Béjaïa : Le marché de l’ovin s’enflamme

14/06/2023 mis à jour: 00:59
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Le tarif minimum tourne autour de 70 000 Da. .

Le marché de Tazmelt, à 70 km au sud de Béjaïa. Il est considéré comme l’un des plus importants points de vente de bétail de la vallée de la Soummam. Le tarif minimum tourne autour de 70 mille da. 

La bête la plus chère taquine les 100 mille da. « Les tarifs sont trop élevés pour le consommateur, mais pas assez pour l’éleveur, qui n’arrive plus à rentrer dans ses frais, en raison notamment de la hausse des cours du fourrage et de l’aliment », relève un marchand venu de la commune d’Aghvalou, dans la wilaya limitrophe de Bouira. Trônant sur un troupeau d’une dizaine de têtes attachées en chapelet cou contre cou, un éleveur d’Ath Mlikèche anticipe, sinon une fluctuation haussière, du moins une stabilité des cours à l’approche de la fête. 

Et pour cause : « le marché a atteint le seuil plancher, en deçà duquel toute transaction est synonyme de perte sèche pour l’éleveur », argumente-t-il.Comme à l’accoutumée à l’approche de la fête, le marché enregistre une hausse tangible de fréquentation. 

Un brouhaha particulier enveloppe les lieux. Cette apparente effervescence trahit l’excès de fébrilité chez les adeptes du rite d’Abraham et dissimule un marché en pleine déprime. En effet, ça parlemente fort, ça négocie ferme, mais ça n’abouti rarement par une conclusion d’achat. Les visiteurs ne font que tourner en rond, passant d’un troupeau à un autre. 

Histoire sans doute de tâter le terrain et de prendre le pouls du marché. « Cela fait un bon bout de temps que je suis ici, en quête d’un mouton, et je n’ai encore rien trouvé d’intéressant. Les prix exigés sont hors de portée des petites gens que nous sommes. Il va falloir sûrement se contenter de quelques kilos de viande fraiche. L’essentiel étant que la paix et la joie soient présentes dans les cœurs le jour de la fête », se console un quadragénaire, flanqué de ses deux rejetons. Vers les coups de midi, la place est déjà à moitié vide. « Après d’âpres négociations, un maquignons a consenti de me céder cette bête chétive à 55 mille da. 

Cela fait belle lurette que je n’ai rien immolé. Cette année, je me suis mis un point d’honneur d’observer ce rite et de faire plaisir à mes enfants », dira la mine joviale, un vieillard trainant un mouton rétif à la sortie du marché. « J’ai consacré l’intégralité de mes revenus de ces deux derniers mois pour l’acquisition d’un ovin pour l’Aïd. J’ai toujours immolé une bête, et cette année encore je n’ai pas voulu déroger à la règle, en dépit de la cherté de la vie », souligne Mahdi, un ex fonctionnaire de Tazmalt, reconverti dans le négoce informel. 

Parqué dans un enclos de fortune aménagé dans la cours de son domicile, son mouton « cornu » est choyé, monté au pinacle, pour être enfin cloué au pilori, le jour « j ». 

 Nombreux, néanmoins, sont les citoyens qui, tout en se conformant à l’esprit de cette fête religieuse, font délibérément l’impasse sur l’immolation. « Le sacrifice est loin d’être une obligation religieuse. Et se serait, à mon sens, dévoyer ce rite que de s’obstiner à le perpétuer, uniquement pour assouvir son instinct carnassier ou faire taire les qu’en dira-t-on », tranche un père de famille.

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