Les indicateurs concernant la production céréalière française pour la saison qui s’achève sont au rouge. Les analystes du marché parlent d’une chute spectaculaire des rendements. La récolte de blé tendre 2024 s’annonce d’ailleurs comme «l'une des plus faibles des 40 dernières années».
C’est ce qu’indique Agreste, le service statistique du ministère français de l’Agriculture, dans son rapport mensuel. Ce service estime la production à 26,3 millions de tonnes, en baisse de 23,9% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Le rendement moyen est révisé à la baisse, par rapport au mois dernier, à 62,4 q/ha. Plus tôt dans la semaine, Argus Media avait également livré ses estimations d’après un récent sondage de terrain. Le groupe spécialiste des marchés agricoles table sur un rendement moyen de blé tendre à 59,83 q/ha, et une production à 25,17 Mt pour la récolte 2024. Argus Media prévoit en effet la pire moisson depuis 41 ans. Selon la même source, la production de blé tendre devrait chuter cette année à 25,17 millions de tonnes, ce qui correspondrait à la pire récolte depuis 1983.
S’appuyant sur un sondage de terrain réalisé du 1er au 5 août 2024, le groupe estime en effet la récolte française de blé tendre à 25,17 Mt pour 2024, en recul de -27,2% par rapport à la moyenne des cinq dernières années (34,58 Mt). Si ces rendements restent supérieurs à ceux, catastrophiques, de l’année 2016 (53,74 quintaux/hectare), «la production de blé est encore plus faible cette année qu’en 2016. Cette saison, l’excès de précipitations a commencé dès l’automne empêchant la bonne réalisation des semis. Les surfaces ont perdu 10,5% sur un an pour tomber à 4,243 millions d’hectares. Il a manqué 900 000 ha par rapport à 2016, d’où une récolte encore plus mauvaise !» rappelle Gautier Le Molgat, directeur d’Argus Media France. En effet, les pluies tombées abondamment depuis l’automne dernier sur de larges pans du territoire ont d’une part empêché la bonne réalisation des semis et des autres travaux : les surfaces consacrées au blé tendre ont reculé de près de 11% sur un an. Puis l’excès d’eau et le manque d’ensoleillement ont plombé les rendements.
Les conditions climatiques défavorables ont également pesé sur la qualité du blé français. Avec ces résultats, il faudrait s’attendre à une baisse des exportations françaises de blé et à ce que les pays habitués à s’approvisionner en blé français se tournent vers d’autres marchés. C’est le cas notamment de l’Algérie, où la production s’annonce en hausse cette année par rapport à 2022/2023 puisque les premiers chiffres d’avant la clôture de la campagne (le 15 août) font état d’une production provisoire de 22 millions de tonnes.
Il faut dire que l’Algérie a déjà adopté une stratégie de diversification de ses fournisseurs en blé tendre en optant pour le blé russe, entre autres. Les exportations françaises de céréales, notamment le blé, vers l’Algérie, ont fortement baissé durant l’année dernière, concurrencées par les céréales en provenance de la mer Noire, en particulier par le blé russe, qui a gagné d’importantes parts de marché sur le marché algérien ces dernières années.
L’Algérie diversifie ses partenaires
Ainsi, «les exportations françaises de céréales vers l’Algérie ont chuté de 80% et leur valeur est passée de 834 millions d’euros en 2022 à 166 millions d’euros en 2023», selon les données des Douanes françaises (mars 2024), contenues dans La Lettre économique d’Algérie, une publication de la Direction générale du Trésor français.
En janvier dernier, FranceAgriMer avait de son côté indiqué que l’Algérie était le deuxième débouché pour le blé français durant la première moitié de la campagne commerciale 2022/2023 (juillet-décembre).
Durant cette période, l’Algérie a acheté, pour rappel, 1,497 million de tonnes de blé français, soit une hausse de 30% d’une année à une autre. Ce qui n’a pas toutefois permis à la France de reprendre sa première place de fournisseur de blé à l’Algérie. Et ce, avec l’entrée sur le marché des blés de la mer Noire, russes en particulier, à la suite d’une modification fin 2021 du cadre normatif et technique régissant les importations assurées par l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC).
En effet, dans le but de diversifier ses fournisseurs de blé, l’Algérie avait modifié en 2020 son cahier des charges. Ce qui a permis au blé russe d’entrer sur le marché algérien à partir de l’année 2021. Comme résultat, l’Algérie avait presque quadruplé ses achats de blé russe avec 1,3 million de tonnes en 2022, contre 330 000 tonnes en 2021, selon les données du centre des exportations du ministère russe de l’Agriculture. Aussi, entre juillet 2023 et janvier 2024, la Russie a exporté 1,6 million de tonnes de blé vers l’Algérie entre juillet 2023 et janvier 2024, marquant une augmentation de 20% par rapport à la même période de l’année précédente, où 1,33 million de tonnes avaient été expédiées.
Au cours des six premiers mois de la campagne de commercialisation 2023/2024, la Russie s’est hissée au rang de premier fournisseur de blé pour l’Algérie, dépassant même les pays de l’Union européenne (UE), dont la France, a par ailleurs relevé le département d’analyse du marché agricole de Rusagrotrans, le principal transitaire agricole russe, en février dernier.
Ce sont autant de chiffres qui montrent que l’Algérie ne risque pas d'être affectée par la baisse de la production céréalière française, sauf en cas de hausse des cours sur le marché international. Et ce, même si, selon les dernières prévisions du département américain de l’Agriculture (USDA), l’Algérie devrait augmenter ses achats de blé sur le marché international de 7,4% à 8,7 millions de tonnes au cours de la campagne 2023/2024 pour combler son déficit de production.