Les Américains sont restés sur notre sol, mais n’ont rien fait pendant que les terroristes tuaient des gens et incendiaient des villes. Ce n’est pas un signe d’amitié de venir sur notre territoire et de laisser les terroristes nous attaquer. Nous avons vu ce dont les Etats-Unis sont capables pour défendre leurs alliés, comme l’Ukraine et Israël», a déclaré, mardi dans une interview au Washington Post , le Premier ministre du Niger.
Après le départ des soldats français, Niamey a exigé le départ des forces américaines. Un désengagement qui a déjà débuté. Dans un communiqué conjoint, relayé par l’AFP, les deux pays ont indiqué hier avoir «trouvé un accord de désengagement pour effectuer le retrait des forces américaines qui a déjà commencé», et donnent une date butoir : il devra s’achever «au plus tard le 15 septembre 2024», selon le communiqué signé du ministre nigérien de la Défense, Salifou Modi, et du sous-secrétaire américain à la Défense chargé des Opérations spéciales et des conflits de faible intensité, Christopher Maier.
Cette annonce intervient deux mois après la dénonciation de l’accord de coopération militaire par le régime de Niamey, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, en juillet 2023.
Cette décision concrétise plusieurs jours de discussions entre une délégation du département américain de la Défense et leurs homologues nigérien à Niamey cette semaine, «en toute transparence et un parfait respect mutuel entre les deux parties». Après le coup d’Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, le régime militaire a exigé le départ des soldats de l’ancienne puissance coloniale française. Les derniers soldats ont quitté le sol nigérien le 22 décembre. En parallèle, Niamey s’est rapproché, notamment, de la Russie qui a acheminé des instructeurs et du matériel militaire, en avril et en mai. Face à l’option de Niamey, Washington a accepté mi-avril de retirer du pays ses soldats déployés dans le cadre de la lutte antidjihadiste. Leur nombre est estimé à 650, auxquels s’ajoutent quelques centaines de contractuels.
Une partie de ces soldats sont stationnés dans la base aérienne d’Agadez (nord), une autre à l’intérieur de la base aérienne des forces armées nigériennes, située dans la capitale Niamey, aux côtés d’autres contingents étrangers.,Construite pour 100 millions de dollars, la base d’Agadez permettait depuis 2019 aux drones et aéronefs américains de mener des missions de surveillance dans une vaste région aux frontières poreuses où prolifèrent les groupes armés, notamment djihadistes, ainsi que les trafics d’armes, de drogue et d’êtres humains.
Menaces «inacceptables»
Les drones Reaper en service dans l’armée américaine pouvaient ainsi survoler le territoire du Niger jusqu’aux confins de la Libye, du Tchad, du Nigeria et du Mali, des pays qui disposent de capacités de surveillance aérienne limitées. Pour ce désengagement, des procédures ont été établies pour «faciliter l’entrée et la sortie du personnel américain, y compris les autorisations de survol et d’atterrissage pour les vols militaires», ont indiqué les deux pays, hier. Des garanties de «protection et de sécurité» ont également été données aux forces américaines durant leur retrait.
Malgré le retrait français, les Etats-Unis ont espéré un temps pouvoir rester au Niger. Mais les relations se sont dégradées en mars après la visite d’une délégation menée par la secrétaire d’Etat adjointe aux Affaires africaines, Molly Phee. Selon le Premier ministre nigérien Ali Mahaman Lamine Zeine, lors de cette visite, Mme Phee a notamment menacé les autorités de Niamey de sanctions si le Niger signe un accord pour vendre l’uranium qu’il produit à l’Iran.
Des menaces jugées «inacceptables», qui ont conduit, selon lui, à la rupture de la coopération militaire avec Washington. Le porte-parole de la diplomatie américaine, Vedant Patel, n’a pas démenti le fait que Molly Phee ait présenté à la junte un «choix ancré dans nos convictions à l’égard des principes démocratiques et dans nos intérêts de sécurité nationale». L’opinion nigérienne est depuis longtemps hostile à la présence de forces étrangères sur son territoire. En matière de sécurité, «la région d’Agadez ne trouve aucune utilité à la présence des Américains», a affirmé Amodi Arrandishou, président d’une plateforme d’organisations de la société civile à Agadez. Dans une interview parue mardi au journal américain The Washington Post, le Premier ministre nigérien a déclaré que «les Américains sont restés sur notre sol, mais n’ont rien fait pendant que les terroristes tuaient des gens et incendiaient des villes.
Ce n’est pas un signe d’amitié de venir sur notre territoire et de laisser les terroristes nous attaquer. Nous avons vu ce dont les Etats-Unis sont capables pour défendre leurs alliés, comme l’Ukraine et Israël». Par ailleurs, il a assuré que «rien» n’a été signé avec l’Iran concernant l’uranium. Ainsi, après le Mali et le Burkina Faso, le Niger est le troisième pays du Sahel à connaître un coup d’Etat et à rompre ses partenariats avec des pays occidentaux, pour se tourner vers la Russie. Ces trois pays ont annoncé fin janvier qu’ils quittaient la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), une organisation qu’ils jugent instrumentalisée par la France, indiquant que leur décision est «irréversible». Les trois anciennes colonies françaises ont annoncé en septembre dernier la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
Ceci dit, «le retrait des forces américaines n’entache en rien la poursuite des relations entre les Etats-Unis et le Niger dans le domaine du développement», ont indiqué les deux pays dans le communiqué de dimanche. La coopération américaine pour l’aide au développement devrait en effet se poursuivre avec un nouvel accord d’un montant de près de 500 millions de dollars sur trois ans, selon le ministère nigérien des Affaires étrangères.