Black Tea de Abderrahlane Sissako en compétition au FIOFA : Célébrer le rapprochement entre les peuples

10/10/2024 mis à jour: 23:30
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Présent uniquement avant la projection, le réalisateur Mauritanien Abderrahmane  Sissako a exprimé son affection pour l’Algérie, un pays qui lui tient à cœur, car ayant lui-même un demi-frère algérien de par sa mère.

La clé du mystère de Black Tea, dernier long métrage du réalisateur Mauritanien Abderrahmane  Sissako  est donné vers la fin du film  lorsqu’un adolescent chinois dit en substance à son grand-père qui voit d’un certain mauvais-œil l’installation d’Africains dans le quartier : «Nous sommes en train de construire la route de la soie et si nous voulons que le projet réussisse, il est impératif de tisser aussi des liens entre les communautés et les cultures».  C’est peut-être la seule phrase qui sort du cadre intimiste qui caractérise cette œuvre centrée sur l’intériorité des relations humaines.

Le travail de Sissako s’est toujours intéressé à la condition des populations du Continent mais c’est cette grosse dose de romantisme dans Black Tea qui tranche avec les aspects politiques relativement prégnants dans ses œuvres précédentes comme dans Bamako et sa critique de la domination occidentale héritée de la colonisation ou dans Timbuktu et son analyse pertinente de l’islamisme extrémiste.

Le thème de «La Chine», une contrée à la fois si lointaine et si proche aujourd’hui, s’impose et le réalisateur mauritanien, l’un des rares à bénéficier de la notoriété mondiale tant convoitée, ne pouvait pas ne pas saisir. Le pays de Mao a toujours soutenu, de loin, les causes progressistes des pays africains mais il revient sur la scène et depuis déjà pas mal d’années en tant qu’acteur économique majeur, ce que le film évoque très brièvement.

La Chine a en effet effectué un véritable travail de «séduction» envers l’Afrique avec une politique certainement mûrement réfléchie mais l’approche de Black Tea, se voulant humaine, évite de succomber aux cris alarmistes des voix défendant les intérêts occidentaux et mettant en avant de prétendues visées aussi «néocolonialistes» de la part de la république populaire de Chine.

Une présence mutuelle qui relève de choix et non de rapports de force même si les choses ne sont jamais aussi simples. Ni éloge, ni critique et c’est ce qui fait le charme du film et  la séquence de la négociation entre un Africain et un Chinois en donne un aperçu emblématique. Le regard est plutôt affectif oscillant entre une Afrique qui aspire à la modernité et une Chine qui avance à grands pas mais qui ne veut rien céder sur ses valeurs traditionnelles.

Amitié des peuples

C’est le choix délibéré de l’héroïne Aya (rôle campé par l’Ivoirienne Nina Melo) de laisser tomber son mariage pour aller s’installer en Chine, trouver un travail chez un négociant en thé et par la suite, petit à petit, se retrouver à vivre une idylle avec Cai (porté par Chang Han). Le rituel du thé, véritable cérémonial (Gong fu Cha) est à la fois une découverte et une immersion dans la culture profonde.

Pour l’héroïne qui n’oublie cependant pas ses racines (la séquence émouvante du chant qui résonne comme une nostalgie en est la preuve), cela relève presque du rite initiatique. Globalement, entre une femme noire habillée en «qipao» moderne et des jeunes chinois et chinoises laissant exprimer leurs corps dans une danse rythmée africaine, les intentions du film concernant le rapprochement entre les peuples sont plus qu’évidentes. Normal, dira-t-on, pour quelqu’un qui était dans les années 1980 bénéficiaire de la bourse de «l’Amitié des peuples» lui ayant permis d’étudier le cinéma en ex-Union Soviétique.

L’amitié des peuples n’est pas évidente d’emblée et il faut souvent du temps pour que les choses se mettent en place et ça a été par exemple le cas au départ en ce qui concerne la présence physique des milliers de travailleurs chinois venus construire en Algérie.

Présent uniquement avant la projection, le cinéaste a exprimé son affection pour l’Algérie un pays qui lui tient à cœur car ayant lui-même un demi-frère algérien de part sa mère. «Je suis très ému de me retrouver ici et, ajoute-t-il, je tiens aussi à souligner, en remerciant tout le monde, le chaleureux accueil qui m’a été réservé et cela non pas pour ma personne mais pour l’artiste que je représente.»      
 

 

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