Après la dissolution du conseil supérieur de la magistrature en Tunisie : Pressions de l’Occident sur le président Kaïs Saïed

09/02/2022 mis à jour: 04:40
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Le président tunisien Kaïs Saïed

Après avoir dissous, dimanche dernier, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), le président tunisien, Kaïs Saïed, fait face aux pressions croissantes des juges et des Occidentaux. 
 

Ainsi, les ambassadeurs des pays membres du G7, à savoir les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, la France, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni, et de l’Union européenne (UE), en Tunisie se sont ainsi dits hier, dans un communiqué conjoint, relayé par l’AFP, «profondément préoccupés» par cette mesure. «Une justice transparente, indépendante et efficace, ainsi que le respect du principe de séparation des pouvoirs, sont essentiels au bon fonctionnement d’une démocratie au service du peuple, fondée sur le respect de l’Etat de droit et des droits et libertés fondamentaux», ont ajouté les chefs de mission des ambassades d’Allemagne, du Canada, des Etats-Unis, de France, d’Italie, du Japon, du Royaume-Uni, et de la délégation de l’UE. 

A Genève, la Haute Commissaire de l’Organisation des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a déploré le même jour la dissolution du CSM, estimant que «c’est un grand pas dans la mauvaise direction». Et d’ajouter dans son communiqué : «La dissolution du Conseil supérieur de la magistrature est clairement en violation des obligations de la Tunisie au regard du droit humanitaire international.» 
 

De son côté, l’Association des magistrats tunisiens a dénoncé la dissolution du CSM comme «une violation flagrante de la séparation des pouvoirs dans un régime démocratique». 
 

Protestation de deux jours
Pour protester contre cette mesure, l’Association a annoncé une grève des magistrats «dans tous les tribunaux du pays» aujourd’hui et demain. Est prévu aussi en cette journée de jeudi un rassemblement devant le siège du CSM, auquel la police tunisienne a bloqué l’accès. 
 

Lundi, le président du CSM, Youssef Bouzakher, a qualifié d’«illégale» la décision de K. Saïed. Ce même jour, les Etats-Unis se sont dits «profondément préoccupés» par la décision de ce dernier. «Une justice indépendante est un élément crucial d’une démocratie efficace et transparente. Il est essentiel que le gouvernement de Tunisie tienne ses engagements à respecter l’indépendance de la justice conformément à la Constitution», a dit le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price. «Les Etats-Unis réitèrent leur appel à un processus accéléré de réforme politique en Tunisie» qui assurerait «le respect continu des droits humains», a ajouté Ned Price. 
 

Le président tunisien a annoncé, dans la nuit de samedi à dimanche à travers une vidéo, la dissolution du CSM, qu’il accuse de partialité, de corruption et d’avoir notamment ralenti les enquêtes sur les assassinats de deux militants de gauche, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, respectivement le 6 février 2013 et le 25 juillet 2013. 

Le CSM, créé en 2016, est une instance indépendante chargée de nommer les juges. Il est composé de 45 magistrats, pour les deux tiers élus par le Parlement et qui désignent eux-mêmes le tiers restant. «Les postes et les nominations se vendent et se font selon les appartenances», a accusé K. Saïed, en affirmant que «certains magistrats ont pu recevoir» de grosses sommes d’argent en contrepartie. En réponse aux critiques, le président Saïed a déclaré lundi «rassurer tout le monde en Tunisie et à l’étranger, qu’il ne s’ingérerait pas dans le travail de la justice» et avoir «recouru à cette dissolution, seulement parce qu’elle était devenue nécessaire». 

Et de soutenir : «Je n’interviendrai dans aucune affaire ou nomination», affirmant que le CSM a été instrumentalisé par certains «à des fins personnelles ou politiques». 
 

Le président Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet, quand il a limogé son Premier ministre et gelé le Parlement. Mesures dénoncées comme un «coup d’Etat» par Ennahdha et d’autres opposants. Il a, depuis, nommé un gouvernement, mais prend ses décisions par décrets, officiellement à titre provisoire jusqu’à des élections législatives programmées pour décembre, après un référendum constitutionnel.

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