Conférence «le patrimoine du vieux Mila» à la villa Abdeltif à Alger : «Les populations, premier maillon de la chaîne patrimoniale»

03/06/2023 mis à jour: 22:47
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l L’ingénieur culturel doctorant Nassim Herkat a tenu, mercredi dernier au niveau de la villa Abdeltif à Alger, une expo-conférence portant sur le bâti de Mila

Nassim Herkat est ingénieur culturel et depuis 2017 créateur #kabtihkayti, une plateforme qui consiste en des carnets de voyage culturel sur les réseaux sociaux : façon singulière de vulgariser et de valoriser le patrimoine algérien. Dans le cadre de sa thèse en Sciences humaines et sociales, l’intervenant a voulu partager son travail de recherche mené à Mila en 2022, et ce, en collaboration avec l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC). 

L’intervenant rappelle que l’Algérie est riche de ses villes à secteurs sauvegardés. Il explique qu’il a décidé de travailler sur le vieux bâti de Mila car cette ville du nord-est de l’Algérie possède non seulement un riche parc archéologique mais aussi reste une petite ville algérienne qui est confrontée à des problèmes sociaux et économiques. C’est cet environnement qui a intéressé notre ingénieur. Il se pose la question suivante : comment nos villes historiques peuvent être bénéfiques pour tous les acteurs du territoire dont, entre autres, les pouvoirs publics, le secteur associatif et surtout les habitants de cette ville historique. Nassim Herkat précise qu’il n’a pas voulu axé son travail sur certaines villes connues, telles que La Casbah d’Alger ou Constantine. 

A travers cette recherche sur Mila, il a voulu rendre visible une ville millénaire qui a beaucoup apporté à l’Algérie mais qu’on ne voit pas forcément souvent dans l’espace public. Il a tenu à travailler sur la vieille ville de Mila de manière à pouvoir répondre à une interrogation : comment la vieille ville de Mila peut constituer un outil de développement pour les acteurs du territoire et les habitants. Notre orateur indique qu’à travers sa recherche, il est arrivé au constat que c’est la dimension humaine qui est au centre de la chaîne de valorisation du patrimoine. 

En effet, c’est le premier maillon de la valorisation du patrimoine. «Un projet économique, explique-t-il, ne peut pas exister dans une ville sans qu’il y ait un consentement, une réelle envie et une prise de conscience des populations pour en faire un outil de développement. Aujourd’hui, si nos villes historiques ne sont pas suffisamment développées, ce n’est pas une question d’investissement ou de financement public ou encore de rénovation, c’est surtout et avant tout une prise de conscience des populations à travers l’éducation, la sensibilisation et la médiation. C’est à travers toutes ces actions que le patrimoine pourra être valorisé. Les populations doivent être incluses dans le processus de valorisation. A partir de ce moment-là, des projets culturels pourront voir le jour.» 

L’orateur est conscient que sa recherche reste une modeste contribution qui ne changera pas l’ordre des choses, mais c’est plutôt une manière de corroborer certaines visions et études qui ont été réalisées jusque-là. Pour notre interlocuteur, il y a deux pistes à explorer pour valoriser le patrimoine et qui, selon lui, sont les plus importantes sur lesquelles il faut investir. Il cite une première piste anthropologique, consistant à investir pour l’humain, la connaissance, la transmission, la pédagogie, l’éducation dès le plus jeune âge mais aussi ajouter dans cette dynamique la place de la femme. «Nous vivons dans une société où le patrimoine se transmet de manière orale et où le patrimoine immatériel a une place plus que centrale. Il y a une étude anthropologique sur laquelle il faut investir. La connaissance et le besoin des populations sont très importants. Il faut essayer de déverrouiller la distance que peuvent avoir certains habitants avec leur patrimoine. Il faut essayer aussi de les motiver», estime-t-il. 

Quant à la deuxième piste, elle est fondée sur l’ingénierie culturelle, à travers notamment la coordination des projets et la cohésion des acteurs. Toujours selon l’intervenant, il est impératif que les pouvoirs publics, les habitants, le secteur associatif et le privé travaillent main dans la main pour mener à bien cette tâche. S’il n’y a pas de cohésion et d’harmonie entre les différents acteurs, aucun projet culturel ne pourra voir le jour. 

A travers son approche, l’ingénieur culturel doctorant Nassim Herkat tire quelque peu la sonnette d’alarme tout en étant optimiste. L’homme a une fascination pour l’Algérie. Comme il le dit si bien, ce projet ne vient pas de nulle part. Cela fait six ans maintenant qu’il crée des carnets de voyage culturel sur les réseaux sociaux. Il a eu la chance de sillonner l’Algérie et de voir toutes ses richesses. C’est parce qu’il est issu du terrain qu’il préconise d’investir dans l’humain et dans l’ingénierie de la culture. «Aujourd’hui, il y a un réel engouement des populations pour que le patrimoine devienne un outil économique», ajoute-t-il. 

Il est à noter que la conférence a été suivie d’une série de photo et une diffusion vidéo de scènes du quotidien prises par téléphone. En guise de conclusion, Nassim Herkat plaide pour un patrimoine partagé, animé et, au-delà, une invitation à la découverte des joyaux cachés du vieux Mila, de ses monuments historiques à ses ruelles pittoresques, en passant par son architecture unique en pierre, riches témoins de l’interaction entre les différentes cultures qui ont façonné cette ville millénaire, c’est du moins ce qu’il souhaite ardemment.

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