Alors que l’occupant continue à pilonner Ghaza : Washington, le caire et doha tentent de relancer les négociations

06/07/2024 mis à jour: 17:14
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Photo : D. R.

Les négociations entre Palestiniens et Israéliens ont connu plusieurs épisodes sous la médiation du Qatar, des Etats-Unis et de l’Egypte. Et chaque fois que la conclusion d’un accord semblait acquise, les discussions achoppaient sur des positions irréconciliables. Dernier épisode en date : le plan de cessez-le-feu proposé par Joe Biden qui a été rejeté par le Hamas. La résistance palestinienne exige un cessez-le-feu permanent et un retrait total de l’armée israélienne de Ghaza tandis que Netanyahu ne vise qu’une trêve tactique pour faire libérer les otages. Ce nouveau round de pourparlers connaîtra-t-il le même sort que les précédents ?

Tandis que les forces d’occupation poursuivent leurs raids meurtriers sur plusieurs secteurs de la bande de Ghaza, Israël a dépêché le chef du Mossad au Qatar en vue de nouvelles négociations autour d’un cessez-le-feu. C’est ce qu’a rapporté ce vendredi la presse occidentale en précisant que «le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a ordonné jeudi au chef du Mossad, David Barnea, de se rendre au Qatar après l’annonce par le Hamas de nouvelles ''idées'' pour mettre fin à la guerre dans le territoire palestinien».

Et d’ajouter : «Le chef des services extérieurs israéliens est attendu vendredi à Doha pour y rencontrer Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani, le Premier ministre du Qatar, selon une source proche des négociations. La date de cette rencontre n’est pas connue.» Jeudi, Netanyahu a informé le président américain, Joe Biden, «de sa décision de dépêcher une délégation pour poursuivre les négociations en vue de la libération des otages», a indiqué le bureau du Premier ministre israélien cité par l’AFP.

Netanyahu a fait part de sa détermination «à mettre un terme à la guerre seulement si tous ses objectifs sont remplis». Joe Biden s’est félicité de la décision israélienne, lui qui, rappelle-t-on, avait proposé un plan de cessez-le-feu le 31 mai qui a été jugé insuffisant par le Hamas. Depuis, il semblerait que les choses aient quelque peu évolué.

Mercredi, le mouvement de résistance palestinien «a affirmé avoir envoyé aux médiateurs de nouvelles ''idées'' pour mettre fin à la guerre» et dit «avoir évoqué ce sujet avec des responsables du Qatar et d'Egypte, et eu des contacts avec la Turquie», écrit l’AFP avant de poursuivre : «Israël a confirmé ''évaluer'' des ''commentaires'' du Hamas sur un accord visant à une libération des otages retenus à Ghaza, et avoir l’intention de répondre aux médiateurs.»

Le Hamas intransigeant sur l’administration de Ghaza

Un haut responsable américain a estimé que les derniers éléments proposés par le parti d’Ismaïl Haniyeh «pourraient fournir la base nécessaire pour conclure un accord». Toutefois, «il reste beaucoup à faire sur certaines étapes de mise en œuvre», a-t-il tempéré en prévenant que sceller un accord sera «difficile».

L’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, a assuré de son côté hier : «Nous œuvrons pour parvenir à un cessez-le-feu à Ghaza en essayant de trouver une solution qui garantisse l’arrêt des combats et la libération des otages.»

Par ailleurs, Al Jazeera s’est fait l’écho de cette déclaration du Hamas qui a rappelé avec fermeté sa position concernant l’administration de la bande de Ghaza après le cessez-le-feu : «Nous affirmons notre rejet de tout plan ou projet visant à outrepasser la volonté palestinienne concernant l’avenir de la bande de Ghaza.

Nous affirmons notre rejet de toute déclaration ou position soutenant les projets d’entrée de forces étrangères dans la bande de Ghaza sous quelque nom ou justification que ce soit.»

Et la formation palestinienne de marteler : «L’administration de la bande de Ghaza après la défaite de l’agression fasciste est une question purement palestinienne sur laquelle notre peuple, toutes confessions confondues, est d’accord.» «Le peuple palestinien ne permettra aucune tutelle ni n’admettra qu’on lui impose des solutions extérieures qui porteraient atteinte à ses constantes immuables.»

La chaîne qatarie a relayé en outre ces propos d’un responsable au sein de l’armée sioniste qui a déclaré à la Chaîne 14 israélienne hier : «Le commandement de l’armée est prêt à accepter n’importe quel accord avec le Hamas, à n’importe quel prix. Le plus important est d’arrêter la guerre.»

Il convient de rappeler que les négociations entre Palestiniens et Israéliens ont connu plusieurs épisodes sous la médiation du Qatar, des Etats-Unis et de l’Egypte. Chaque fois que la conclusion d’un accord semblait imminente, les discussions achoppaient sur des positions irréconciliables.

Dernier épisode en date : le plan de cessez-le-feu de Joe Biden qui, après avoir suscité quelques espoirs, a fini par être rejeté par le Hamas. «La vérité, c’est qu’il n’y a aucune nouvelle proposition présentée au Hamas», avait répondu à l’AFP Oussama Hamdan, un haut responsable du parti, basé à Beyrouth, le 6 juin dernier.

Il insiste : «Il n’y a pas de proposition, ce ne sont que des mots prononcés par Biden dans un discours. Jusqu’ici, les Américains n’ont présenté aucun document qui les engage à respecter ce que Biden a dit dans son discours.»

Oussama Hamdan avait ensuite réitéré les conditions exprimées par le Hamas, et sur lesquelles le mouvement de résistance palestinien se montre intransigeant, à savoir un cessez-le-feu permanent et le retrait complet de l’armée sioniste de la bande de Ghaza.

