Après celle de la Finlande dimanche, la Suède a officialisé hier sa candidature à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), rapporte l’AFP. «Nous quittons une ère pour entrer dans une nouvelle», a déclaré la Première ministre suédoise, Magdalena Andersson, lors d’une conférence de presse.
Stockholm s’attend à être membre d’ici un an maximum, a-t-elle affirmé. Dans la matinée, la Première ministre a mené des discussions avec les chefs de parti au Parlement, pour constater qu’elle dispose d’une large majorité.
Avec le feu vert du parti social-démocrate au pouvoir dimanche, six des huit partis au Parlement suédois sont désormais en faveur d’une adhésion, représentant une majorité théorique de 304 députés sur un total de 349, soit plus de 85%. La décision de la Suède est influencée par la candidature finlandaise, a reconnu Mme Andersson.
Avec l’intervention russe en Ukraine, Helsinki a pris l’initiative pour l’adhésion à l’Otan. Si Stockholm devient le seul pays non membre de l’Otan autour de la mer Baltique, il se retrouverait «dans une position très vulnérable», a observé Mme Andersson devant les députés. Ses voisins nordiques, à savoir la Norvège, le Danemark et l’Islande, ont tous déjà intégré l’Otan. Et seuls les membres de l’Alliance bénéficient de son parapluie protecteur.
De son côté, le président russe, Vladimir Poutine, a déclaré hier que la perspective d’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’Otan «ne constitue pas une menace immédiate». Mais la Russie réagirait à des déploiements d’«infrastructures militaires» dans les deux pays nordiques, a averti le président russe.
Pour le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, ces candidatures constituent une «grave erreur» dont «les conséquences auront une portée considérable». De l’avis du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, une telle option «ne va ni renforcer ni améliorer l’architecture sécuritaire de notre continent». Les candidatures formelles doivent être transmises au siège de l’Otan plus tard dans la semaine.
Stockholm et Helsinki prévoient une candidature simultanée. L’unanimité et la ratification parlementaires des 30 membres actuels de l’Alliance est nécessaire pour faire entrer un nouveau membre. Néanmoins, la candidature des deux pays nordiques risque de se heurter à l’hostilité de la Turquie. L’agence étatique turque Anadolu a rapporté hier que Ankara reproche à la Suède et la Finlande de ne pas approuver ses demandes d’extradition des personnes qu’elle accuse d’être membres d’«organisations terroristes».
Aucune des 33 demandes d’extradition envoyées par Ankara n’a reçu de réponse positive de la part de Stockholm, ni de Helsinki au cours des cinq dernières années, a affirmé Anadolu, citant des sources du ministère turc de la Justice. Selon l’agence étatique, les demandes d’extradition concernaient des personnes recherchées par Ankara pour être membres du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) ou du mouvement de Fethullah Gülen.
Vers la militarisation de la mer Baltique
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, autrefois allié à Fethullah Gülen, prédicateur résidant aux Etats-Unis, l’accuse d’avoir ourdi contre lui une tentative de coup d’Etat en juillet 2016 et le considère comme un «chef terroriste». Vendredi, il a affiché son hostilité à l’intégration des deux pays nordiques dans l’Alliance. Le chef de l’Etat turc a indiqué ne pas vouloir voir «se répéter la même erreur que celle commise au moment de l’adhésion de la Grèce», un voisin avec lequel Ankara entretient historiquement des relations conflictuelles.
Il a notamment reproché à Helsinki et Stockholm de servir d’«auberge aux terroristes du PKK», considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis.
Dimanche, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, s’est montré conciliant envers la Finlande, mais a reproché à la Suède des déclarations «provocantes», lors des discussions à Berlin sur l’adhésion des deux pays à l’Otan. «Les déclarations de la ministre des Affaires étrangères de Suède ne sont malheureusement pas constructives.
Elle continue de tenir des propos provocants», a affirmé le chef de la diplomatie turque devant la presse turque à Berlin, en marge de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’Alliance atlantique.
En revanche, il a qualifié l’attitude de la Finlande de «très respectueuse» face aux «inquiétudes» d’Ankara. «Mais nous ne voyons pas la même chose chez la Suède», a-t-il observé. Il a indiqué qu’il attend de voir «les garanties» qui seront proposés par les deux pays. Une délégation diplomatique suédoise va être envoyée pour «voir comment la question peut être résolue», a annoncé hier le ministre suédois de la Défense, Peter Hultqvist.
La Suède n’a pris part à aucun conflit sur son territoire durant le XXe siècle et n’a été mêlée à aucune guerre depuis 1814. En effet, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le pays est pris en tenailles entre l’Otan et le Pacte de Varsovie.
Stockholm a adopté une attitude conciliante à l’égard des deux camps. Avec la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008 et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, la perception sécuritaire de la Suède évolue.
Elle est incarnée par la doctrine Hultqvist. Elle se traduit par un rapprochement avec l’Otan. En 2016, la Suède a réintroduit le service militaire obligatoire, qu’elle avait abandonné six ans plus tôt.
Avec l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Otan, la mer Baltique passerait quasi exclusivement sous le contrôle de l’Alliance. L’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, l’Allemagne et le Danemark, pays côtiers de la mer Baltique, sont déjà membres de l’Otan. Il ne resterait à la Russie que le port de Saint-Pétersbourg et l’enclave russe de Kaliningrad entre la Lituanie et la Pologne.