A Téhéran, l’ayatollah Ali Khamenei, dans une rare prise de parole, s’est adressé hier à une foule de partisans, en appelant le monde
musulman à s’unir contre ses «ennemis». Le guide suprême d’Iran a promis que les alliés de l’Iran «ne reculeront pas».
La région du Levant s’enfonce chaque jour davantage dans une guerre atroce et meurtrière. En l’espace de 24 heures, Israël a intensifié ses frappes aériennes contre le Liban, menant ce que certains décrivent comme les attaques les plus violentes sur Beyrouth depuis le début des hostilités. Tandis que les bombes israéliennes pleuvent sur la capitale libanaise et les régions frontalières avec la Syrie, le nombre de victimes ne cesse de croître.
Les autorités libanaises font état de dizaines de morts à travers le pays, et des milliers de personnes supplémentaires fuient les zones touchées. Sur un autre front, la Cisjordanie occupée est elle aussi au cœur d’une escalade sans précédent. Au camp de réfugiés de Tulkarem, une frappe israélienne menée jeudi par un avion de chasse a tué au moins 18 Palestiniens, et le bilan pourrait s’alourdir dans les heures à venir. Cette attaque aérienne, une première en Cisjordanie depuis la seconde Intifadha, marque un tournant dans les opérations militaires d’Israël, qui semble décidé à élargir son champ d’action après avoir réduit Ghaza en un tas de cendres et de ruines.
A Téhéran, l’ayatollah Ali Khamenei, dans une rare prise de parole, s’est adressé hier à une foule de partisans, en appelant le monde musulman à s’unir contre ses «ennemis». Le guide suprême d’Iran a promis que les alliés de l’Iran «ne reculeront pas» malgré la vague d’assassinats par Israël contre des dirigeants pro-iraniens du Hamas palestinien et du Hezbollah. Il a averti qu’Israël n’en avait «plus pour longtemps» et jugé «légitime» l’attaque iranienne de mardi contre Israël, tout comme celle du Hamas le 7 octobre 2023.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a lui-même effectué une visite officielle à Beyrouth, réitérant que «l’Iran se tiendra toujours aux côtés du peuple libanais». Il a également appelé les gouvernements voisins à se montrer solidaires face aux attaques israéliennes, rappelant l’importance de la «résistance face à l’agression israélienne». «Nous soutenons les efforts pour un cessez-le-feu, à condition que, premièrement, les droits du peuple libanais soient respectés, et qu’il soit accepté par la résistance», a annoncé le ministre des Affaires étrangères iranien, Abbas Araghchi, lors d’une conférence de presse à Beyrouth, en référence au Hezbollah. «Deuxièmement, il doit commencer simultanément avec un cessez-le-feu à Ghaza.»
2000 morts au Liban dont 127 enfants
Depuis le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hezbollah en octobre 2023, les autorités libanaises estiment que près de 2000 personnes ont été tuées, dont 127 enfants, et plus de 1,2 million de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers. Les frappes israéliennes ciblent principalement la banlieue sud de Beyrouth ainsi que dans les régions de l’est et du sud du Liban, où la communauté chiite est particulièrement touchée. «Ce sont les civils qui portent le fardeau le plus lourd de cette tragédie», déplore le coordinateur des opérations humanitaires des Nations unies, soulignant l’ampleur des souffrances infligées à la population.
Hier, l’armée d’occupation israélienne a revendiqué la destruction d’un tunnel de 3,5 kilomètres utilisé, selon elle, par le Hezbollah pour transférer des armes. Ce tunnel aurait été localisé grâce à des renseignements «précis», permettant à Israël de cibler des bâtiments militaires, des dépôts d’armes et d’autres infrastructures jugées essentielles par le mouvement chiite libanais. «Des sites d’infrastructure adjacents au poste-frontière de Masnaa, entre la Syrie et le Liban, ont été frappés la nuit dernière», a confirmé l’armée israélienne hier à la mi-journée dans un communiqué. Un raid qui a entraîné la coupure de la route internationale entre les deux pays, empruntée ces derniers jours par des centaines de milliers de réfugiés pour fuir les bombardements d’Israël.
Le ministre des Transports libanais, Ali Hamié, avait assuré que «tous les postes-frontières, dont celui de Masnaa, sont surveillés par les institutions publiques, notamment le ministère des Transports, les autorités douanières, la Direction générale de la sécurité et l’armée libanaise». Cette frappe, qui a touché un axe vital pour les déplacés, accentue encore la crise humanitaire au Liban, où la population est prise au piège entre les frappes israéliennes. L’ampleur de ces frappes a provoqué une réaction immédiate des forces de maintien de la paix de l’ONU, stationnées au sud du Liban.
La Finul, la force onusienne présente dans la région, a confirmé que l’armée d’occupation israélienne leur avait demandé d’évacuer certaines de leurs positions proches de la frontière, laissant présager une possible intensification des opérations terrestres israéliennes. Malgré cette demande, les responsables de la Finul ont déclaré qu’ils ne se retireraient pas pour le moment, mais qu’ils continueraient à «surveiller la situation sécuritaire». Cette tension croissante entre Israël et les troupes de l’ONU souligne la fragilité de l’équilibre dans cette région, où chaque acte militaire pourrait déclencher une guerre de plus grande ampleur.