Raids meurtriers à Ghaza-ville, Rafah et Jabaliya

Ces nouveaux développements surviennent alors que l’armée israélienne a émis lundi dernier un nouvel ordre d’évacuation qui a obligé plus d’un quart de million de Palestiniens à quitter Khan Younès dans la terreur. Au cours de la journée d’hier, qui marquait le 273e jour de la guerre contre Ghaza, de nouvelles attaques israéliennes ont continué à semer sauvagement la mort dans l’enclave assiégée.

Selon l’agence d’information palestinienne Wafa, les équipes de secours ont retiré les corps de quatre personnes des décombres ainsi que de nombreux blessés suite à un bombardement aérien qui a ciblé Haï Darj, à l’est de la ville de Ghaza. Dans la même zone, du côté d’Al Shoujaïya, quartier qui subit un déluge de feu depuis plus d’une semaine, des unités d’artillerie ont pilonné plusieurs positions au milieu des sites d’habitation.

Par ailleurs, 5 autres corps sans vie ont été retirés des décombres après le bombardement d’une maison à Jabaliya, au nord. Les victimes faisaient toutes partie de la même famille. Il s’agit du chahid Bassam Khodhr, son épouse et leurs trois enfants, précise l’agence Wafa. A Jabaliya toujours, le Croissant-Rouge palestinien a indiqué hier que ses équipes de secours ont évacué un mort et trois blessés vers l’hôpital Kamal Adwan.

Ils ont été touchés par des tirs de drone. Selon la même source, un homme a été tué et son épouse grièvement blessée suite à un raid qui a ciblé leur maison située à Beni Sahila, à l’est de Khan Younès. Le Croissant-Rouge ajoute qu’un autre civil est tombé en martyr lors d’un autre raid à la rue Salah Eddine, à l’est de la ville de Rafah.

L’UE «vivement préoccupée»

L’Union européenne s’est dite «vivement préoccupée» par les ordres d’évacuation de l’armée israélienne concernant la région de Khan Younès. Dans une déclaration commune rendue publique hier par Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, et de Janez Lenarcic, commissaire chargé de la gestion des crises, les deux responsables ont exprimé leurs inquiétudes quant au sort des 250 000 personnes victimes une nouvelle fois de déplacement forcé.

«Les évacuations forcées créent une crise humanitaire imbriquée dans la crise. Elles aggravent une situation humanitaire déjà catastrophique, où l’on dénombre près de 1,9 million de Ghazaouis déplacés à l'intérieur de la bande de Ghaza. Il n’y a pas d’installations pour héberger la population, et les organisations humanitaires partenaires peinent à répondre aux besoins immenses des personnes nouvellement déplacées», déplorent MM.

Borrell et Lenarcic. «Pour que ces évacuations ne constituent pas des transferts forcés interdits, elles doivent se faire dans le respect du droit humanitaire international, en garantissant aux Palestiniens appelés à évacuer, un passage en toute sécurité et un hébergement adéquat dans les zones de refuge», plaident-ils. L’UE exhorte par ailleurs Israël à «veiller à ce que les personnes déplacées puissent retourner chez elles, ou dans leurs zones de résidence habituelle, une fois les hostilités terminées».

«Il est à présent d’autant plus important de parvenir à un cessez-le-feu, qui permettrait une augmentation de l’aide humanitaire à Ghaza et la libération de tous les otages», soulignent les deux responsables. L’Union européenne a tenu à rappeler, pour finir, «l’obligation de respecter et de mettre en œuvre les ordonnances de la Cour internationale de justice des 26 janvier et 24 mai 2024, qui sont juridiquement contraignantes».

90% de la population de Ghaza a été déplacée

Environ 90% de la population de la bande de Ghaza a été déplacée au moins une fois depuis le début de l’agression sioniste contre cette enclave palestinienne, selon l’agence humanitaire des Nations unies OCHA. «Nous estimons que neuf personnes sur dix dans la bande de Ghaza ont été déplacées à l’intérieur de leur propre pays au moins une fois, voire jusqu’à dix fois, malheureusement, depuis le mois d’octobre», a déclaré à la presse le chef de cette agence des Nations unies dans les Territoires palestiniens, Andrea De Domenico.

Auparavant, l’agence avait estimé le nombre de personnes déplacées à 1,7 million, mais «depuis ce chiffre, nous avons eu l’opération à Rafah, et nous avons eu des déplacements supplémentaires à partir de Rafah», a-t-il ajouté pour expliquer l’augmentation du nombre de personnes déplacées.

Selon ce responsable onusien, les opérations militaires de grande ampleur menées à Ghaza par l’armée d’occupation sioniste avaient «forcé les gens à réinventer leur vie, encore et encore». «Derrière ces chiffres, il y a des gens (...) qui ont des craintes et des griefs. Et ils avaient probablement des rêves et des espoirs, de moins en moins, je le crains aujourd’hui, malheureusement», a-t-il poursuivi, regrettant que «ces personnes, au cours des neuf derniers mois, aient été déplacés comme des pions dans un jeu de société».

Relevant que la bande de Ghaza avait été coupée en deux par les opérations militaires de l’entité sioniste, De Domenico estime que 300 000 à 350 000 personnes vivant dans le nord du territoire assiégé étaient dans l’impossibilité de se rendre dans le Sud. Il a précisé, à ce titre, que depuis le début de la guerre, environ 110 000 personnes avaient réussi à quitter la bande de Ghaza avant la fermeture du point de passage de Rafah vers l’Egypte au début du mois de mai.

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