Les Assises nationales sur le cinéma en Algérie, organisées récemment par le ministère de la Culture et des Arts, ont rassemblé plus de 1000 participants, parmi lesquels des professionnels, universitaires et experts et acteurs du secteur cinématographique.
Ces travaux, structurés autour de cinq axes stratégiques, visaient à identifier les défis majeurs du cinéma algérien et à proposer des solutions adaptées. Les enjeux ont été abordés à travers cinq ateliers thématiques.
L’économie et financement : repenser les modèles de financement pour diversifier les ressources, gouvernance et cadre réglementaire : clarifier les rôles institutionnels et améliorer la coordination entre acteurs, éthique et relations professionnelles : structurer le cadre des métiers pour garantir des droits équitables, public et distribution : réhabiliter les salles de cinéma et renforcer le lien entre les œuvres nationales et leur audience et transition numérique et préservation du patrimoine : moderniser les outils technologiques et numériser les archives.
L’événement a mis en évidence le fait que le cinéma est un vecteur central de la défense de l’identité nationale, de la souveraineté culturelle et de la cohésion sociale. Face aux discours visant à remettre en cause l’existence même de la nation algérienne, il a été souligné que le cinéma a un rôle à jouer : celui de préserver et de transmettre une mémoire collective, tout en participant à la construction d’un imaginaire commun.
Le cinéma devient ainsi un outil stratégique, capable de répondre aux tentatives de réduction ou de déformation de l’histoire et de la culture algériennes. Le ministre de la Culture a souligné la contribution du cinéma à l’éducation et à la citoyenneté, et son rôle dans la cohésion sociale, en rassemblant les citoyens autour de récits porteurs de sens et de valeurs, tout en transmettant aux générations futures un patrimoine culturel riche et ancré dans l’histoire du pays.
Le représentant du CREA a rappelé que le cinéma constitue une industrie à part entière, capable de générer des emplois, de dynamiser des filières connexes et d’améliorer l’attractivité internationale de l’Algérie. Ce constat a été soutenu par les contributions des agences d’investissement et du ministère de l’Industrie, qui ont insisté sur la nécessité d’une stratégie structurée pour développer un écosystème complet, de la production à la distribution.
Dimensions identitaires
L’événement a permis de poser un diagnostic : le cinéma algérien est à la croisée des dimensions identitaires, éducatives et économiques. Ces ateliers ont permis de recueillir des contributions scientifiques et des requêtes transmises au ministère pour guider les réformes à venir. La situation de l’industrie cinématographique reste largement en deçà des attentes si l’on compare l’état du secteur à son âge d’or des années 1960 et 1970.
A cette époque, le pays rayonnait sur la scène internationale, remportant des prix prestigieux et bénéficiait d’un réseau dense de salles de cinéma. Mais depuis la décennie noire, le secteur a subi une régression considérable, marquée par une réduction drastique du nombre de salles, une baisse de la qualité et de la quantité des productions, et un affaiblissement global des infrastructures.
Un exemple emblématique de ces difficultés est le projet ambitieux de réaliser un film sur l’Emir Abdelkader, une figure centrale de l’histoire algérienne. Malgré la volonté affichée de porter son histoire à l’écran, le projet peine à voir le jour. Malgré ce tableau sombre, quelques signaux positifs émergent. Ces deux dernières années, quelques productions algériennes ont pu trouver leur public dans les salles, on note un regain d’intérêt, notamment chez le jeune public, qui pourrait être fidélisé grâce à des initiatives ciblées et des infrastructures adaptées.
Réformes structurelles
Des exemples de pays comme la Tunisie montrent que le cinéma local peut prospérer et mobiliser les spectateurs lorsqu’il est soutenu par des investissements adéquats et une politique claire. Avec une population de 45 millions d’habitants, l’Algérie dispose d’un potentiel considérable pour développer un cinéma national fort, mais ce potentiel reste largement sous-exploité.
Les obstacles identifiés incluent une organisation trop bureaucratique qui ralentit les initiatives et des lenteurs dans la mise en œuvre des politiques publiques. Si une volonté politique de redynamiser le secteur est affichée depuis plusieurs années, elle doit désormais se traduire en actions concrètes et en réformes structurelles pour permettre des avancées significatives. Le cinéma algérien ne pourra se reconstruire qu’avec l’implication conjointe de l’Etat et des professionnels du secteur.
Dans cette phase transitoire, l’Etat a un rôle crucial à jouer pour soutenir les acteurs du milieu, moderniser les infrastructures et offrir un cadre propice au développement. A terme, c’est aussi à la société civile, notamment aux professionnels du cinéma, de s’engager pleinement pour bâtir un secteur durable. Les recommandations des Assises ont proposé des mesures concrètes.
Parmi celles-ci, la création d’un centre cinématographique national pour centraliser la gestion et assurer une coordination efficace entre les différentes entités. Il pourrait être épaulé par un conseil supérieur consultatif dédié au développement de l’industrie cinématographique et une commission de suivi incluant des professionnels, des experts et des représentants institutionnels.
La simplification des démarches administratives, via des plateformes en ligne, et l’introduction de textes réglementaires favorisant les investissements privés figurent également parmi les priorités.
Sur le plan institutionnel, il est indispensable d’accélérer les coordinations interinstitutionnelles, notamment sur les questions fiscales, tout en révisant et actualisant les cadres juridiques pour qu’ils répondent aux besoins actuels du secteur.
Enfin, l’intégration d’incitations fiscales et le renforcement des accords internationaux de coproduction permettront d’attirer des investissements et d’encourager une dynamique durable.