Assassinat de Djamel Bensmain : Procès renvoyé sur fond de tension et de colère des accusés

03/07/2023 mis à jour: 06:56
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Photo : D. R.

Prévu hier devant la chambre criminelle près la cour d’Alger, le procès en appel des auteurs présumés de l’assassinat, le 11 août 2021, du jeune Djamel Bensmain, à Larbaa Nath Irathen (Tizi Ouzou), a été renvoyé, à la demande des avocats, à la prochaine session. La décision a suscité la colère des accusés en détention et la levée de l’audience dans une ambiance très tendue.

Tôt dans la matinée d’hier, la cour d’Alger a été encerclée par un important dispositif de sécurité, filtrant l’unique accès à cet imposant bâtiment, infranchissable, sauf pour les avocats. Une foule nombreuse s’est amassée devant le portail dans l’espoir d’accéder à l’intérieur. L’écrasante majorité a fait le déplacement de la Kabylie pour assister au procès des membres de leurs familles et proches, auteurs présumés de l’assassinat, le 11 août 2021, du jeune Djamel Bensmain.

Pour franchir la grille extérieure de l’immeuble, il nous a fallu passer presqu’une heure sous un soleil de plomb après avoir frayé notre chemin au milieu de cette foule dense aux nerfs à fleur de peau. Il est 9h30. Quelques accusés sont déjà assis sur les bancs. En tout, 94 accusés, dont 19 en liberté, sont appelés à comparaître une seconde fois pour l’assassinat, à Larbaa Nath Irathen, de Djamel Bensmain, un horrible crime immortalisé par des vidéos et des photos, diffusées sur les réseaux sociaux, en cette dure journée du 11 août 2021, au moment où la région faisait face aux plus violents incendies qu’a connus le pays, qui ont provoqué des pertes humaines et des dégâts matériels.

Ils doivent répondre de nombreux chefs d’accusation qui vont de «l’homicide volontaire avec préméditation», «torture, mutilation et immolation d’un cadavre», «attroupement armé», «création et appartenance à une organisation terroriste dans le but de commettre des actes terroristes», «mise à feu de biens d’autrui», «incendie volontaire d’espaces agricoles ayant conduit à la mort de plusieurs personnes», «complicité dans l’homicide volontaire» à «incitation à l’attroupement armé», «discours de haine», «atteinte à l’unité de l’Etat», «atteinte à des agents de l’ordre public en exercice de leur fonction», «destruction de biens d’autrui», «incitation à l’atteinte des agents de l’ordre public», etc.

Vingt-cinq parmi les accusés ont été jugés pour les délits d’«attroupement et incitation à l’attroupement», «dégradation de biens d’autrui», «non-assistance à personne en danger», «violation de la franchise du commissariat», «incitation à la violence contre les agents de l’ordre public en exercice de leur fonction» etc., et le reste pour des crimes liés, entre autres, au «guet-apens», «assassinat avec préméditation», «torture», «immolation d’un cadavre», ainsi qu’à «l’appartenance» au mouvement séparatiste MAK, classé par les autorité sur la liste des «organisations terroristes», et donc «commission d’actes terroristes», «atteinte à la sécurité de l’Etat et à l’unité nationale».

Jugés au mois de novembre 2022, leur procès s’est terminé avec de lourdes condamnations, mais aussi des acquittements. Ainsi, le tribunal criminel a infligé la peine de mort à 49 accusés, particulièrement ceux apparus sur les photos et les vidéos, et la prison à perpétuité aux huit accusés en fuite à l’étranger, dont Ferhat M’henni et quatre de ses collaborateurs, Brahim Belabbes, Rachida Idir, Yacine Drici et Mourad Itim. Une peine de 10 ans de prison ferme a été prononcée contre 17 accusés, alors que 17 autres mis en cause ont bénéficié d’un acquittement. Hier, c’est vers 10h que l’audience s’est ouverte, alors que les détenus n’étaient pas encore tous présents.

Des accusés s’en prennent à leur défense

Une dizaine de minutes après, le compte des accusés est fait, tout comme celui des parties civiles : le Trésor public, Algérie Télécom et de nombreuses personnes physiques. Ahlem Bendaoud, avocate de la famille de la victime, réclame la remise de l’ensemble des vidéos liées à l’assassinat de Djamel Bensmain, avant que la présidente ne l’interrompe. «Nous n’avons pas encore entamé la deuxième étape du procès. Vous ferez vos demandes après», lui dit-elle avant que Me Brahim Taïri ne prenne le relais de sa consœur.

Il dénonce : «Madame la juge, vous remarquez bien que cette salle est trop exiguë pour contenir autant d’accusés, les familles et les avocats. Nombreux parmi nous ne peuvent tenir debout. Au tribunal de 1re instance, à Dar El Beida, la salle était plus grande, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Nous ne sommes pas dans des conditions qui garantissent un procès équitable et nous ne pouvons pas dire qu’il n’y a pas d’autre choix, puisque vous pouvez faire en sorte que cette affaire soit jugée à Dar El Beida.»

Un autre avocat plaide pour le renvoi du procès, arguant le fait que sa constitution dans le dossier a eu lieu à l’audience. Il a donc besoin d’un délai pour l’examen du dossier. D’autres avocats vont rejoindre leurs confrères, poussant la présidente à lever l’audience pour délibérer sur leur demande. Elle revient au bout d’une quinzaine de minutes, et annonce le renvoi à la prochaine session criminelle, qui intervient généralement vers la troisième semaine du mois de septembre.

La décision suscite la colère des accusés. «Nous ne voulons pas de renvoi. Nous voulons être jugés», crient-ils. Certains se mettent debout, gesticulent et d’autres crient à tue-tête, provoquant un vent de panique dans la salle. La présidente intervient dans un immense brouhaha : «Vos avocats ont demandé un délai pour examiner les dossiers.» Elle peine à se faire entendre. «Laissez-moi parler ! Vous avez le droit de réclamer un procès, mais vos avocats aussi ont besoin d’un délai pour étudier vos dossiers», lance la magistrate, sans pour autant calmer la colère des accusés. Ces derniers s’en prennent violemment à leur défense, la laissant pantoise.

Dans la salle, la tension monte d’un cran. Les policiers forment une longue haie humaine pour isoler le box des accusés des autres bancs. Un renfort arrive. Les avocats et les journalistes sont sommés de quitter rapidement les lieux. Les cris de colère des détenus ne s’arrêtent pas alors que le service d’ordre peine à calmer les esprits. Les membres du Conseil de l’Ordre sont mis à contribution pour aider les policiers à vider la salle, par «mesure de sécurité».

Au bout d’une trentaine de minutes, les premiers accusés sont évacués, par groupe de trois. Ce n’est que vers 11h30 que les fourgons cellulaires de l’administration pénitentiaire, puissamment escortés par des véhicules de la police, quittent le siège de la cour d’Alger, en direction de la prison d’El Harrach, où ils ont passé la nuit, après leur transfert, samedi dernier, de la prison de Koléa. Dehors, l’imposante foule, constituée essentiellement des familles et proches des accusés, attend toujours, sous une chaleur torride, les nouvelles d’un procès renvoyé à une date ultérieure.

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