Amirouche Malek. Acteur culturel : «Nous célébrons la parole qui a son pesant d’or dans notre société»

23/04/2023 mis à jour: 07:00
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Photo : D. R.

Dans l’entretien qu’il a accordé à El Watan, le très dynamique acteur de la scène culturelle nationale, Amirouche Malek, évoque l’anthologie poétique qu’il a publiée aux éditions Imtidad : Florilège de poésie, Asefru n tmedyezt, il précise qu’il «n’y a jamais eu une anthologie où figurent 39 poètes en trois langues : tamazight, arabe français». Organisateur acharné de plusieurs événements culturels, il série certaines difficultés qui le freinent dans ses ambitions. «Les collectivités locales et certaines structures culturelles doivent s’impliquer pour une compensation. J’avoue que si on a tenu le coup, c’est grâce aux mécènes et certains amis qui nous soutiennent. C’est la raison pour laquelle, on a décidé de suspendre certaines de nos activités jusqu’à nouvel ordre ou du moins jusqu’à ce que les conditions soient réunies», souligne-t-il.  

  • Votre anthologie Florilège de poésie, Asefru n tmedyezt réunit des poètes qui s’étaient rencontrés lors des différentes éditions du festival «L’été en poésie et en musique». Comment est né ce projet ?

L’idée de lancer le festival «L’été en poésie et en musique» m’est venue pour plusieurs raisons. En premier lieu c’est pour célébrer la parole qui avait de tout temps son pesant d’or dans notre société. C’est aussi un hommage à toutes les femmes qui durant des siècles ont veillé à la sauvegarde de notre langue et culture multimillénaires. J’ai bien réfléchi et cherché et je n’ai pas trouvé un festival dédié à la poésie et la musique.

J’estime que les chanteurs, les musiciens et les poètes travaillent ensemble mais ils ont rarement des occasions de se rencontrer et d’échanger leurs expériences respectives. L’autre objectif est de favoriser l’esprit de collaboration et ainsi tordre le coup à ceux qui disent être «auteur, compositeur et interprète». 
Un beau du texte, une musique raffinée et une belle interprétation donnent forcement une belle œuvre.

Le festival «L’été en poésie et en musique» se veut aussi une passerelle entre les artistes confirmés et la génération montante.  L’exemple de Cheikh Mohand Ou Lhocine, Si Mohand Ou Mhand, Youcef Ou Kaci, Abdallah Ben Kerriou, Sidi Lakhdar Ben Khlouf sont toujours d’actualité. La sagesse de Cix Muhend Ou Lhocine et la poésie de Si Mohand sont de mises au quotidien. 
Je tiens à préciser que la génération actuelle de poètes n’a rien à envier à celle des aînés.

Notre souci majeur est de permettre aux villageois notamment ceux qui n’ont pas la possibilité d’aller dans les centres urbains de rencontrer les artistes et à ces derniers de se produire dans les régions reculées.  En marge du festif, il y a de la réflexion sur la poésie et la musique anciennes et leur évolution. On s’est toujours fait fort d’aborder des thématiques d’une manière scientifique pour éclairer le grand public.

  • Les auteurs réunis dans votre recueil ne sont pas tous connus du grand public...

Effectivement, il y a des auteurs qui ne sont pas connus du grand public. Justement, l’un des objectifs de cette initiative est de les révéler. Il y a aussi ceux qui sont connus et n’ont pas eu l’occasion d’être édités. Et bien sûr, il y a des poètes connus et reconnus même à l’internationale.

Je dois signaler, sauf si je me trompe, qu’il n’y a jamais eu une anthologie où figurent 39 poètes en trois langues : tamazight, arabe français, parmi lesquelles une poétesse au nom de Fayza Amrouche née en 1884 à qui nous avons voulu rendre hommage. 
Etant partisan de laisser des traces pour la postérité, nous avons jugé  important de capitaliser l’expérience du festival cité plus haut et  d’éditer cet ouvrage collectif.

