Un des fondateurs du parti Baas – un mouvement panarabe qui rêvait d’instaurer la Nation arabe englobant plusieurs pays et qui a pris les commandes en Syrie depuis 1963 – le père de Bachar Al Assad, Hafez, est arrivé au pouvoir après un coup d’Etat en 1970.
Des statues de Hafez Al Assad, ancien président syrien, sont déboulonnées et piétinées par des foules en pleine exultation dans les rues de Damas. La capitale syrienne, fuie également, dans la nuit de samedi à dimanche, par son successeur et néanmoins héritier Bachar Al Assad, est tombée entre les mains de l’opposition.
Tout un symbole. C’est la fin d’une histoire. Celle d’une famille qui tenait, 54 ans durant, la Syrie d’une main de fer. Cette dynastie, qui avait résisté à plusieurs tempêtes et plus particulièrement au vent violent des révoltes arabes de 2011, a fini par s’effondrer tel un château de cartes. Et en quelques dizaines de jours seulement.
Visiblement lâché en interne et n’ayant plus les mêmes soutiens étrangers, le pouvoir des Al Assad s’est effiloché… La roche Tarpéienne est proche du Capitole. Bachar Al Assad, qui opposait son mépris aux réclamations d’un changement dans le pays, a fini par comprendre ce message : comme l’ascension, en politique notamment, la chute et la déchéance sont souvent brutales.
Il prend alors la fuite vers une destination inconnue, jusqu’à hier soir. Comment cette dynastie a-t-elle réussi à prendre les rênes du pouvoir en Syrie ? Comment Bachar Al Assad, un ophtalmologue de formation, est-il aveuglé par une myopie politique ?
Originaire du nord-ouest du pays, cette famille est de confession alaouite, une branche de l’islam chiite. Elle descend de Sulayman El Wahhish, le grand-père de Hafez Al Assad, qui a tenu tête aux Ottomans au début de la Première Guerre mondiale. Sulayman El Wahhish a changé le nom de famille en 1924 qui passe ainsi d’El Wahhish (bête sauvage en arabe) à Al Assad (Lion).
Coup d’état
Un des fondateurs du parti Baas – un mouvement panarabe qui rêvait d’instaurer la Nation arabe englobant plusieurs pays et qui a pris les commandes en Syrie depuis 1963 – le père de Bachar Al Assad, Hafez, est arrivé au pouvoir après un coup d’Etat en 1970. Il ne le lâche pas jusqu’à sa mort en 2000.
Pendant 30 ans, Hafez Al Assad s’est employé à museler la presse libre et l’opposition. Il interdit aussi toute manifestation. Son règne est également marqué par la violente répression de 1982 qui a eu lieu particulièrement à Hama, où les bombardements de l’aviation ont fait entre 10 000 et 40 000 morts, selon différentes estimations à l’époque.
Pendant cette période, la famille alaouite, minoritaire, prend les commandes de plusieurs secteurs économiques du pays, mais aussi de l’armée. L’arrivée du fils Bachar en 2000, après la mort de Hafez Al Assad, était un concours du hasard. C’était d’abord son frère aîné, Bassel, qui avait été préparé pour diriger la Syrie à la mort de son père.
Mais, ce dernier meurt dans un accident de voiture en 1994. Bachar, qui suivait alors des études à Londres pour devenir ophtalmologiste, est rappelé à Damas et devient ainsi le dauphin. Au début de son mandat, Bachar Al Assad affiche plutôt une volonté de réformes et de libéralisation de l’économie.
Il suscite alors l’espoir de nombreux Syriens ainsi que des capitales arabes et occidentales. Aussi, des centaines d’opposants, dont des membres des Frères musulmans, sont libérés de prison. Son épouse Asma, une sunnite, fille d’expatriés syriens qui a grandi au Royaume-Uni, plaide pour l’éducation et les droits des femmes.
Révoltes arabes
Mais cette parenthèse s’est vite refermée. Dès 2005, des groupes d’opposition demandent la tenue d’élections parlementaires libres, la fin des lois d’exception et de la répression politique. Des leaders du mouvement sont jetés en prison.
En 2011, comme de nombreux pays arabes, la Syrie est gagnée par la révolte. La réponse du régime était la répression qui a donné suite à une grave guerre où les sanguinaires de Daech, d’un côté, et l’armée de Bachar Al Assad de l’autre, ont fait subir à la population civile syrienne les pires sévices : morts, famine, exil…
Avec le soutien de puissances étrangères, telles que l’Iran et la Russie, Bachar Al Assad réussit à se maintenir au pouvoir et même à se faire réélire, en 2021, avec un score brejnévien de plus de 90% des suffrages. Moins de quatre ans après, le glas a sonné pour lui. En quinze jours, les rebelles ont réussi à chasser, et de la manière la plus humiliante, Bachar Al Assad et sa famille du pouvoir et de la Syrie.