Avis de tempête

13/09/2023 mis à jour: 08:47
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La Libye n’en finit pas de compter ses morts depuis deux jours, suite au passage dévastateur et inédit de la tempête Daniel. Le bilan des victimes, qui commence à se préciser, plus de 48 heures après la catastrophe, est terrifiant. Les images cataclysmiques qui ont circulé, montrant des quartiers sous les eaux et des villes à moitié rasées par les crues, ont, dès le départ, donné du crédit aux craintes de certaines ONG sur place et qui, elles, redoutaient des milliers de morts et de disparus.

Hier, le porte-parole des services de secours rattaché au gouvernement de Tripoli annonçait, enfin, que plus de 2300 morts et près 7000 blessés ont été déplorés, alors que plus de 5000 personnes étaient portées disparues.

Le porte-parole du gouvernement rival de l’Est, territoire touché par le sinistre, a fait part, quant à lui, de plus de 5200 morts dans la seule ville de Derna où deux barrages ont cédé sous la violence de la tempête pour noyer plusieurs quartiers, réduire en boue composite des immeubles, avant de tout charrier vers la mer. Même contesté par les organisations humanitaires, le décompte s’inscrit déjà comme l’un des plus lourds bilans de sinistres climatiques en Afrique et autour de la Méditerranée. Et il est fort probable que l’on assiste là, malheureusement, à l’entame d’un inévitable cycle noir.

«En Méditerranée, le changement climatique sera l’un des plus radicaux au monde. Ce fait est établi avec un haut niveau de certitude. Tous les types de phénomènes y sont en changement : vagues de chaleur, de froid, inondations, pluies extrêmes, sécheresses, risques de feu, baisse des vents moyens, augmentation des cyclones méditerranéens, phénomènes côtiers...», prévenait, il y a deux ans, le climatologue Robert Vautard, membre actif du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

Les rapports de l’organisme scientifique affirment régulièrement que la zone est deux fois plus vulnérable aux conséquences du réchauffement climatique et à la survenue de phénomènes météorologiques extrêmes, pouvant menacer directement la sécurité d’une population côtière exposée estimée à plus de 150 millions d’habitants. Nous y sommes donc. Difficile de ne pas voir à travers le sinistre libyen la manifestation inquiétante de ce qui pourra être l’ordinaire climatique de demain au nord et au sud de la Méditerranée.

La tempête Daniel, qui a d’abord frappé la Grèce, avec des pics pluviométriques record atteignant 800 millimètres de précipitations en 24 heures, est descendue via le couloir de la Méditerranée centrale pour toucher de plein fouet le Nord-Est libyen. Selon les météorologues, la tempête a pris des caractéristiques tropicales en se déplaçant vers le sud et au contact de la surface de l’eau et de ses températures exceptionnellement élevées pour la saison.

La destruction des deux barrages à Derna semble, pour l’heure, à l’origine du plus grand nombre de victimes ; cette catastrophe dans la catastrophe illustre toute la vulnérabilité structurelle face aux nouvelles menaces climatiques dans certaines contrées du sud de la Méditerranée. Conçues sans doute selon des normes de sécurité dictées par des paramètres météorologiques aujourd’hui en phase d’être dépassés, les deux infrastructures hydrauliques détruites, pourtant de taille moyenne, ont donné un impact plus dévastateur et meurtrier à la tempête.

Le sinistre s’abat, par ailleurs, sur un pays toujours livré à l’instabilité politique et au désordre institutionnel, ce qui rend difficile, dans le contexte, une évaluation exhaustive des pertes et une organisation efficace des secours. Une autre vulnérabilité qui empêche de rêver de leçons à tirer de la catastrophe et de stratégies nationales de prévention, alors que la menace climatique est de plus en plus précise.

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