Conflit du Soudan : Les FSR et leurs alliés signent une «charte fondatrice» d'un gouvernement parallèle

24/02/2025 mis à jour: 04:36
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Les signataires du document entendent créer un «gouvernement de paix et d'unité» dans les zones du Soudan contrôlées par les rebelles - Photo : D. R.

Le document ne précise pas où ce gouvernement parallèle sera installé, mais affirme qu'il visera à mettre fin à la guerre, à assurer l'accès sans entrave à l'aide humanitaire et à créer une «nouvelle armée nationale, unifiée, professionnelle».

Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) et leurs alliés au Soudan ont signé à Nairobi «une charte fondatrice» d'un gouvernement parallèle, selon plusieurs sources, malgré les mises en garde sur un risque de «fragmentation» de ce pays ravagé par la guerre, rapporte l’AFP.

Le conflit qui oppose les FSR à l'armée régulière soudanaise depuis près de deux ans a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé plus de 12 millions de personnes et engendré un désastre humanitaire.

La charte a été signée dans la nuit de samedi à hier lors d'une réunion tenue à huis clos dans la capitale kényane Nairobi, au terme de nombreux reports et d'une grande confusion cette semaine, sur fond de tensions diplomatiques avec le Kenya.

Les signataires du document entendent créer un «gouvernement de paix et d'unité» dans les zones du Soudan contrôlées par les rebelles. Ils s'engagent, selon le texte, à «construire un Etat laïque, démocratique, décentralisé, basé sur la liberté, l'égalité et la justice, sans parti pris culturel, ethnique, religieux ou régional».

Le document ne précise pas où ce gouvernement parallèle sera installé, mais affirme qu'il visera à mettre fin à la guerre, à assurer l'accès sans entrave à l'aide humanitaire et à créer une «nouvelle armée nationale, unifiée, professionnelle», qui refléterait «la diversité et la pluralité» de l'Etat du Soudan.

Les Forces civiles unifiées, une large coalition comptant des partis politiques, des représentants de la société civile et des factions armées, ont confirmé la signature de ce document, de même qu'un représentant des syndicats soudanais, Alaa Al Din Nuqd, et une source proche des signataires.  Najm Al Din Drisa, porte-parole des Forces civiles unifiées, a déclaré que ce gouvernement parallèle pourrait être formé «d'ici un mois» et que cette formation aurait lieu «au Soudan».

«Fragmentation»

Une faction du Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (SPLM-N), dirigée par Abdelaziz Al-Hilu et qui contrôle des parties des Etats du Kordofan et du Nil-Bleu, a également signé le texte. Mohamed Hamdan Daglo, chef des FSR, n'était pas présent mais son frère et n°2 des paramilitaires, Abdel Rahim Daglo, a signé le document.

Alaa Al Din Nuqd a affirmé que l'objectif de ce gouvernement parallèle sera de combler les lacunes dans les services publics, comme l'accès aux documents officiels et à la monnaie, évoquant «la protection de la dignité» des civils touchés par le conflit.

De son côté, le ministre soudanais des Affaires étrangères, Ali Youssef, a déclaré que son pays «n'acceptera(it) pas» la reconnaissance d'un «gouvernement parallèle», lors d'une conférence de presse avec son homologue égyptien, Badr Abdelatty, au Caire. «Nous n'accepterons pas qu'un autre pays reconnaisse ce qui est appelé un gouvernement parallèle», a déclaré A. Youssef. Un peu plus tard, l'armée soudanaise a affirmé avoir brisé le siège autour de la ville-clé d'El Obeid, dans le sud du pays, imposé par les FSR.

Dans un communiqué, Nabil Abdallah, porte-parole de l'armée régulière, a affirmé que les forces armées soudanaises «avaient réussi à rouvrir la route vers El Obeid et à faire la jonction» avec des soldats à l'est de la ville, chef-lieu de l'Etat du Kordofan du Nord. La guerre a déchiré le pays, l'armée contrôlant l'est et le nord du Soudan, et les FSR dominant la quasi-totalité de la région occidentale du Darfour et des pans du sud du pays.

Ces dernières semaines, l'armée a mené une offensive dans le centre du pays, reprenant des villes-clés et la quasi-totalité de Khartoum, la capitale. La démarche politique des FSR vise, selon les experts, à renforcer leur contrôle sur le Darfour, entraînant de facto une division du pays.

Cette démarche pourrait accroître la «fragmentation» du pays et «aggraver la crise», a mis en garde mercredi le porte-parole du secrétaire général de l'ONU. La Ligue arabe a elle condamné jeudi «toute mesure susceptible de porter atteinte à l'unité du Soudan ou de l'exposer au risque de la division ou la fragmentation».

L'armée et les FSR sont accusées de crimes de guerre, mais les paramilitaires se distinguent par des exécutions de masse à caractère ethnique, des violences sexuelles et de graves violations des droits humains sur leurs territoires. L'Union africaine a qualifié le conflit de «pire crise humanitaire au monde», avec des centaines de milliers d'enfants qui souffrent de malnutrition sévère aiguë.

Le Kenya a été critiqué pour l'accueil de cette initiative par le gouvernement soudanais, qui a rappelé son ambassadeur à Nairobi jeudi, accusant le président William Ruto d'agir selon «ses intérêts commerciaux et personnels avec les sponsors régionaux de la milice», faisant manifestement allusion aux Emirats arabes unis. Abou Dhabi est régulièrement accusé de soutenir les FSR, ce qu'il dément. Le mois dernier, le Kenya et les Emirats arabes unis ont signé un accord économique qualifié de «jalon historique» par la présidence kényane.

Mercredi, le ministère kényan des Affaires étrangères a défendu son choix, affirmant que l'organisation de l'événement est «compatible avec le rôle du Kenya dans les négociations de paix, qui l'oblige à offrir des plateformes impartiales aux parties en conflit pour rechercher des solutions».

 

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