- Comment analysez-vous la décision du Conseil des ministres de revenir sur des mesures fiscales pourtant contenues dans la loi de finances 2022, adoptée et approuvée par les deux Chambres du Parlement et signée par le président de la République ?
La décision de surseoir à l’application de certaines taxes touchant des opérations de commerce électronique, prévues dans la LF-2022, notamment les articles 135, 136, 137 et 138, parait surprenante, mais obéit à une nouvelle évaluation de la situation économique du pays, d’une part, et aux conditions d’application des mesures en question, d’autre part. Il arrive que des textes juridiques soient promulgués sans que l’application ne soit effective immédiatement.
Dans ce cas précis, il faut s’attendre logiquement à une loi de finances complémentaire à la fin du premier semestre pour savoir si les taxes seront annulées définitivement ou bien maintenues mais avec un autre échéancier de mise en œuvre.
- Quel impact aurait pu avoir le maintien de ces taxes sur à la fois le commerce extérieur, la production nationale et le pouvoir d’achat des citoyens ?
La conjoncture économique caractérisée par une hausse des prix généralisée en raison de la conjugaison de plusieurs facteurs (internes et externes) implique une politique économique rigoureuse pour venir à bout de l’inflation, qui était de 9,5% en octobre 2021, selon la Banque d’Algérie.
La crainte de voir l’économie nationale s’installer dans un cycle inflationniste de type structurel, c’est-à-dire une spirale s’autoalimentant, dont les conséquences seront handicapantes aussi bien pour la consommation des ménages que celle productive et pour l’effort d’investissement, avec un effet global de ralentissement de l’activité économique. Aussi, la lutte contre l’inflation devient une priorité pour l’Exécutif afin de ne pas remettre en cause les fragiles équilibres économiques et sociaux au niveau du pays.
- Que pensez-vous de cette instabilité du cadre juridique et de son impact sur l’économie ?
A plusieurs reprises, l’instabilité du cadre juridique en Algérie a été pointée du doigt par les opérateurs économiques tant nationaux qu’étrangers, car cela ne donne pas de visibilité pour les investisseurs qui ont le plus besoin de la confiance avant d’engager des capitaux sur des projets qui risquent d’être remis en cause. Aussi, le changement fréquent de réglementation dans le cadre des lois de finances ne fait que pénaliser l’acte d’investir, alors que le besoin est énorme pour l’économie nationale, qui cherche à se garantir une diversification de ses activités productives.
- Quelles sont, à votre avis, les mesures à prendre afin de rassurer les investisseurs et libérer enfin l’économie de cette gestion hasardeuse ?
La question de la bonne gouvernance est au centre des préoccupations tant des gestionnaires du secteur public que des investisseurs privés. La transparence souhaitée dans les actes de gestion et l’absence d’un marché financier comme mécanisme d’arbitrage constituent incontestablement des handicaps dans le champ de l’économie nationale, ouvrant ainsi la porte à des comportements pour le moins compromettants du point de vue de la rationalité économique. Nous en sommes toujours au stade des tâtonnements et de l’improvisation.