Analyse du Rapport portant consultations pour 2022 au titre de l’article IV avec l’Algérie

04/02/2023 mis à jour: 15:55
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Qu’est-ce qu’une consultation au titre de l’Article IV des Statuts du FMI ? Conformément aux dispositions de l’article IV de ses Statuts du FMI, ce dernier procède, habituellement chaque année ou tous les deux ans dans certains cas, à des consultations bilatérales avec tous ses pays membres (190 pays). Une mission des services du FMI se rend dans le pays, recueille des données économiques et financières et des informations sur les questions structurelles et sectorielles et s’entretient avec les responsables nationaux de l’évolution et des politiques économiques du pays. A l’issue de son séjour, la mission du FMI remet aux autorités un aide -mémoire (qui contient un cadrage macroéconomique sur 5 ans) qui représente les points de vue du staff de la mission et non du FMI. Par ailleurs, les autorités du pays ne sont nullement engagées par les conclusions de la mission. Elles ont en outre le droit de faire refléter dans le document de la mission leurs points de vue divergents, y compris leur propre cadrage macroéconomique. De retour au siège, les membres de la mission ont entre 30 et jours pour produire un rapport qui sert de cadre aux délibérations du Conseil d’administration. Le rapport est publié avec l’autorisation des autorités du pays. Rares sont les pays qui refusent la publication du rapport-pays.

Quelle est l’utilité d’une consultation au titre de l’Article IV des Statuts du FMI ? Le rapport du FMI propose une analyse des contraintes macroéconomiques et structurelles du pays et suggère des politiques publiques pour y faire face sur le moyen terme. Le pays n’est nullement lié par ces propositions. Elles constituent toutefois des pistes utiles pour le pays de la part de spécialistes qui ont un recul et une expertise des questions macroéconomiques et structurelles et des mécanismes de gestion de crises.

Procédures d’examen et d’adoption des rapports-pays par le Conseil d’administration du FMI. Deux options sont disponibles : (1) option 1 : le rapport peut être examiné dans le cadre d’une réunion formelle du conseil d’administration et adopte à l’issue des discussions de la part des administrateurs ; (2) option 2 : si toutefois, le rapport ne pose pas de problème particulier et si tous les administrateurs sont en accord avec le contenu de ce rapport et les conclusions du staff et ne demandent pas de réunion formelle, le conseil d’administration peut alors adopter le rapport sans réunion formelle selon la procédure dite du défaut d’opposition. Une économie de temps.

Le rapport portant consultations pour 2022 au titre de l’article IV avec l’Algérie.

Le processus de la consultation : Le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a examiné donc le rapport portant consultations au titre de l’article IV avec l’Algérie le 1er février selon la procédure du défaut d’opposition. Ce rapport, préparé par le staff de la mission, a fait l’objet d’un processus de revue rigoureux par la plupart des départements du FMI, avant d’être approuvé par la direction générale du FMI et d’être transmis au département du Secrétariat du FMI (pour contrôle de la qualité et de la présentation du rapport) qui le programme pour une revue et adoption par le conseil d’administration. Rappelons-nous que le staff du FMI qui travaille sur l’Algérie avait séjourné à Alger du 6 au 21 novembre pour mener les discussions techniques et de politique publiques au titre de l’Article IV avec les autorités. La mission avait alors publié à l’issue de son séjour un communiqué de presse que nous avions analysé dans un article précèdent en novembre 2022. Le rapport adopté ce 1 février 2023 clôturé le processus de consultations avec l’Algérie pour 2022. Son contenu représente les positions officielles du FMI (et de ses 190 membres) sur la situation macroéconomique et structurelle de l’Algérie a fin 2022 et les perspectives économiques et financières à l’horizon 2027 (formalisées dans un cadrage macroéconomique en annexe du rapport). Comme tous les autres rapports-pays, celui sur l’Algérie sera certainement analysé avec attention par la communauté internationale (investisseurs, gouvernements, diplomates, chercheurs, think tanks).

La situation macroéconomique en 2022. Le conseil d’administration a deux remarques importantes :

1. L’amélioration des cours des hydrocarbures lié à guerre en Ukraine a permis d’appuyer une croissance économique positive en 2022 et d’améliorer la situation des finances publiques ainsi que les performances du secteur extérieur. De ce fait, les indicateurs macroéconomiques en la matière font ressortir ce qui suit : (1) une croissance estimée à 2,9 %, par rapport à 3,4 % en 2021 ; (2) une réduction du déficit primaire hors hydrocarbures de 28,9 % du PIB hors pétrole en 2021 à 25,5 % du PIB hors pétrole (par rapport à une norme de 10%) ; (3) une nette amélioration du compte courant de la balance des paiements qui enregistre un surplus de 7,6 % du PIB (comparé à une norme de 10% du PIB) et par rapport à un déficit de 2,8 % du PIB en 2021 ; et (4) une amélioration des réserves internationales de change qui sont passées de $46,7 milliards (11,6 mois d’importations) en 2021 à 62 milliards (13,4 mois d’importations) en 2022.

