Aïn Témouchent : «La littérature féminine à l’ère du numérique»

12/03/2022 mis à jour: 00:20
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De prime abord, l’intitulé de la deuxième édition de la rencontre nationale consacrée à la littérature féminine, a semblé pour le moins fantaisiste. Néanmoins dès l’entame de la manifestation, Abdelali Koudid, le directeur de la culture, et Ahmed Mékaoui, le directeur de la maison de la culture, lèvent toute équivoque en exposant les tenants de la problématique. 

Les axes de réflexion soumis aux conférenciers ont ainsi été rappelés à l’assistance composée d’autrices, d’auteurs et universitaires venus de plusieurs wilayas, invités dans le cadre de la célébration du 8 mars : «N’est-on pas à l’ère du numérique et de son indéniable impact sur notre mode vie ? Le numérique en littérature est-il encore un choix ? 

L’édition numérique n’est-elle pas déjà une réalité même si en notre pays, on en est toujours à la seule édition sur support papier ? Quel avenir pour cette dernière ? Enfin, le livre numérique, se réduit-il à une simple dématérialisation du livre ?» De toutes les interventions, celle de Behilil Fadila, par sa pertinence, a été au plus près du sujet, synthétisant ce qu’ont abordé les autres communications et les échanges lors des débats. 

L’intervenante pose d’emblée la question de la validité de la qualité féminine d’une littérature : «Cela tiendrait-il au sexe de l’auteur et alors on pourrait parler par opposition de littérature masculine ? Y a-t-il une différence entre l’écriture d’une femme et celle d’un homme ? Il est vrai qu’en général, dans ses débuts dans l’écriture, la femme écrit à partir d’elle-même mais alors comment qualifierait-on une littérature féministe dont les auteurs sont des hommes ?»

 Puis, passant au vif du sujet, sa communication étant intitulée «Rôle du numérique dans la promotion de la littérature féminine», elle affirme qu’il lui a ouvert un espace de liberté pour s’exprimer : «Je note, et ce n’est pas anodin, que quand elle l’investit, c’est au départ sous un nom d’emprunt.»

 Puis, se référant à sa propre expérience, elle explique : «J’ai dévoilé mon identité en 2011 suite à l’édition de mon premier texte, et donc après quatre années d’anonymat. Durant cette période, grâce au feed-back que suscitaient mes textes sur les réseaux sociaux, j’ai testé la réception de mes écrits. C’est ce qui m’a permis de gagner de la confiance en moi et de me soustraire du ‘jilbab’ de la coutume et de la tradition dont la femme est l’otage.

 Dans ses écrits, une femme se livre malgré elle, ce qui n’est pas sans risque d’autant que le lecteur a tendance à y lire le vécu de l’autrice et non de la fiction. Grâce à l’outil informatique, l’autrice met en échec la misogyne exhortation d’égorger une femme qui se prendrait de l’envie de coqueliner tel un coq. Avec les réseaux sociaux, la femme conquiert les mêmes droits que l’homme dans le domaine de l’écriture. Ils lui permettent de se jouer de la géographie et de nombre de contraintes qui tiennent à son statut et au rôle qu’elle occupe dans sa vie de famille. Je ne pouvais toujours être disponible pour un colloque en tant qu’universitaire, maintenant, c’est possible grâce aux rencontres partiellement virtuelles pour ceux qui ne peuvent l’être en présentiel.»

 Enfin, revenant à l’esprit du 8 mars, elle donne lecture d’un de ses textes paru dans un de ses recueils. Intitulé article 64, ce poignant récit met en relief la cruauté dans les dispositions de cet article du code de la famille relativement à l’octroi de la garde de l’enfant après un divorce. Lors du débat, une question centrale a été soulevée, celle de l’édition numérique qui connaît un retard abyssal en Algérie. Elle est apparue dans le monde arabe en 2001 et en Occident en 1986. Cette question rend abstraite celle de débattre de la littérature numérique féminine. 

En fait, la littérature algérienne de langue française, féminine et masculine, elle s’édite à l’étranger et existe en force en numérique. Le deuxième axe de la rencontre littéraire a fait une large part à une okadia (poésiade), intercalée par intermittence avec les communications. Elle a eu en particulier à mettre en exergue le fait que religion musulmane ou autres, comme en témoigne Le cantiques des cantiques, n’est pas forcément synonyme de componction et de pruderie. Ainsi, la poétesse et chercheuse Zineb Sekkal a décoiffé l’assistance en dévoilant que le mystique Sidi Boumediène, le saint patron de Tlemcen, n’était pas un prude soufi, un «derouich comme le laisse croire la mémoire collective. 

Poète et homme d’action, il a combattu les Croisés à Jérusalem sous les ordres de Salah Eddine El Ayoubi et y a perdu un bras. Il est l’auteur d’un poème d’amour à son esclave bien qu’il fût marié. Cette «jaria» qui transcrivait sa poésie, parce qu’il est manchot, partageait avec lui une grande complicité intellectuelle et artistique. 

Poursuivant son intervention, l’intervenante aborde le thème de la poésie féminine en Andalousie et sa figure de proue, Wallada bint al-Mustakfi, princesse omeyyade, fille d’un des derniers califes omeyyade de Cordoue, née en 1010 et décédée en 1091. Et alors que l’Europe vivait la sombre période du Moyen-âge, précise Sekkal, Wallada tenait un salon littéraire, un Majaliss Al Adab. Elle prenait part aux joutes de poésie en s’exprimant avec audace et une liberté de ton ayant généré la controverse. Elle reste dans les mémoires pour sa liaison passionnelle avec Ibn Zeydoun, célèbre poète andalou, dont la poésie est dominée par sa relation avec la poétesse Wallada. 

En Angleterre et particulièrement en Espagne, depuis les années 1980, elle fait l’objet d’études dans des publications électroniques et est célébrée comme une figure emblématique du féminisme. 

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