L'Allemagne a célébré hier la chute du mur de Berlin tombé il y a 35 ans. Un événement historique, intervenu le 9 novembre 1989 qui marque un tournant important dans les relations Est-Ouest et la géopolitique mondiale.
Ce fut «un jour heureux» qui nous rappelle aussi que «la liberté et la démocratie n'ont jamais été des évidences», a déclaré le maire conservateur de Berlin, Kai Wegner, lors d'une cérémonie à laquelle a assisté aussi le chef de l'Etat, Frank-Walter Steinmeier, selon des propos recueillis par l’AFP.
La commémoration intervient alors que la coalition d'Olaf Scholz a volé en éclats, après le limogeage, mercredi soir, du ministre des Finances libéral, plongeant la première économie européenne dans une période d'incertitude. Les élections organisées en septembre dans trois régions de l'ex-RDA ont mis en évidence les divisions politiques persistantes entre l'Est et l'Ouest de l'Allemagne.
L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), parti d'extrême droite, a engrangé des résultats historiquement élevés, tandis qu'un nouveau groupe d'extrême gauche a fait une percée.
Le mur de Berlin est érigé en août 1961 sur une longueur de 155 km autour de Berlin-Ouest afin de mettre un terme à l'exode croissant des habitants de la République démocratique allemande (RDA). Au moins 140 personnes ont trouvé la mort en essayant de le franchir.
La chute de ce mur, symbole de la guerre froide et de la division entre le bloc occidental et le bloc soviétique, a ouvert la voie à l'effondrement du bloc de Varsovie et à la réunification de l'Allemagne le 3 octobre 1990.
En contrepartie à la dissolution du bloc Est, le dernier dirigeant de l’Union soviétique, Michaïl Gorbatchev, s’attend à des compensations de la part de l’Occident, notamment, le fait de ne pas élargir l’espace de l’Otan aux frontières de son pays. A Moscou, le 9 février 1990, le secrétaire d’Etat américain, James Baker, a promis à Gorbatchev que «la juridiction militaire actuelle» de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) «ne s’étendra pas d’un pouce vers l’Est». Le lendemain, en visite à Moscou, le chancelier Helmut Kohl a tenu des propos rassurants : «Nous pensons que l’Otan ne devrait pas élargir sa portée. Nous devons trouver une résolution raisonnable. Je comprends bien les intérêts de l’Union soviétique en matière de sécurité.»
L’illusion de la «maison commune»
Le 25 mai de la même année, à Moscou, le président français, François Mitterrand, a affirmé à son homologue soviétique qu’il est «favorable au démantèlement progressif des blocs militaires (…) La sécurité européenne est impossible sans l’URSS. Non parce que l’URSS serait un adversaire doté d’une armée puissante, mais parce que c’est notre partenaire».
Début 1991, les premières demandes d’adhésion à l’Otan arrivent de Hongrie, de Tchécoslovaquie, de Pologne et de Roumanie. Une délégation du Parlement russe rencontre en juillet le secrétaire général de l’Otan, Manfred Wörner. Il lui affirme que treize membres du conseil de l’Otan sur seize se prononcent contre un élargissement et ajoute : «Nous ne devrions pas permettre l’isolement de l’URSS.» Mais Gorbatchev finit par éprouver de la désillusion quand, déstabilisé par la crise économique, il se rend auprès des dirigeants occidentaux réunis à Londres du 15 au 17 juillet 1991 (G7) et sollicite en vain le soutien financier de ses partenaires occidentaux.
Le 19 août 1991, pendant que Gorbatchev prend du repos en Crimée, il y a un coup d’Etat au Kremlin. Il échoue au bout de trois jours. Il démissionne le 25 décembre, marquant ainsi l’effondrement de l’Union soviétique. L’Otan intègre successivement les anciennes démocraties populaires, plus les ex-Républiques soviétiques baltes. Même option prônée par l’Union européenne (UE), mettant alors fin à l’initiative de «la maison commune européenne», lancée par Gorbatchev en automne 1985 à Paris.
En 2000, Vladimir Poutine succède au président Boris Eltsine. En février 2007, à Munich, il dénonce l’unilatéralisme américain : «On veut nous infliger de nouvelles lignes de démarcation et de nouveaux murs.» En 2008, Moscou lance ses troupes pour bloquer l’offensive militaire de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud, et contrecarrer ainsi une nouvelle extension de l’Otan dans le Caucase.
Dans son discours justifiant l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, le 18 mars 2014, le président Vladimir Poutine critique les dirigeants occidentaux. «Ils nous ont menti à plusieurs reprises, ils ont pris des décisions dans notre dos, ils nous ont mis devant le fait accompli. Cela s’est produit avec l’expansion de l’Otan vers l’Est, ainsi qu’avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières», a-t-il affirmé.
Ainsi, 35 ans après la chute du mur de Berlin, les relations entre Moscou et l’Occident, notamment Washington et l’Allemagne, se sont dégradées : les Etats-Unis se sont retirés du traité antimissile balistique (ABM) et du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI). Le 24 février 2022, les troupes russes interviennent en Ukraine, ouvrant un nouveau conflit entre Moscou et les Occidentaux.