Le secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs du textile et cuir (FNTTC), Benyoucef Zenati, appelle à l’application des recommandations des assises nationales organisées les 30 et 31 janvier 2023. Selon lui, il est aisé de produire du coton et de la fibre synthétique en Algérie.
Des assises nationales du textile et cuir ont été tenues les 30 et 31 janvier dernier. Ayant réuni les plus grands opérateurs des secteurs public et privé, ces assises ont été sanctionnées par une série de recommandations définissant les grands axes de ce qui devait être la stratégie nationale de relance. Parmi les recommandations, l’on peut citer la production du coton, la fibre synthétique, la laine ainsi que la transformation du cuir.
Neuf mois après, les principaux acteurs du secteur du textile et cuir commencent à s’impatienter. La raison est qu’il y a des urgences auxquelles il faudra faire face pour maintenir l’outil de production. Pour le secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs du textile et cuir (FNTTC), Benyoucef Zenati, il est «impérieux» de mettre en application ces recommandations, car il y va de l’avenir du secteur, dans un contexte mondial marqué par la flambée des prix des principales matières premières importées.
«Nous avons pris part à ces assises. Nous avons présenté notre vision pour le secteur et rappelé nos revendications qui ne datent pas d’aujourd’hui. La majorité des recommandations émises font partie de nos propositions en tant que fédération pour la relance du secteur. Elles vont de la culture du coton jusqu’à la relation Banques-entreprises», a déclaré M. Zenati qui plaide pour une mise en application rapide des conclusions de ces assises nationales.
«Les deux années de la pandémie de Covid ont impacté le secteur du textile de manière extraordinaire. La production était à l’arrêt à cause de l’indisponibilité de la matière première importée, en raison de la suspension du transport maritime. Nous sommes restés une année et demie sans matière première et, par ricochet, sans production.
Dieu merci, les travailleurs ont été payés. Mais la situation générée par la cessation de l’activité durant cette période a considérablement impacté les équilibres financiers des entreprises du secteur qui ont vu leur endettement s’alourdir», a souligné notre interlocuteur qui interpelle les pouvoirs publics pour un sursaut en faveur du secteur, constitué majoritairement d’entreprises publiques.
Coton et fibre synthétique
Pour permettre au secteur de sortir la tête de l’eau, la FNTTC a réclamé un différé du remboursement du crédit d’investissement et le rééchelonnement de la dette des entreprises. «Nous ne demandons pas de l’argent. Le secteur dispose d’un plan de charge très important. Pour répondre à ce plan de charge, nous voulons que les pouvoirs publics nous accompagnent, à travers les banques.
L’accompagnement demandé est pour l’acquisition de la matière première qui va permettre à la production de reprendre pleinement. Et je peux vous assurer qu’au plus tard une année, les choses retrouveront leur cours normal», a précisé M. Zenati qui insiste sur l’importance d’investir, sans tarder, dans la production de la matière première.
«Depuis 2006, nous plaidons pour la culture du coton et la production de la fibre synthétique. Deux matières premières importées. Est-ce normal qu’en 1926, on cultivait du coton en Algérie et en 2023, on l’importe ?» s’est-il interrogé tout en faisant état de l’existence d’une «cartographie» de régions adaptées pour cette culture.
«Des essais concluants ont été effectués notamment dans la wilaya de Laghouat. Si on fait la culture du coton dans cette wilaya, nous allons non seulement réduire la facture de l’importation mais aussi créer de l’emploi et booster la production, qui ne s’arrêtera plus à cause d’éventuels problèmes d’approvisionnement en matières premières», a relevé le SG de la FNTTC. Idem pour la fibre synthétique.
«Pourquoi importer la fibre synthétique alors que nous sommes un pays pétrolier ? Le process utilisé pour son obtention est maîtrisé par les professionnels de la pétrochimie du groupe Sonatrach. Des études ont été déjà réalisées. Ce projet, comme celui de la culture du coton, n’attend que la concrétisation», a-t-il affirmé. Selon lui, même les produits chimiques utilisés dans la production de la fibre synthétique peuvent être fournis localement par le Holding Algeria Chemical Specialities (ACS). «C’est réalisable et faisable. Il suffit de faire confiance aux compétences nationales», a-t-il insisté.