La catastrophe humanitaire s’étend
La catastrophe humanitaire s’étend au Liban. Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), près d’un million de personnes ont été déplacées dans le pays depuis le début des hostilités israéliennes, un chiffre en constante augmentation. Cette situation affecte également les travailleurs étrangers présents au Liban, qui ne bénéficient d’aucun soutien de la part des autorités locales en temps de guerre, malgré le fait que nombre d’entre eux sont nés et ont grandi sur place.
Les structures médicales sont, elles aussi, sous le feu. A Marjayoun, quatre travailleurs de la santé ont été tués par une frappe de drone israélien à proximité de l’hôpital gouvernemental, forçant l’évacuation immédiate de l’établissement. Le directeur de l’hôpital, Mounes Klakesh, a déclaré que les opérations étaient suspendues jusqu’à nouvel ordre, alors que le personnel médical tente de trouver un refuge sécurisé dans un contexte où même les hôpitaux ne sont plus considérés comme des sanctuaires.
Un avion affrété par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) transportant trente tonnes d’aide médicale s’est posé hier à Beyrouth, première aide de l’ONU depuis le début des bombardements intensifs israéliens au Liban, le 23 septembre. Le ministre libanais de la Santé, Firas Abiad, était présent à l’aéroport pour recevoir l’aide. Celle-ci est «cruciale pour soutenir les hôpitaux» libanais où affluent les blessés, a-t-il déclaré.
En tout et pour tout, au moins 1110 personnes ont été tuées depuis le 23 septembre au Liban, date du début de l’intensification des raids israéliens, selon un bilan de l’AFP. Pendant ce temps, la situation à Ghaza continue de se dégrader. Les attaques israéliennes se sont poursuivies hier, notamment dans la ville de Deir Al-Balah, dans le centre, où le bombardement d’une maison a tué au moins trois personnes et blessé plusieurs autres, selon des sources médicales citées par l’agence de presse palestinienne Wafa. L’armée d’occupation israélienne a également visé le camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la bande de Ghaza, provoquant des incendies, tandis que des frappes ont visé plusieurs sites de Khan Younès, dans le sud, «faisant de nouvelles victimes et de nouveaux blessés», rapporte Wafa.
Selon le ministère de la Santé de l’enclave palestinienne, au moins 41 802 personnes ont perdu la vie à Ghaza (un chiffre bien en deçà de la réalité) depuis le début de l’offensive israélienne le 7 octobre, et près de 100 000 ont été blessées. Le blocus israélien et les frappes incessantes rendent l’accès à l’aide humanitaire presque impossible, exacerbant les souffrances des civils pris au piège.
Les infrastructures médicales sont régulièrement visées, et l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, a rapporté la mort de 21 personnes dans des frappes israéliennes sur trois écoles gérées par l’ONU, utilisées comme abris pour les déplacés. Ces attaques, perçues comme des violations flagrantes du droit international humanitaire, ont provoqué une vague de condamnations internationales, mais sans réel impact sur la conduite des opérations militaires israéliennes.
La Cisjordanie sous tension
Jeudi soir, l’Autorité palestinienne a annoncé que 18 personnes avaient été tuées à la suite d’une frappe israélienne sur le camp de réfugiés de Tulkarem, ville du nord de la Cisjordanie. Pour les habitants des camps de réfugiés de la Cisjordanie, comme ceux de Jénine ou de Tulkarem, les raids militaires israéliens sont devenus quotidiens.
Les opérations militaires israéliennes avaient déjà considérablement augmenté avant le 7 octobre, mais l’intensification de la guerre dans la bande de Ghaza et au Liban a détourné l’attention médiatique de ce qui se passe en Cisjordanie, où l’armée d’occupation israélienne a déployé des moyens militaires inédits, notamment des hélicoptères Apache.
Cette escalade, encouragée par des ministres israéliens d’extrême droite, tels que Bezalel Smotrich, vise à éradiquer toute forme de résistance armée dans les territoires occupés. Depuis le début de la guerre le 7 octobre dans la bande de Ghaza, plus de 700 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie par des tirs de soldats ou colons israéliens, selon des données du ministère de la Santé palestinien A cela s’ajoute le fait que la répression israélienne prend des formes de plus en plus dures.
L’utilisation de la détention administrative, qui permet de maintenir en prison des Palestiniens sans procès ni accusations formelles, est de plus en plus courante. Actuellement, près de 3500 Palestiniens sont détenus sous ce régime, dont certains depuis des années. Les tribunaux israéliens, souvent qualifiés de «théâtre» par les défenseurs des droits humains, ne permettent pas aux avocats d’accéder aux preuves présentées contre leurs clients, renforçant un sentiment d’injustice et d’impunité dans les Territoires occupés.
Face à cette situation explosive, les appels à la retenue se multiplient sur la scène internationale. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a rappelé à toutes les parties leurs obligations en vertu du droit humanitaire international, soulignant l’importance de protéger les civils, les infrastructures essentielles et les personnels de santé.
Le CICR a également insisté sur la nécessité de permettre le retour des millions de personnes déplacées et de garantir l’accès humanitaire à ceux qui en ont désespérément besoin. Malgré ces injonctions, la réalité sur le terrain montre peu de signes d’amélioration. Le spectre d’une guerre totale au Proche-Orient se précise, et les populations civiles, de Ghaza à Beyrouth en passant par la Cisjordanie, continuent de payer le prix le plus élevé dans cette escalade de violence.