Affaire de l'assassinat de Djamel Bensmain : Attendu, le procès en appel s’ouvre aujourd’hui à Alger

02/07/2023 mis à jour: 00:29
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Photo : D. R.

Jugée par le tribunal criminel de Dair El Beida, à Alger, au mois de novembre 2022, l’affaire de l’assassinat, le 11 août 2021, du jeune Djamel Bensmain à Larbaâ Nath Irathen, wilaya de Tizi Ouzou,  sera réexaminée une seconde fois par la chambre criminelle près la cour d’Alger. Les 102 accusés, dont 95 en détention, 8 en liberté et 7 en fuite, sont concernés par ce nouveau procès qui risque de raviver des souvenirs très douloureux aussi bien pour la famille de la victime que pour la région de Larbaâ Nath Irathen.

Les 102 accusés, dont 95 en détention, 8 en liberté et 7 en fuite,  poursuivis pour l’assassinat du jeune Djamel Bensmain, le 11 août 2021, à Larbaâ Nath Irathen (wilaya de Tizi Ouzou),  sont appelés à comparaître en appel, aujourd’hui,  pour un nouveau procès, devant la chambre criminelle près la cour d’Alger.

Ils doivent répondre de lourdes accusations qui vont de «l’homicide volontaire avec préméditation», «torture, mutilation et immolation d’un cadavre», «attroupement armé», «création et appartenance à une organisation terroriste dans le but de commettre des actes terroristes», «mise à feu de biens d’autrui», «incendie volontaire d’espaces agricoles ayant conduit à la mort de plusieurs personnes», «complicité dans l’homicide volontaire» jusqu’à «incitation à l’attroupement armé», «discours de la haine», «atteinte à  l’unité de l’Etat», «atteinte à des agents de l’ordre public dans l'exercice de leur fonction», «destruction des biens d’autrui»...

Ouvert le 15 novembre 2022, en présence d’un imposant dispositif de sécurité, le procès en première instance a été marqué par des auditions tantôt choquantes, tantôt révélatrices d’une profonde et douloureuse tragédie, gravée à jamais dans l’esprit  des Algériens en général, et des habitants de la région de Larbaâ Nath Irathen en particulier.

Vingt-cinq parmi les accusés ont été jugés pour les délits d’«attroupement et incitation à l’attroupement», «dégradation de biens d’autrui», «non-assistance à personne en danger», «violation de la franchise du commissariat», «incitation à la violence contre les agents de l’ordre public dans l'exercice de leur fonction» et le reste pour des crimes liés, entre autres, «au guet-apens, à l’assassinat avec préméditation, torture, immolation d’un cadavre», etc., ainsi qu’à «l’appartenance» au mouvement séparatiste, le MAK, classé par les autorité sur la liste des «organisations terroristes», et donc «commission d’actes terroristes, atteinte à la sécurité de l’Etat et à l’unité nationale».

Malgré leur présence sur le lieu du crime, certains accusés ont nié les faits, d’autres ont exprimé leurs regrets, alors que beaucoup ne savaient même pas  comment un simple partage d’une photo ou d’une vidéo a fait basculer leur vie. Pour le procureur général, les accusés «ont tous participé d’une manière directe et indirecte à ce crime odieux (…)».

En revenant sur  le fil des événements qui ont précédé le crime, puis son exécution, le magistrat a expliqué : «Djamel ne savait pas ce qui l’attendait. Il n’avait que quelques sous dans la poche et il est allé aider ses frères, contrairement à ce que ces accusés qui l’ont tué et mutilé son corps, ont dit de lui.» Selon lui, la Clio qui transportait le défunt avec deux autres jeunes, portait bel et un bien un matricule, mais il a arrêté et la plaque d’immatriculation a été enlevée.

«Djamel a dû mourir des milliers de fois…»

«Djamel était en train de filmer Sofiane, lequel a appelé ses amis. Il s’en est pris à Djamel de manière violente et raciste. Les trois jeunes ont pris la fuite, deux ont pu rejoindre le célibatorium de la police et Djamel a été embarqué à bord d’un fourgon de la police, qui était de passage. Djamel a dû mourir des milliers de fois lorsqu’il entendait les cris d’une foule en colère. Mostefai Chaabane le fouille et lui enlève la carte d’identité, le téléphone et les clefs. Le défunt le supplie, mais lui sort du fourgon, lève la main devant la foule en colère et lui lance : ''Il est de Ain Defla'', comme s’il n’est pas Algérien. Une façon de leur dire tuez-le. Ferhat Mehenni a de ce fait signé la condamnation et donné le feu vert à la foule pour l’exécution

Le procureur évoque les scènes à l’intérieur du fourgon, filmées et partagées sur internet. «Ils l’ont privé même de l’eau. Il s’est livré à ses bourreaux qui l’ont tué de manière abjecte, puis l’ont tiré par ses pieds vers la place de la ville où une autre scène d’horreur a eu lieu. Certains ont rallumé le feu qui a calciné le corps de Djamel, avec de l’essence et du carton. Les accusés se sont cru au-dessus de la loi. Ils poursuivent, jugent et condamnent sans appel. Avec un cutter, Ouardi Idir décapite et Merouane Nabila l’invite à enlever la peau déjà calcinée du défunt pendant que d’autres font des selfies.

Quel genre d’êtres humains sont-ils ? Ce crime barbare a failli pousser le pays vers le pire», déclare le magistrat avant de réclamer la peine capitale contre 72 accusés poursuivis pour des actes criminels, parmi lesquels les 8 en fuite dont Ferhat Mehenni, le chef du mouvement séparatiste. Il a également requis une condamnation de 10 ans de prison assortie d’une amende de 500 000 DA contre 23 autres accusés jugés pour des délits.

Mais après de longues plaidoiries, le tribunal a infligé la condamnation à mort à 49 accusés, particulièrement ceux apparus sur les photos et les vidéos et la prison à vie aux huit accusés en fuite à l’étranger, dont Ferhat Mehenni et quatre de ses collaborateurs, Brahim Belabbes, Rachida Ider, Yacine Drici et Mourad Itim. Le tribunal a, par ailleurs, prononcé une peine de 10 ans de prison ferme contre 17 accusés et acquitté  17 autres.

Le verdict avait fait grincer les dents de l’avocate de la famille Bensmain, Me Ahlem Bendaouda, qui s’est déclarée «déçue», avant d’annoncer son intention de  faire appel de la sentence. «Nous reviendrons avec les mêmes vidéos et les mêmes photos, pour confondre une deuxième fois, ceux qui ont été condamnés à 10 ans, alors qu’ils étaient sur la scène du crime et y ont pris part», a-t-elle affirmé. Au mois de janvier dernier, la cour a cassé le verdict et l’affaire a été renvoyée devant la chambre criminelle près la cour d’Alger, et son examen est fixé pour aujourd’hui.

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