M. Zenati assure qu’en plus d’œuvrer pour préserver le secteur, la FNTTC travaille également pour le développer afin de créer davantage d’emplois. «De par le monde, le secteur le plus pourvoyeur d’emplois, c’est celui des textile et cuir», a-t-il indiqué, citant le cas de la Turquie et de l’Egypte.
«Notre objectif aujourd’hui est d’augmenter la capacité de production pour générer plus d’emplois, améliorer la qualité du produit et renforcer notre compétitivité. Pourvu que le secteur soit accompagné», a-t-il ajouté tout en estimant que pour ce faire, il faudra garantir «la disponibilité des matières premières et faciliter l’accès au financement bancaire».
Formation d’ingénieurs
Le secteur a bénéficié en 2012 d’un plan d’assainissement et de relance doté de 135 milliards de dinars (2 milliards de dollars). Ce plan prévoyait 3,9 milliards de dinars pour prendre en charge la dette fiscale, 54,4 milliards pour le rachat du découvert bancaire enregistré auprès de la Banque nationale d’Algérie (BNA), 9,7 milliards pour le rachat de la dette d’investissement et 1,3 milliard pour le paiement des dettes envers le liquidateur.
Le reste de cette affectation budgétaire a été consacré à l’investissement et au développement de l’outil de production. Mais l’exécution de ce programme de relance s’est faite en dents de scie. Selon le SG de la FNTTC, il y a eu du retard dans la concrétisation des investissements prévus dans ce plan de relance, à cause notamment de problèmes bureaucratiques et d’autres liés au code des marchés publics.
«A ce jour, nous n’avons pas encore clôturé l’investissement qui était prévu dans ce programme de relance. Nous avons consommé les cinq années de différé que l’Etat nous a accordés à attendre l’argent du Trésor public, à faire (et refaire quand c’est infructueux) les procédures réglementaires du code des marchés publics et à se débattre dans les méandres de la bureaucratie.
Les entreprises ont été ainsi contraintes de commencer à rembourser les dettes avant même la concrétisation totale de leurs investissements. Nous avons, en tant que fédération, demandé au CPE (Conseil des participations de l’Etat) de différer le remboursement de deux à trois ans, pour permettre aux entreprises d’avoir un début de retour d’investissement, sachant qu’elles ont un carnet de commandes global de plus de 23 milliards de dinars», a-t-il expliqué.
Autre problème auquel il faudra s’attaquer, estime M. Zenati, c’est celui de la formation d’une ressource humaine qualifiée pour le secteur. «Il fut un temps où l’Algérie disposait d’un institut qui formait des ingénieurs en textile et cuir. Cet institut n’existe plus. Il faut que le ministère de l’Enseignement supérieur nous accompagne afin de former les ingénieurs de demain, parce que les derniers ingénieurs dont dispose le secteur sont proches de la retraite», a-t-il relevé.
Pour lui, le secteur du textile dispose de «puissants atouts» et il est «porteur d’avenir». «Nos produits, même s’ils ne sont pas encore abondants sur le marché national, sont bien appréciés par le consommateur. Si nous obtenons l’accompagnement nécessaire, nous pourrions rapidement passer à la vitesse supérieure, en améliorant la qualité et la quantité et en diversifiant davantage l’offre», a-t-il affirmé, considérant qu’au regard du potentiel existant, il est possible de placer ces produits sur le marché africain.
Appel pour sauver l’usine de fils à coudre de Bougaâ
Le toit de l’usine de production de fils à coudre de Bougaâ, dans la wilaya de Sétif, menace de s’effondrer. Selon le secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs des textile et cuir, Benyoucef Zenati, «c’est une usine qui nécessite des travaux urgents que l’entreprise ne peut pas prendre en charge». «Nous avons informé les services de la daïra de Bougaâ et ceux de la wilaya. Il y a une sérieuse menace sur l’avenir de cette usine qui est la seule en Algérie à fabriquer du fil à coudre», a-t-il précisé, appelant les pouvoirs publics à la sauver. C’est de cette unité de production, qui fonctionne avec 250 salariés, que sortent les fils à broder, à crocheter ainsi que le fil 100% coton et le fil mélangé au polyester destiné au tissage. M. A. O.