Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a jugé hier qu’une rencontre entre Vladimir Poutine et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, serait pour l’heure «contre-productive», rapporte l’AFP. Vladimir Poutine «a dit qu’il ne refuserait jamais une rencontre avec le président Zelensky, mais il faut que cette rencontre soit bien préparée (...).
Le conflit au sein de l’Ukraine s’est aggravé pendant toutes ces années, beaucoup de problèmes se sont accumulés», a déclaré Sergueï Lavrov. «Donc, se rencontrer et dire : qu’est-ce que tu penses ?
Moi, je pense que… serait juste contre-productif», a-t-il poursuivi, lors d’une conférence de presse, alors que les délégations russe et ukrainienne sont attendues le même jour à Istanbul pour une nouvelle session de discussions. Le diplomate russe a réitéré les exigences formulées par le Kremlin dès le début de l’offensive contre Kiev le 24 février : la protection des populations du Donbass, ainsi que la «démilitarisation» et la «dénazification» de l’Ukraine. «La dénazification et la démilitarisation de l'Ukraine sont un élément obligatoire de l'accord que nous essayons d'obtenir», a-t-il déclaré. Et d’observer : «Nous sommes obligés de faire en sorte que l'Ukraine cesse d'être l'objet des expérimentations de l'Ouest et de l'OTAN, sur le plan militaire, et de présenter une menace militaire et physique pour la Russie.»
Un peu plus tard, le chef de la diplomatie russe a annoncé qu’un décret est en préparation pour limiter l’accès au territoire russe aux ressortissants de pays auteurs d’actes «inamicaux». Il n’a pas précisé toutefois quels pays seraient sanctionnés en particulier.
Auparavant, le ministère des Affaires étrangères russe avait annoncé l’expulsion de trois diplomates slovaques, en réaction à une décision similaire prise en mars par la Slovaquie à l’égard de trois diplomates russes.
De son côté, le président Zelensky compte s’adresser au Parlement grec le 7 avril. Dimanche, il a déclaré que son gouvernement étudie «en profondeur» la question de la «neutralité» de l'Ukraine, un des points centraux dans les discussions avec la Russie pour arrêter le conflit. Mais il devra être soumis à référendum et il faut des garanties, a-t-il ajouté dans un entretien en ligne à des médias indépendants russes, diffusé sur la chaîne Telegram de l’administration présidentielle ukrainienne, accusant le président russe et son entourage de faire «traîner les choses».
Une guerre dans la guerre
Entre-temps, la guerre du gaz entre l’Occident et Moscou se poursuit. Hier, les pays du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Grande-Bretagne, Canada, France et Italie) ont estimé qu’exiger un paiement en roubles du gaz russe n’est «pas acceptable». «Tous les ministres du G7 sont tombés d'accord sur le fait qu'il s'agissait d'une violation unilatérale et claire des contrats existants (...), ce qui signifie qu’un paiement en roubles n’est pas acceptable», a déclaré le ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck, à l’issue d’une réunion virtuelle avec ses homologues du G7. «Je pense qu'il faut interpréter cette demande comme le fait que Poutine est dos au mur», a-t-il observé. «Nous demandons aux entreprises concernées de ne pas répondre à la demande de Poutine», a-t-il ajouté, qualifiant la Russie de «fournisseur pas fiable». A travers cette exigence, «la tentative de Poutine de nous diviser est évidente», a ajouté le ministre dont le pays préside cette année le G7.
Lors du Forum mondial de l’énergie de l’Atlantic Council, à Dubaï, le ministre de l’Energie émirati, Suhail Al Mazrouei, a appelé les Occidentaux à être «raisonnables» dans leurs attentes, en réaffirmant leur attachement à l’alliance Opep+. Celle-ci réunit les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, menée par l’Arabie Saoudite, et dix autres pays exportateurs non membres de l’Opep, menés par la Russie. Ils refusent pour l’instant d’augmenter significativement leur production pour soulager le marché, s'en tenant au relèvement graduel de 400 000 barils par jour chaque mois.
Le président Poutine a annoncé, la semaine dernière, que son pays n’accepterait plus de paiements en dollars ou en euros pour les livraisons de gaz à l’Union européenne (UE), donnant une semaine aux autorités russes pour élaborer un nouveau système de règlement en roubles. Il a expliqué que sa décision constitue une réaction au gel des actifs de la Russie décidé par les Occidentaux pour sanctionner Moscou après son intervention en Ukraine.
Nombre des acheteurs européens du gaz russe, dont l’Allemagne, la Pologne et la France, ont dénoncé cette demande, estimant que la Russie viole par ce biais ses contrats avec les entreprises européennes achetant du gaz.
Malgré l’offensive russe sur l’Ukraine, le gaz russe continue d’affluer vers l’UE, qui refuse d’imposer un embargo, comme les Etats-Unis. Berlin, qui se fournit avant la guerre à plus de 55% auprès de la Russie, cherche à réduire rapidement sa dépendance en démarchant d’autres producteurs,, mais n’envisage pas pouvoir se passer de gaz russe avant mi-2024.
Le gouvernement allemand compte notamment accélérer la construction de terminaux gaz naturel liquéfié (GNL) en vue d’en importer. Un accord a été signé mi-mars avec le Qatar pour une «fourniture de long terme» de GNL, lors d’une visite de R. Habeck dans cette monarchie du Golfe.