels de la convention d’Unidroit (Institut international pour l’unification du droit privé, organisation intergouvernementale indépendante) sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, qui demeure ignorée, en dépit de son importance ; convention, adoptée à Rome le 24 Juin 1995 et ratifiée par l’Algérie le 30 août 2009, soit quatorze années après son adoption ! Evolution inquiétante du trafic illicite des biens culturels: des raisons multiples. Parmi les facteurs qui ont encouragé l’évolution inquiétante du trafic illicite des biens culturels, figure en première ligne l’échec de la convention de l’Unesco de 1970 dont l’objectif est d’énoncer les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation l’exportation et le transfert des propriétés illicites des biens culturels. En effet, par sa nature même, la convention de l’Unesco était vouée à l’échec, étant une convention essentiellement de droit public, alors que le fond du problème est avant tout une question de droit international privé.
DIVERSITÉ DES LÉGISLATIONS NATIONALES
Devant l’évidence des limites de sa convention, l’Unesco a entamé dés 1986 son examen, en vu de son amendement. Après de longues années d’études en collaboration avec Unidroit, une conférence diplomatique s’est tenue à Rome en Juin 1995 à l’issue de laquelle la convention d’Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés fut adoptée. Il faut souligner aussi que l’insuffisance des traités bilatéraux et régionaux en matière de lutte contre le trafic illicite des biens culturels contribue aussi a l’accentuer. Il en est de même pour la diversité des législations nationales qui est de nature à favoriser les vols et le pillage des biens culturels En effet les trafiquants exploitent cette diversité sachant d’emblée que les interdictions d’exportations ne peuvent être appliquées dans certains Etats. L’émergence de nouvelles nations riches a encouragé l’accès au marché de l’art, ce qui explique les prix vertigineux atteints par les biens culturels et qui font aujourd’hui l’objet d’un marchandage odieux sur les plateformes numériques. La situation sociale précaire que vit plusieurs pays en voie de développement, l’ignorance ainsi que l’absence d’éthique sont de nature à accentuer davantage la gravité de ce fléau. La convention d’Unidroit a opté pour une définition ample des biens culturels ce qui permet d’élargir cette notion et de sauvegarder le patrimoine culturel national et humanitaire dans des domaines très variés, tels la zoologie, la botanique, les produits de fouilles archéologiques, les objets d’antiquité, le matériel d’ethnologie, les biens d’intérêt artistiques, les archives, les timbres – poste et les objets d’ameublement. Cette définition permet donc de mieux cerner la question des biens culturels volés ainsi que celle de leur exportation illicite. L’obligation de restituer les biens culturels volés.
DROIT A UNE INDEMNITÉ ÉQUITABLE
On ne peut assimiler l’acte de vente d’unobjet d’art à un acte de vente d’un objet ordinaires: la convention d’Unidroit, consciente de cette réalité , exige donc de l’acquéreur une attention particulière au moment de la conclusion du contrat , le possesseur d’un bien culturel volé qui est obligé de les restituer a droit à une indemnité équitables ’il prouve sa bonne foi au moment de l’acquisition du bien culturel volé; il appartient au juge d’apprécier selon les circonstances, le prix d’achat, la valeur actuelle de l’objet culturel, le montant de l’indemnité à verser à l’acquéreur de bonne foi, montant qui ne saurait en aucun cas être symbolique. S’agissant des délais de prescription en matière de restitution des biens culturels volés , il appartient à chaque Etat de déclarer au moment de la signature, la ratification, l’acceptation, l’approbation ou l’adhésion qu’une action se prescrit dans un délai de 75 ans ou dans un délai plus long prévu par son droit propre.
Il est utile d’attirer l’attention que la convention d’Unidroit considère les biens culturels issus de fouilles illicites ou licites ayant fait l’objet d’un détournement, comme étant des biens culturels volés. L’exportation illicite des biens culturels: Des dispositions novatrices L’Etat contractant peut demander au tribunal ou à toute autorité compétente d’un autre Etat contractant, le retour d’un bien culturel illicitement exporté de son territoire en respectant certains délais; la demande de restitution doit être introduite dans un délai de trois ans à compter du moment ou l’Etat requérant a eu connaissance de l’endroit ou se trouvait le bien culturel, ainsi que l’identité du possesseur et dans tous les cas dans un délai de 50 ans à compter de la date d’exportation ou de la date à laquelle le bien aurait du être retourné s’il avait fait l’objet d’une autorisation légale d’exportation temporaire à des fins de recherches de restauration ou d’exposition. Le possesseur a droit à une indemnisation équitable comme dans le cas des biens culturels volés; il peut aussi se mettre d’accord avec l’Etat requérant de rester propriétaire du bien culturel ou de transférer sa propriété à une personne de son choix résidant sur le territoire du pays requérant et qui présente des garanties nécessaires. Unidroit a certes tracé les principes et règles d’une solidarité internationale en matière de lutte contre le trafic illicite des biens culturels ; les Etats contractants doivent cependant saisir cette opportunité pour accélérer la restitution de leurs biens culturels volés ou illicitement exportés. Cette journée du 14 novembre devrait être célébrée avec éclats afin de sensibiliser la société civile sur les dangers du fléau en question, sachant que ce fléau coûte à l’Algérie plusieurs milliards de Dollars.
Par Dr Kamel Rahmaoui
Docteur en sciences juridiques Maître de conférences