L’expert en agriculture Brahim Mouhouche évoque «l’utilisation des systèmes d’économiseurs d’eau», comme le goutte-à-goutte ou l’irrigation localisée, qui permet d’économiser jusqu’à 50% d’eau.
Le gouvernement a adopté une stratégie pour diminuer graduellement les importations de produits agricoles, notamment les céréales, et atteindre à court terme l’autosuffisance dans ce domaine stratégique. C’est du moins les objectifs tracés et les orientations données lors des différentes réunions du Conseil des ministres.
Mais sans eau, rien ne peut se faire, a affirmé hier le professeur Brahim Mouhouche, membre du haut conseil scientifique de l’ENSA et expert en agriculture, lors de son passage hier à l’Invité du jour de la Chaîne III de la Radio nationale.
«Il y a un contraste. On constate souvent qu’il y a des périodes sèches et des périodes limites, parce que si on prend comme exemple la semaine dernière, surtout les régions centre et est, il a vraiment bien plu. Mais si on fait le bilan jusqu’à maintenant, il y a eu un retard de deux mois et demi, les surfaces ne sont pas au top.
Mais depuis un certain temps, il y a un petit peu de pluie qui est tombée et qui a permis l’installation d’une surface relativement appréciable, mais il manque toujours une partie des surfaces qui n’est pas encore emblavée et si on dépasse le 2 décembre, ça devient un peu difficile de la remplacer. Le Centre et l’Est sont pratiquement à la normale. Par contre, l’Ouest manque d’eau que ce soit la répartition ou la quantité qui est tombée», affirme-t-il.
Il ajoute : «Si les responsables au plus haut niveau décident d’élargir les surfaces agricoles pour diminuer et peut-être supprimer à moyen et long terme les importations de certains produits stratégiques, le seul et unique moyen consiste à mobiliser la moindre goutte d’eau qui tombe pour le Nord et les Hauts-Plateaux, et réaliser des forages au Sud.
Si on n’a pas de réserves en eau, on ne pourra jamais faire de l’agriculture. Parce qu’au Nord, il y a ce qu’on appelle l’irrigation de complément. Lorsqu’il y a un manque de pluie, il faudra la remplacer. Par contre, au Sud, c’est une irrigation intégrale. Ça veut dire que le besoin en eau des agriculteurs est couvert par un apport d’eau artificielle. Donc, automatiquement, si on décide d’installer une surface cultivée au Sud, il faut mobiliser avant tout la ressource en eau.»
Mise en garde contre les pertes et le gaspillage
Au Nord et au regard de la perturbation en pluviométrie, «on a à peine la quantité d’eau qui sert pour l’AEP, on ne peut pas trop s’aventurer pour réaliser ces cultures». Au Sud, c’est donc l’irrigation intégrale qui domine. Par contre au Nord, lorsqu’il n’y a pas suffisamment de pluie, il faut la remplacer par une irrigation de complément artificiellement. «Sinon, on ne pourra pas développer une agriculture économiquement rentable», tient-il à préciser.
En réalité, la mobilisation de l’eau a plusieurs aspects. Il y a de grands secteurs qui consomment l’eau, l’agriculture (entre 70 et 85%), l’industrie (près 8 à 10%) et l’AEP qui consomme 3 à 5% seulement. Maintenant, lorsqu’on n’a pas assez d’eau, le seul moyen est d’essayer d’utiliser le peu dont on dispose. Il met en garde contre les pertes et le gaspillage, il faut absolument valoriser cette ressource.
«Si un mètre cube doit produire 4 kg de pommes de terre, il faut qu’il produise 4 kg de pommes de terre. Il ne faut pas produire avec un mètre cube d’eau un kg de pommes de terre. Actuellement en Algérie, la moyenne de productivité de l’eau pour les céréales est de 2500 à 3000 kg d’eau. Donc, il faut respecter la productivité de l’eau», commente-t-il.
Les agriculteurs peuvent agir par la collecte des eaux pluviales. Lorsqu’ils travaillent le sol, il faut le faire de manière à ce que la goutte tombe dans la parcelle. S’ils travaillent dans le sens de la pente, malheureusement, 90% des gouttes peuvent aller dans un oued. Il faut que le sol soit très ameubli pour que la pluie soit bien utilisée. Il évoque «l’utilisation des systèmes d’économiseurs d’eau», comme le goutte-à-goutte ou l’irrigation localisée, qui permet d’économiser jusqu’à 50% d’eau.
Dans son intervention, il affirme qu’il «faut aller vers la valorisation de l’eau», c’est-à-dire que lorsqu’on a de l’eau, on l’oriente vers les cultures qui ont une valeur ajoutée élevée tels que le blé, la pomme de terre, la tomate et l’orge, des produits stratégiques qui contribuent à notre sécurité alimentation et nous rend moins vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux.
Le gouvernement a mis le cap sur la diversification des cultures, le développement de l’agriculture irriguée et le soutien de la production locale. Pour lui, «il n’y a pas beaucoup de pays qui aident et subventionnent le secteur de l’agriculture comme l’Algérie. C’est l’un des pays qui ont fourni le plus d’efforts les 20 dernières années. L’Etat encourage la production agricole au lieu de réserver des sommes d’argent pour l’importation».Ce qui permet de créer des emplois, stimuler l’économie rurale et améliorer la balance commerciale.
Pour lui, la première fonction de l’utilisation des eaux épurées à travers 220 stations est de lutter contre la pollution de l’environnement et la protection de la biodiversité. Mais aussi au lieu de jeter cette eau dans une rivière ou dans la nature, il suffit de la canaliser vers un endroit où elle peut être utilisée, à commencer par l’irrigation des cultures qui ne sont pas dangereuses.
Il a été décidé, dans ce contexte, «qu’au moins 60% des stations doivent être remises en marche. Ce qui permet de réutiliser cette eau dans le nettoyage des fosses par les autorités locales. On peut l’utiliser pour refroidir certaines stations, des moteurs industriels, de lutter contre les incendies et dans les pépinières maraîchères et aussi pour réalimenter les nappes».