Amel Bouchareb. Romancière et traductrice : «Mes livres doivent faire l’objet d’une première publication en Algérie»

09/04/2022 mis à jour: 03:31
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Amel Bouchareb

La romancière et traductrice Amel Bouchareb est une jeune brillante plume. Rencontrée dernièrement, lors de la tenue du 25e Salon international du livre d’Alger, elle revient entre autres sur la traduction en langue italienne de son premier roman Sakarat Nedjma et sur le lien qui la relie à ses lecteurs.

  • Votre premier roman en langue arabe Sakarat Nedjma  est une œuvre purement algérienne qui traite de plusieurs thèmes avec un questionnement en filigrane qu’est devenu Nedjma après l’indépendance ?

Sakaret Nedjma  est le premier roman de la trilogie paru en langue arabe en 2015 aux éditions Chiheb. On retrouve aussi  Fi el badê kanat al-kalima (au commencement était le mot) et  Thabet edholma (2018), parus tous deux chez le même éditeur. 

Sakaret Nedjma est une trilogie qui traite des questions qui sont en relation avec la vie populaire des Algériens. A mon sens, la littérature n’est pas uniquement une expression d’élites mais beaucoup plus. Il faut qu’on sache exprimer surtout les obsessions et les préoccupations des Algériens communs.

Dans ma trilogie, je traite de plusieurs thèmes. A titre d’exemple, j’évoque la théorie du complot. 
Cette dernière est très présente dans l’esprit non seulement en Algérie, mais c’est dans l’imaginaire populaire. Lorsqu’on parle, par exemple, aussi de la magie noire. Pourquoi j’insiste dans le faux dans tout ce qui est humain parce que je crois que l’être humain, c’est quelqu’un qui est censé faire des fautes. La littérature doit se concentrer beaucoup plus sur ce côté parce que c’est ce qui fait de nous un être humain.

Dans mon premier roman j’aborde la question de l’art avec les mystères de la mort suspecte de l’artiste peintre d’Ilias Madi, élevé en Italie, qui décide de revenir au pays natal pour rechercher l’inspiration du moment.

Dans le second j’évoque la science fiction et dans le troisième je traite de la relation entre la communauté chrétienne en Algérie. Par exemple, l’héritage chrétien algérien et aussi la culture musulmane. 

  • L’intrigue reste importante dans vos thrillers ?

Mais bien sûr que l’intrigue est importante. C’est pour cela que j’ai choisi le thriller. Je pense que c’est important aussi de parler avec tout ce qui est humain. On aime créer la curiosité. Je pense qu’il ne faut pas toujours créer des narrations linéaires. C’est très important d’enrichir des textes afin d’être à la hauteur. 

  • Votre œuvre Sakarat Nedjma  a fait l’objet d’une parution en Italie, de la traduction italienne avec un changement de titre ?

Ma traductrice Jolanda Guardi et moi avons opté pour changer le titre. Il n’est pas toujours facile de pouvoir traduire les nuances. Le titre de mon livre  Sakarat Nedjma  renvoie au livre de Kateb Yacine en Algérie. 

En revanche, même si Nedjma est un texte de référence en Algérie, il n’évoque rien malheureusement dans l’imaginaire italien. C’est pour cela que nous avons choisi de changer le titre  Le blanc et le noir. Le blanc, c’est la blancheur d’Alger et le noir, c’est un peu l’idée de la magie noire et de la sorcellerie.

  • Pourquoi avez-vous choisi d’avoir une traductrice italienne, alors que vous maîtrisez parfaitement la langue italienne  ?

Traduire, c’est une réécriture. On va trahir notre texte. On va réécrire le texte. J’ai tenté l’expérience avec une de mes nouvelles qui a gagné le prix du Feliv en 2008 en Algérie. Je l’ai traduite moi-même en italien. Je me suis rendu compte que j’ai réécrit la nouvelle. C’est pour cela quand la traductrice italienne Jolanda Guardi m’a proposé de traduire le livre, j’étais très contente. Si je venais à le faire, c’est serait une réécriture et non une traduction.

  • Vous vous faites un honneur que de publier vos œuvres d’abord en Algérie ?

Je suis installée en Italie depuis 2014. Mon premier livre a été publié en 2014 en Algérie. J’ai continué d’écrire et d’avoir des propositions. Sans prétention aucune, j’ai d’ailleurs eu des propositions de publications par de prestigieuses maisons d’édition au Moyen-Orient, surtout en Egypte et au Liban, mais j’ai toujours refusé. 
Je voulais publier en Algérie car pour moi les thèmes que j’écris sont des protagonistes algériens. Alors pourquoi publier dans d’autres pays que le mien ? Pour moi, c’est important d’être la plus proche du lecteur algérien.

  • Justement, votre écriture vous permet non seulement d’entretenir un lien avec vos lecteurs algériens mais également avec tous les citoyens du monde  ? 
     

Je pense que la plume poétique crée une certaine sympathie entre le lecteur et l’auteur, tandis que le thriller forme un lien plus fort. J’ai un penchant pour le thriller car il est un lien unique avec le lecteur. On n’écrit pas un roman pour nous-mêmes ou pour exprimer nos réflexions. L’idée littéraire se doit de s’adresser à l’ensemble des mortels. Le processus narratif doit être basé sur de profondes recherches : manière singulière de permettre à chaque citoyen du monde de s’identifier dans l’histoire. Les humains ont les mêmes intérêts, sentiments, rêves et espoirs.

  • L’aspect de la recherche documentaire est important pour vous avant tout exercice d’écriture ?

Tout dépend du thème choisi. J’avouerai que mon deuxième a été des plus difficiles, car le sujet traitait de la science-fiction. J’aurais dû faire des recherches scientifiques . Je me suis fait aider par le scientifique Gianluca Ferro, pour me seconder à comprendre l’obscur. Il faut être sincère avec le lecteur. Il ne faut pas écrire une histoire bâclée mais beaucoup plus montrer le sérieux dans cet acte d’écriture.

Propos recueillis par Nacima Chabani 

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