L’une des grandes satisfactions est de voir l’une des auteures figurant dans l’ouvrage collectif, en l’occurrence Liza Serik, qui à peine dix-huit ans, décrocher haut la main le premier prix de la dix-huitième édition du Festival national de poésie amazighe d’Adrar-n-Fad, dans  la commune d’Aït Smail (Béjaia), et de savoir également que la talentueuse poétesse Alima Abdhat, qui figure parmi les auteurs réunis dans le florilège, est  finaliste du Prix international de poésie – Sur les traces de Léopold Sédar Senghor, Section D (poésie inédite en langue française). Que du bonheur !

  • Votre entreprise, agence d’événementiel EMEV (Entreprise d’organisation d’événements culturels, économiques et scientifiques) se fait fort d’organiser divers événements culturels (festivals de poésie, colloque, etc.). Des hommages à des personnalités telles que l’auteure et pédagogue Djouher Amhis sont aussi à son actif…

Tout à fait. Dans notre démarche, on s’est fait un credo de lutter contre l’oubli et d’évoquer des personnalités culturelles, artistiques et historiques. De notre point de vue, il n’y a pas mieux que d’organiser des hommages aux personnes, et ce, de leur vivant, ce qui leur ira droit au cœur.

C’est le cas de Djoher Amhis à qui nous avons rendu hommage. Sans oublier le film documentaire que je lui ai consacré. Par ailleurs, on a organisé des journées d’étude sur l’œuvre de Mouloud Mammeri, Assia Djebar, Mouloud Feraoun, Mohand Oulhocine Sahnouni, Idir, Slimane Azem et Cheikh Nourddine et un hommage à l’artiste Tahar Bessaha.

En mars 2020, on allait consacrer une journée d’étude à l’œuvre de Mohammed Dib, malheureusement, la Covid est passée par là. Il y a aussi le Festival «Montagn’Art», qui se décline en un triptyque : développement durable, protection de l’environnement, promotion de la culture et des savoir-faire ancestraux.

Le forum «L’économie en question» est aussi un espace de réflexion sur l’économie locale. D’ailleurs, c’est en débattant de cette dernière qu’on peut cerner l’économie globale de notre pays. Depuis plus de dix ans, nous offrons une tribune aux chercheurs de tous bords, auteurs, écrivains afin de s’exprimer dans le cadre du café littéraire et philosophique de Tizi Ouzou et de Larbaâ Nath Irathen.

  • Quels sont les projets inscrits à votre agenda ?

En termes de projets, ce n’est pas ce qui manque, néanmoins on est confronté aux difficultés de différents ordres notamment sur le plan   financier, ce qui constitue, vous en conviendrez, un véritable frein pour la suite. Je ne suis nullement pour l’assistanat et je n’aime pas trop me plaindre. Mais tout travail mérite salaire et on ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche comme dit très justement le poète.

Je m’explique : certaines de nos activités sont malheureusement considérées comme étant du pur bénévolat. On n’est pas du tout contre, bien au contraire ; je suis même à l’aise de dire que je suis militant et que je me donne à fond. Alors que l’EMEVcom, dont je suis le gérant, est une entreprise qui paye ses charges comme les cotisations de la Casnos et les impôts…

Les collectivités locales et certaines structures culturelles doivent s’impliquer pour une compensation. J’avoue que si on a tenu le coup, c’est grâce aux mécènes et certains amis qui nous soutiennent.
C’est la raison pour laquelle on a décidé de suspendre certaines de nos activités jusqu’à nouvel ordre ou du moins jusqu’à ce que les conditions soient réunies.

Nous envisageons d’organiser une rencontre sur le parcours et l’œuvre de Cherif Kheddam. En attendant des jours meilleurs, je compte publier les actes du café littéraire et philosophique d’ici le mois de juin 2023 et me consacrer aux deux films documentaires qui sont en cours de réalisation.

Je souhaite vivement organiser deux rencontres hommages respectivement à Si Abderahmane Arab, un illustre intellectuel et  Said Zanoun, homme de radio. Je profite de l’occasion pour solliciter les éventuels sponsors et toutes celles ceux qui aiment les arts et la culture. Leur soutien permettra de pérenniser nos événements. Je profite également de l’occasion pour remercier vivement mon cousin Khaled Belkhodja et l’école Jura School qui me sont d’un grand soutien financier et moral…

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