Les deux invités de l’association culturelle Tassalast, organisatrice de la rencontre, au campus Aboudaou de l’université de Béjaïa, mardi dernier, avaient pourtant deux thèmes distincts, la première proposant de parler sur la face cachée de Mouloud Mammeri, une face méconnue par beaucoup de lecteurs, atteste Tassadit Yacine.
Pierre Amrouche a, quant à lui, fait voyager l’assistance à travers quelques capitales et régions subsahariennes comme le Gabon, la Centrafrique, le Togo et le Bénin où il fait découvrir leurs rites et traditions.
Celles-ci ont bien résisté au colonialisme et au «système africain», ce dernier auquel l’auteur a apporté une critique dans son recueil de nouvelles intitulé «Le chien de ta mère», un opus qu’il a terminé pendant la pandémie. Pierre Amrouche démontre, à travers son ouvrage, «qu’il y a une grande unité profonde entre les cultures traditionnelles de l’Afrique, ce qui montre le lien entre les pays du continent».
Faisant un lien entre la culture berbère et les cultures subsahariennes, il descelle le dénominateur commun, qui est, selon lui, un lien d’écriture. Car ajoute-il, «l’alphabet Amazigh et le Tamachek sont cousins, ce dernier s’étend jusqu’au Niger».
Pierre Amrouche rappelle, en insistant sur l’importance de préserver et de valoriser la culture que «la colonisation en Algérie ou en Afrique subsaharienne a cherché à gommer les identités, à sortir les peuples de leur Histoire d’origine et à nier leur génie».
Par exemple, explique-t-il, «les cultures du Gabon et de la Côte d’Ivoire sont vus par le colonisateur comme étant des représentations, des images, qui ne peuvent naître dans l’esprit de cette population considérée indigène».
Au-delà de la différence des deux thématiques et travaux intellectuels, les deux auteurs se rejoignent, néanmoins, pour avoir porté leur intérêt aux intellectuels algériens, en faisant connaître leur lutte contre le colonialisme et leur combat pour l’identité et la culture, à l’instar de Mouloud Mammeri et de Jean El Mouhoub Amrouche. Pour avoir côtoyé Mammeri, Tassadit Yacine a évoqué «les trois moments» qui ont influencé la vie de l’amusnaw.
Le premier concerne son déplacement à Rabat. «Son père l’a arraché au cocon villageois qui représentait quelques chaumières perchées sur une crête d’Ath Yanni, afin qu’il puisse suivre des études à Rabat, chez son oncle, dans un palais royal où il a eu cette capacité de s’adapter au changement d’environnement culturel et linguistique, qu’il découvre au-delà des murs du palais, ce qui a fini par le travailler de l’intérieur.
Car il découvre une culture vivante qui était le Berbère, les amazigh et leurs traditions musicales et poétiques». Et c’est ainsi qu’il fait le lien entre sa langue et celle des amazigh du Maroc, ajoute-t-elle. Le deuxième moment est lorsqu’il découvre, en classe de sixième, les autres grandes civilisations. «Là, il se rend compte et se pose des questions sur sa civilisation où il se dit «je ne suis pas représenté».
En 1938, alors qu’il était en classe de terminale, la matière de philosophie ne répondait pas à ses interrogations. Son prof, Jean Grenier, le même qu’à eu Albert Camus, «lui demande une dissertation sur la société berbère qui a été publiée en 1939 à travers laquelle il a exprimé sa préoccupation sur l’existence de la société berbère. La publication a révélé alors des traits importants sur cette société, une critique qui est toujours d’actualité qui parle de l’organisation, mais aussi de la tyrannie du groupe où l’individu n’existe pas».
Ainsi, Tassadit Yacine invite le public à découvrir, à consulter ses recherches au sujet de ces hommes de lettres. «La face cachée de Mouloud Mammeri», le titre donné par son édition à l’ouvrage de Tassadit, tient la promesse de faire découvrir les tourments qui ont marqué la vie de Mammeri, ses positions, ses souffrances et sa volonté de transmettre ou à insister à ce que les autres reprennent le flambeau et la tâche de valoriser et de préserver la culture et l’identité malgré le contexte politique hostile dans lequel il évoluait.