Après des années d’escalade : La Chine et l’Australie optent pour le dégel

07/11/2023 mis à jour: 00:37
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Désescalade après des années de tension et développement des échanges commerciaux entre Pékin et Canberra. C’est ce qui ressort de la rencontre tenue, hier, à Pékin entre le président chinois Xi Jinping et le Premier ministre australien, Antony Albanese. Les deux nations «n’ont pas de griefs historiques ou de contentieux ni de conflits d’intérêts fondamentaux. 

Et elles peuvent vraiment devenir des partenaires de confiance et réussir ensemble», a déclaré le président chinois lors de cette rencontre, selon l’AFP relayant la télévision d’Etat CCTV. 

Il a indiqué que Pékin espère «développer pleinement le potentiel du traité de libre-échange entre la Chine et l’Australie et entreprendre une coopération dans de nouveaux domaines, dont le changement climatique et l’économie verte». «Grâce aux efforts des deux parties», la Chine et l’Australie «ont repris leurs échanges dans de nombreux domaines et ont entrepris d’améliorer et de développer leurs relations», a-t-il observé. «Alors que certains s’efforcent de causer des troubles dans la région Asie Pacifique, nous devons tout d’abord rester vigilants, et ensuite les combattre», a affirmé le dirigeant chinois.

 La Chine, a-t-il affirmé, souhaite «développer davantage de coopération trilatérale et multilatérale» avec l’Australie. Elle veut aussi «soutenir le renforcement de la résistance des nations du Pacifique Sud, s’attaquer à des défis tels que le changement climatique, et protéger la paix et la stabilité de la région Asie Pacifique avec ouverture et tolérance», a soutenu le président chinois.

Au début de cette rencontre A. Albanese, premier dirigeant australien à se rendre en Chine depuis plus de sept ans, a salué l’évolution «incontestablement très positive» des relations bilatérales. «Les échanges commerciaux sont plus libres et cela bénéficie à nos deux pays», a indiqué le dirigeant de l’île-continent qui effectue une visite de quatre jours en Chine. Et d’ajouter : «Nous pouvons bien évidemment saisir l’occasion aujourd’hui de voir comment renforcer la coopération» entre les deux pays.

Les relations entre Canberra et Pékin se sont dégradées ces dernières années. En 2019, les autorités australiennes ont publiquement dénoncé une ingérence croissante de la Chine dans les affaires intérieures de l’Australie, par le biais, notamment, de dons à des partis politiques, dans le but d’influencer la politique de l’île-continent. En août de la même année, le député australien Andrew Hastie, président du Comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité, a publiquement comparé l’essor de la Chine actuel avec celui de l’Allemagne nazie avant la Seconde Guerre mondiale. 

Aussi, le Parlement australien a adopté une série de lois pour lutter contre l’espionnage et l’ingérence étrangère. En 2020, l’Australie a demandé une enquête internationale sur l’origine de la pandémie de Covid, détectée dans la ville chinoise de Wuhan à la fin de 2019. Comme elle a interdit le géant chinois des télécommunications Huawei d’un appel d’offres pour la construction du réseau national 5G. 

En avril 2021, le gouvernement australien avait annoncé l’annulation de deux accords de coopération signés par la Victoria, l’un de ses six Etats fédérés, avec la Chine pour se joindre aux «nouvelles routes de la soie». De tels accords sont «incompatibles avec la politique étrangère australienne ou contraires à nos relations internationales», a déclaré la ministre des Affaires étrangères, Marise Payne, appliquant une loi adoptée en décembre 2020 autorisant le gouvernement fédéral à annuler ces accords s’ils compromettent les intérêts nationaux. 

A ces frictions s’ajoutent les condamnations par Canberra de la politique chinoise à l’égard des Ouïghours, au Xinjiang, ou à l’encontre de Hong Kong. En riposte, la Chine a imposé, en 2020, des droits de douane élevés sur des exportations australiennes clés telles que l’orge, le bœuf et le vin, au plus fort d’un conflit diplomatique avec l’ancien gouvernement conservateur en poste à l’époque à Canberra. Pékin a également cessé d’acheter en Australie d’importantes quantités de matières premières, dont le charbon. La Chine a déconseillé à ses étudiants de fréquenter les universités australiennes, citant des incidents racistes.
 

«Extrêmement irresponsable»

Les tensions dans les relations entre les deux pays se sont exacerbées en septembre 2021, quand l’Australie a annoncé son adhésion à l’accord trilatéral d’Aukus avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Dans ce cadre, les trois pays ont lancé, en mars dernier, le programme de coopération concernant les sous-marins nucléaires, dans le cadre de leur alliance baptisée Aukus. Selon Canberra, ce projet coûtera près de 40 milliards de dollars sur les dix premières années.

L’Australie devient, par cet accord, le deuxième pays à bénéficier de la technologie américaine pour les sous-marins à propulsion nucléaire, après le Royaume-Uni en 1958. «Notre monde devient plus complexe, en particulier dans notre région, l’Indo-Pacifique», a affirmé le Premier ministre australien, Scott Morrison, à l’époque annonçant cet accord. «Pour faire face à ces défis, pour contribuer à la sécurité et à la stabilité, nous devons porter maintenant notre partenariat à une étape nouvelle», a-t-il soutenu. 

La Chine n’a pas tardé à réagir à cette annonce. Aucun pays «ne doit s’engager dans des alliances prenant pour cible les intérêts d’un pays tiers», a déclaré l’ambassade chinoise aux États-Unis. «Tout particulièrement, ces pays devraient abandonner leur mentalité de Guerre froide et leur idéologie portant préjudice» à un pays tiers.

 Cet accord est «extrêmement irresponsable», a affirmé le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, pour qui il «sabote gravement la paix et la sécurité de la région et donne un nouveau coup de fouet à la course aux armements». 

Cependant avec le retour des travaillistes au pouvoir en mai 2022, les deux pays ont opté pour la désescalade. Ainsi, Pékin a réouvert son marché au charbon australien en mars dernier, puis levé des taxes prohibitives sur l’orge en août. Comme il est annoncé une possible suppression de droits de douane de 220% sur le vin en bouteilles d’ici cinq mois.

Côté diplomatique, des progrès ont également été réalisés récemment. Pékin a libéré, début octobre, la journaliste australienne Cheng Lei, détenue depuis plus de trois ans pour des accusations d’espionnage.

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