Campagne à haut risque aux Etats-Unis

15/07/2024 mis à jour: 02:26
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Les sillages de Donald Trump sont décidément délétères et imprévisibles. L’ancien président américain, qui mène une agressive campagne pour un retour à la Maison-Blanche le 5 novembre prochain, a échappé de justesse avant-hier à un attentat. Depuis, les fortes images de l’événement ont fait le tour du monde. Au-delà de la gravité propre des faits, elles procurent à l’homme un surcroît de relief et de caractère, et à sa course à la présidence une substance dramatique qui ne manquera pas de peser sur la suite des événements.

Quelques instants après que les balles eurent effleuré son visage – dont l’une aurait transpercé son oreille –, le septuagénaire a offert à toutes les caméras présentes les instantanés d’un leader entièrement dévoué à sa cause et, surtout, capable de survivre aux épreuves extrêmes et d’en sortir plus déterminé.

On ne sait pas encore si l’auteur des tirs, abattu sur place par les services de sécurité, a agi seul ou si son acte participe d’une opération beaucoup plus sophistiquée et chargée politiquement pour éliminer le républicain. Dans une Amérique où tout est marqué par la démesure, les thèses conspirationnistes n’ont pas manqué rapidement de fleurir, ouvrant des pistes aussi fantaisistes qu’alarmantes sur ce qui agite l’imaginaire collectif et se tramerait derrière les rideaux d’une campagne que tout le monde reconnaît comme exceptionnellement tendue.

L’événement fait réagir et vivement tout ce que compte le pays comme personnalités politiques, anciens Présidents et institutions, unanimement soulagés que les States échappent à un traumatisme national et un dangereux cataclysme politique, si la tentative d’assassinat avait abouti. Dans le monde entier également, l’onde de choc a été à la mesure du poids géopolitique et symbolique des Etats-Unis, avec autant de réactions indignées que d’appels à désamorcer l’engrenage des discours et élans radicalisés.

Marquée du sceau de la revanche, voire de la vengeance comme aiment à dire les trumpistes, la campagne présidentielle du républicain s’inscrit dans la lignée abrupte de l’assaut contre le Capitole, le 6 janvier 2021, au lendemain de sa défaite face à Joe Biden.  Donald Trump n’a jamais reconnu les résultats de la précédente élection et a pu convaincre ses partisans de plus en plus fanatisés que le chemin de croix judiciaire qu’il endure depuis des années n’est que la phase ultime du complot que mène l’establishment pour le neutraliser définitivement et lui interdire le terrain politique.

Qu’il soit la cible de tirs d’un shooter en plein élan de triomphe sur un concurrent dont le camp même doute des capacités et des chances de rivaliser, et à la veille d’une convention républicaine qui promet de le plébisciter, ne peut que doper davantage sa campagne et lui garantir cette dimension épique dont raffole la société américaine.

Tous les observateurs s’accordent sur le fait que l’issue de l’élection du 5 novembre prochain s’est peut-être définitivement jouée lors de meeting mouvementé en Pennsylvanie, à moins que l’enquête, qui mobilise depuis l’attentat l’intégralité de ce que compte le pays comme institutions d’investigation, ne réserve de lourdes surprises.

L’on insiste également sur l’interprétation qu’en feront le candidat républicain et son staff. Les premières déclarations de l’entourage de l’ancien Président avaient commencé à cibler des failles dans le dispositif de sécurité et la responsabilité de la «rhétorique» démocrate dans la diabolisation de Donald Trump.

Mais celui-ci opte depuis hier pour des appels à l’«union de la nation» pour triompher des «forces du mal», renforçant davantage cette fraîche aura de héros qui ne va sans doute pas arranger les affaires de Joe Biden. Au-delà des lourds enjeux électoraux, de sérieuses inquiétudes relèvent le constant glissement du discours et la pratique publics dans la violence comme élément consubstantiel à la compétition politique.

Une étude datant de fin 2021, citée par le politologue Hasni Abidi de l’université de Genève, révèle que 23% des Américains sondés affirment que le recours à la violence est une option légitime quand il s’agit de «sauver le pays», contre seulement 13% deux ans auparavant. Plus du tiers d’entre eux sont républicains et doivent sûrement prêter l’oreille à la rhétorique trumpiste. Même s’il a failli en être la première victime, Donald Trump aura grandement réussi à imprimer son style et imposer ses codes à une compétition qui n’a certainement pas fini de surprendre et d’inquiéter.  
 

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