La Conférence annuelle de Munich (sud de l’Allemagne) sur la sécurité a débuté hier. Cette conférence, qui s’étend jusqu’à demain, sera dominée par la crise russo-occidentale sur l’Ukraine. Outre l’Ukraine, seront abordées la situation sécuritaire au Sahel et la relance de l’accord nucléaire iranien de 2015.
Les réunions, sous différents formats, vont s’enchaîner à cette occasion, où sont notamment présents la vice-présidente américaine, Kamala Harris, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, les principaux chefs des diplomaties de l’Union européenne (UE), le chef de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), Jens Stoltenberg, et le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Ainsi, en marge des débats, les ministres des Affaires étrangères des pays du G7 tiendront une réunion aujourd’hui. Est prévue une rencontre entre l’Allemagne, la France et l’Ukraine et un rendez-vous entre les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis. La Russie, régulièrement présente à cette conférence, n’a pas envoyé de représentants cette année.
Lors de son discours d’ouverture de la Conférence, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (Onu), Antonio Guterres, s’est dit «profondément préoccupé par l’augmentation des tensions et des spéculations sur un conflit militaire en Europe». Si cela se produit, «ce serait catastrophique», a-t-il averti, estimant qu’«il n’y a pas d’alternative à la diplomatie».
De son côté, la ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, a accusé la Russie d’exercer «une menace absolument inacceptable» sur la sécurité européenne, en massant plusieurs dizaines de milliers de soldats à ses frontières avec l’Ukraine. «Cette crise n’est pas une crise ukrainienne.
C’est une crise russe», a ajouté la ministre. Pour sa part, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a dénoncé dans la récente flambée de heurts dans l’Est ukrainien «un scénario» de «provocations» conçu par Moscou en vue de justifier une attaque de l’Ukraine. A son tour, le président français, Emmanuel Macron, a appelé à la «cessation des actes militaires», notant que «la pression militaire russe ne faiblit pas».
Entre temps, la Russie a annoncé qu’elle mènera, aujourd’hui, sous la supervision de son président, Vladimir Poutine, des manœuvres de ses forces stratégiques, avec des tirs de missiles balistiques et de croisière. «Le 19 février, sous la direction du commandant suprême des forces armées russes, Vladimir Poutine, un exercice planifié des forces de dissuasion stratégique sera organisé», a indiqué hier le ministère de la Défense russe dans un communiqué. Des «tirs de missiles balistiques et de missiles de croisière auront lieu» dans le cadre de ces exercices, qui impliqueront des forces du district militaire Sud, les forces aérospatiales, les forces stratégiques et les flottes du Nord et de la mer Noire, selon la même source.
Ces manœuvres visent, selon le ministère, à «tester l’état de préparation» des forces impliquées et la «fiabilité des armes stratégique nucléaires et non nucléaires». Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a pour sa part assuré qu’il s’agit d’un «processus d’entraînement régulier» qui «a été précédé de toute une série de notifications faites à divers pays par divers canaux».
Tension dans les régions séparatistes
Un peu plus tard, Vladimir Poutine a accusé Kiev de nourrir le conflit et constaté une «aggravation de la situation dans le Donbass», région où l’armée ukrainienne affronte depuis huit ans les forces séparatistes prorusse. «Tout ce que Kiev a à faire, c’est de se mettre à la table des négociations avec les représentants (des séparatistes) du Donbass et de s’entendre», a-t-il indiqué, recevant son homologue du Bélarus, Alexandre Loukachenko.
Pour le président russe, les sanctions, dont son pays est menacé par l’Occident, «seront introduites quoi qu’il arrive. Qu’il y ait une raison ou pas, ils en trouveront une, car leur but est de freiner le développement de la Russie». Le dirigeant de la république séparatiste autoproclamée de Donetsk, Denis Pouchiline, a de son côté annoncé une évacuation des civils vers la Russie, «en premier lieu les femmes, les enfants et les personnes âgées».
Son homologue de la «république» séparatiste voisine de Lougansk, Léonid Passetchnik, a fait de même avant d’appeler «tous les hommes capables de tenir une arme à défendre leur patrie».
La Russie a, quant à elle, de nouveau affirmé procéder au retrait d’unités militaires des abords de l’Ukraine. «Cela n’a pas lieu», a cependant déclaré le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov, devant les députés. Mais à Varsovie, le secrétaire à la Défense américain, LLoyd Austin, a déclaré qu’il y a toujours davantage de troupes russes se déplaçant vers les régions frontalières avec l’Ukraine. «Bien que la Russie ait annoncé qu’elle ramenait ses forces en garnison, nous ne l’avons pas encore vu. En fait, nous voyons davantage de forces entrer dans cette région frontalière», a-t-il déclaré à l’issue d’un entretien avec son homologue polonais, Mariusz Blaszczak. «Nous les voyons aussi continuer à se préparer», notamment «en se rapprochant de la frontière, en positionnant des troupes et en augmentant leurs capacités logistiques», a-t-il observé.
Aussi, il a annoncé la vente à la Pologne de 250 chars d’assaut pour un montant de six milliards de dollars. Cette nouvelle vente d’armes et d’équipements militaires «ne va pas altérer l’équilibre militaire fondamental dans la région», a estimé le département d’Etat dans son communiqué.
Selon Washington, la Russie cherche un prétexte pour attaquer l’Ukraine et un regain de violences dans le Donbass pourrait en être un, Moscou se voyant comme le défenseur des populations russophones de la région, d’autant qu’elle y a distribué des passeports russes à la population.
Les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont rapporté une hausse significative des tirs, avec 189 violations du cessez-le-feu dans la région de Donetsk jeudi, contre 24 mercredi. Dans la région de Lougansk, 402 violations ont été rapportées contre 129.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a accusé l’OSCE de partialité, lui reprochant «d’atténuer les points qui montrent la culpabilité des forces armées ukrainiennes».
Les accords de paix signés en 2015 à Minsk avaient permis l’instauration d’un cessez-le-feu et une baisse considérable des affrontements, mais des violences sporadiques éclatent encore régulièrement.
La Russie nie tout projet d’invasion mais réclame des garanties pour sa sécurité, comme le retrait de l’Otan d’Europe de l’Est, autant d’exigences rejetées par l’Occident.