2. L’inflation demeure un défi important.  L’inflation des prix à la consommation s’est accélérée pour atteindre un niveau estimé à 9,3 % en 2022 (7,2 % en 2021), son plus haut niveau depuis 26 ans. Le communiqué du conseil d’administration du FMI précise que ce haut niveau d’inflation reflète, en dépit de mesures prises par la banque centrale en faveur d’une gestion plus active de la liquidité, une politique monétaire accommodante.

Trois commentaires : (1) nonobstant le faible taux de croissance enregistre en 2022, l’Algérie enregistre un rattrapage de l’activité économique perdue en 2020 (-5,1%) ; (2) l’accélération de l’inflation reflète certes une politique monétaire accommodante mais également de fortes contraintes structurelles, notamment au niveau des circuits de distribution et de l’offre globale ; et (3) les meilleures performances sur les plans des finances publiques et du secteur extérieur (compte courant de la balance des paiements) et des réserves internationales de change redonnent au pays une certaine marge de manœuvre. Toutefois, les défis pour rétablir les grands équilibres macroéconomiques et refonder le modèle économique et social demeurent significatifs.

Les perspectives macroéconomiques pour 2023-2027.  En raison du climat d’incertitude lié à la guerre en Ukraine et des risques relatifs à l’évolution des prix des hydrocarbures, à l’environnement économique mondial et au cours des matières premières et vu l’absence de plan de réformes à moyen terme, les objectifs macroéconomiques pour la période 2023-2027 se présentent comme suit :

•Une croissance économique en déclin progressif devant atteindre 1,6 % en 2027.

•Une inflation qui devrait entamer une décélération pour se situer à 5,5 % en 2027, un niveau toujours élevé.

•Un solde primaire des hydrocarbures devant passer à 21,6 % du PIB hors pétrole en 2027 (un niveau double par rapport à une norme de 10%).

•Un solde du compte courant de la balance de paiements qui devrait afficher un déficit de 4,9 % du PIB, soit une détérioration de 12,5 points de pourcentage du PIB par rapport à 2022.

•Des réserves internationales de change qui se situeraient à $45,4 milliards (8 mois d’importations) en 2027.

Une amélioration marquée des perspectives économiques et financières à moyen terme impliquerait de ce fait :

•L’amélioration de l’environnement externe ;

•Des politiques macroéconomiques destinées à : (1) reprendre le contrôle de l’inflation (resserrer la politique monétaire au lieu et place de l’appréciation récente du dinar, relever le taux directeur de la banque centrale, calibrer la gestion de la liquidité pour améliorer la transmission de la politique monétaire, améliorer la gouvernance de la BA) ; (2) une restauration progressive de la viabilité des finances publiques (réforme des subventions, réforme paramétrique des retraites, réduction des dépenses d’investissement, poursuite des réformes fiscales, adoption d’un cadre budgétaire à moyen terme et diversification des sources de financement) ; et

•Des politiques structurelles pour asseoir un « modèle de croissance plus diversifié, résilient et riche en emplois et renforcer davantage le cadre de gouvernance », y compris : (1) un nouveau code des investissements et des lois relatives à l’auto-entreprenariat et aux énergies renouvelables afin de créer un environnement plus propice à l’activité du secteur privé : (2) une amélioration de l’ouverture commerciale : (3) un renforcement de la compétitivité, notamment par le biais de réformes des marchés des produits et du travail ; et (4) un  renforcement de la  gouvernance, y compris une meilleure disponibilité des statiques macroéconomiques.

Le mot de la fin.  Au-delà du langage feutré typique au FMI, le message central du rapport est le suivant :  L’amélioration macroéconomique en 2022 est partielle et reflète essentiellement des facteurs exogènes et non le résultat d’un mix macroéconomique et structurel dans le contexte d’un plan global et cohérent de restauration des grands équilibres et de refondation de l’économie. Pour 2023, la hausse du prix des hydrocarbures-si elle se matérialise- donnerait de nouveau une marge de manœuvre au pays. Insuffisant toutefois pour faire face à un contexte de récession pour une grande partie de la planète et/ou envisager le moyen terme. L’économie algérienne a besoin cruellement de réformes structurelles en profondeur pour assurer sa diversification et sa résilience. 

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