Après des mois de tension : La junte malienne décide d’expulser l’ambassadeur de France

01/02/2022 mis à jour: 18:30
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Le Mali donne 72 heures à l’ambassadeur de France pour quitter le pays

Nouvelle escalade dans la tension entre Bamako et Paris. Les autorités maliennes ont décidé d’expulser l’ambassadeur de France, a annoncé hier la télévision d’Etat, relayée par l’AFP. «Le gouvernement de la République du Mali informe l’opinion nationale et internationale que ce jour (...) l’ambassadeur de France à Bamako, son excellence Joël Meyer, a été convoqué par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale (et) qu’il lui a été notifié la décision du gouvernement qui l’invite à quitter le territoire national dans un délai de 72 heures», a indiqué un communiqué lu par la télévision d’Etat. 

Bamako a justifié cette décision par les récentes déclarations «hostiles» de responsables français à l’encontre du gouvernement malien, selon le communiqué lu à la télévision malienne. «La France prend note de la décision des autorités de transition (maliennes) de mettre fin à la mission de l’ambassadeur de France au Mali. 

En réaction, la France a décidé de rappeler son ambassadeur», a indiqué le ministère des Affaires étrangères français un peu plus tard dans la journée. Paris a exprimé aussi «sa solidarité vis-à-vis de ses partenaires européens, en particulier du Danemark», dont le contingent vient d’être expulsé par la junte au pouvoir à Bamako. 
 

Le 25 janvier, la ministre des Armées française, Florence Parly, a déclaré que la junte multiplie «les provocations». De son côté, le chef de la diplomatie française des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a, deux jours après, qualifié la junte d’«illégitime» et ses décisions d’«irresponsables», après que les autorités maliennes eurent poussé le Danemark à retirer son contingent de forces spéciales. «Le gouvernement du Mali condamne vigoureusement et rejette ces propos qui sont contraires au développement de relations amicales entre nations», ajoute le texte, dans lequel Bamako «réitère sa disponibilité à maintenir le dialogue et poursuivre la coopération avec l’ensemble de ses partenaires internationaux, y compris la France, dans le respect mutuel et sur la base du principe cardinal de non-ingérence». 

Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a prévenu vendredi que son pays n’exclura «rien» dans ses relations avec la France. Les officiels maliens s’en sont eux-mêmes durement pris à la France, ainsi qu’à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui a infligé le 9 janvier une série de sévères sanctions diplomatiques et économiques au Mali. 

Le colonel Abdoulaye Maïga, ministre et porte-parole du gouvernement dit de Transition, a fustigé mercredi Mme Parly et la France, accusée de chercher à diviser les Maliens, «d’instrumentaliser» les organisations sous-régionales et de conserver ses «réflexes coloniaux». Il a donné pour «conseil» à Mme Parly de se taire. 
 

Différends
 

Cette décision d’expulsion de l’ambassadeur français marque une nouvelle montée de tension entre le Mali et l’ancienne puissance coloniale engagée militairement contre les djihadistes au Mali et au Sahel depuis 2013. Depuis plusieurs mois, les autorités maliennes accusent Paris d’ingérence dans les affaires du pays. La France et ses alliés européens reprochent à Bamako d’avoir fait appel à la société de sécurité privée russe Wagner, laquelle, selon les Occidentaux, est proche du Kremlin et déjà engagée en République centrafricaine, entre autres. 

La junte dément et évoque la souveraineté nationale.Le 12 janvier, Bamako a dénoncé une «violation» de son espace aérien par un avion militaire français. Comme il est reproché à Paris de soutenir les sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), «parmi lesquelles figure la fermeture des frontières terrestres et aériennes de ses pays membres avec le Mali». Le gouvernement malien a indiqué qu’il «décline toute responsabilité relative aux risques auxquels les auteurs de ces pratiques pourraient s’exposer, en cas de nouvelle violation de notre espace aérien».
 

De son côté, l’armée française a affirmé n’avoir reçu aucune information quant à d’éventuelles restrictions de vols et fait valoir les accords de défense liant les deux pays. Le 16 janvier, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale malien, Abdoulaye Diop, a annoncé que Bamako a demandé en décembre, officiellement, à la France la révision des accords de défense qui lient les deux pays. Les accords de défense entre la France et le Mali ont été signés à la suite du déclenchement de l’opération militaire française Serval, le 11 janvier 2013.

 Alors que des groupes terroristes venus du nord avançaient vers la capitale Bamako, le gouvernement malien a fait appel à la France, qui a déployé en urgence quelque 4000 soldats. L’accord prévoit de «concourir à une paix et une sécurité durables (…), notamment par la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme». Il permet aussi l’accès au territoire malien, «y compris ses eaux territoriales et son espace aérien», avec le consentement préalable de l’Etat. Le partenariat sécuritaire entre la France et le Mali est jusqu’alors défini par un accord de coopération technique, signé en 1985.
 

Jeudi, le Danemark a annoncé préparer son retrait militaire du Mali. «Les généraux au pouvoir ont envoyé un message clair, où ils ont réaffirmé que le Danemark n’était pas le bienvenu au Mali. Nous ne l’acceptons pas et pour cette raison nous avons décidé de rapatrier nos soldats», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jeppe Kofod, après une réunion au Parlement. Et d’ajouter : «Nous sommes là à l’invitation du Mali. Les généraux putschistes, dans un jeu politique sale, ont retiré cette invitation (…) parce qu’ils ne veulent pas d’un plan rapide de retour à la démocratie.» 

La décision de Copenhague intervient suite à l’appel, le 24 janvier, de la junte au Danemark de retirer ses troupes, arrivées la semaine dernière dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest, au motif que leur déploiement était «intervenu sans son consentement». Les forces du Danemak font partie de la force Yakuba, laquelle est composée de 14 pays et compte entre 600 et 900 soldats. 

Lancée en mars 2020, elle doit jouer un rôle central dans le recalibrage de l’opération Barkhane avec pour objectif la formation des soldats maliens, le renseignement ou encore les opérations ciblées des forces spéciales.
 

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