Les cartes de l’élection pour la Maison Blanche sont complètement rebattues maintenant que Joe Biden s’est décidé à lâcher prise en se retirant de la course.
Une tout autre campagne est amorcée depuis cette lettre solennelle par laquelle le président sortant, rompant son isolement médical pour cause de Covid, s’adresse aux Américains pour se résoudre à une évidence que son camp politique et son entourage n’ont eue de cesse de lui faire admettre depuis des semaines.
«Je pense qu’il est dans l’intérêt suprême du parti et du pays que je me retire et que je me concentre uniquement sur l’exercice de mes fonctions de président jusqu’à la fin de mon mandat», écrit-il, adoubant dans le même élan sa vice-présidente comme potentielle candidate à reprendre le témoin.
Aussi puissantes qu’immédiates, les répliques de l’annonce dans les deux camps politiques en compétition, républicains et démocrates, marquent un emballement qui tranche avec une trame antérieure figée sur un air de match joué d’avance : d’un côté, un Trump montant en puissance après une succession de victoires judiciaires, et récemment dopé par le privilège providentiel et à forte plus-value électorale, d’échapper à un attentat, et de l’autre, un Biden de plus en plus desservi par une précarité physique et cognitive trop voyante pour être dissimulée sous des artifices cosmétiques.
Dimanche au soir, soit quelques heures après le retrait, ActBleue, organisation chargée de la collecte des fonds pour la campagne démocrate, annonce avoir battu le record des contributions des donateurs en une seule journée depuis le début de la campagne. Plus qu’un soulagement, le sentiment partagé est que le temps presse pour relancer la conquête de la Maison Blanche, et que le nerf de la guerre doit être rapidement mobilisé. Un des motifs les plus sérieux qui auraient convaincu Biden de jeter l’éponge, selon certains médias américains, réside dans les réticences ouvertement exprimées par des donateurs réguliers à financer une campagne vouée à l’échec.
Les choses se débloquent donc à ce niveau depuis deux jours, même si le travail reste à faire pour se fixer sur un champion pouvant tenir la route face à Trump. Et il semble à ce propos que la candidature de Kamala Harris se présente plus comme un pis-aller vu la marge de manœuvres étroite que laisse le calendrier, qu’un investissement convaincu, à moins de quatre mois de l’élection du 5 novembre. La vice-présidente doit rapidement rattraper ses années d’effacement à l’ombre de Joe Biden et un manque de cachet et d’épaisseur personnels qui font hésiter quelques cadors, tel que l’ancien Président Barak Obama. Le couple Clinton, quant à lui, donne déjà sa bénédiction. C’est dire que le parti n’était pas forcément préparé au naufrage Biden et à son retrait et qu’il doit, sans délais, s’accorder sur une alternative à plébisciter lors de la grand-messe de la convention démocrate, prévue dans un mois.
C’est le branle-bas également dans le camp républicain, mais pour bien d’autres raisons. Privé subitement de son meilleur ennemi, Donald Trump perd ses nerfs et referme la parenthèse courte du discours rassembleur adopté juste après la tentative d’attentat qui l’a visé, le 13 juillet dernier. L’homme, qui devient du jour au lendemain le plus vieux candidat à la Maison Blanche de l’histoire, se lâche et traite d’escroc Joe Biden, sa vice-présidente et son administration et somme le président sortant d’aller au bout de sa logique en renonçant à la suite de son mandat. Ses partisans se déchainent également et inondent les réseaux sociaux de contenus d’une rare hostilité à l’égard de Kamala Harris.
La mécanique républicaine semble avoir tout misé sur une campagne axée sur le manifeste déclin des aptitudes physiques et cognitives du candidat d’en face et donc son incapacité à incarner un chef pour la nation. Son retrait impose une profonde révision de la stratégie électorale, d’autant plus difficile que le «ticket» démocrate (les candidats à la présidence et à la vice-présidence) n’est pas encore officiellement constitué.