De par leur nouvelle vision sécuritaire, les deux pays nordiques comptent mettre fin à leur politique de neutralité suivie durant des décennies. L’adhésion, qui nécessite l’unanimité des 30 membres actuels de l’Otan, fait toutefois face à l’opposition du président turc, Recep Tayyip Erdogan.
La Finlande et la Suède déposeront aujourd’hui conjointement leurs candidatures à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan). C’est ce qu’a annoncé hier la Première ministre suédoise, Magdalena Andersson, dont les propos ont été recueillis par l’AFP.
«Je suis heureuse que nous ayons pris le même chemin et que nous puissions le faire ensemble», a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse commune avec le président finlandais, Sauli Niinistö, en visite à Stockholm.
Un peu plus tôt, le Parlement finlandais a voté en faveur de l’adhésion à l’Otan avec une majorité écrasante de plus de 95%, permettant l’envoi de la candidature officielle du pays nordique au siège de l’Alliance. Au terme d’une session parlementaire de deux jours, le projet d’adhésion a été adopté par 188 voix pour, huit contre et aucune abstention, selon le résultat du scrutin.
Les candidatures de la Finlande et de la Suède ont été officialisées respectivement dimanche et lundi. «C’est un résultat exceptionnel, je ne m’attendais pas à ce qu’il soit si net. Le vote est clair, plus de discussion, ce (mardi) soir nous signerons notre lettre de candidature à l’Otan», a déclaré le ministre finlandais des Affaires étrangères, Pekka Haavisto, à la télévision après le vote. Après ce feu vert parlementaire, Helsinki peut envoyer sa candidature au siège de l’Otan à Bruxelles, simultanément avec la Suède. Cela aura «sans doute» lieu aujourd’hui, selon P. Haavisto.
Stockholm, où le Parlement a été consulté lundi, est également prêt : la ministre suédoise des Affaires étrangères, Ann Linde, a signé hier matin l’acte de candidature suédoise, lors d’une cérémonie. Jeudi, le président finlandais, Sauli Niinistö, et la Première ministre suédoise, Magdalena Andersson, doivent rencontrer le président américain, Joe Biden, à Washington, a annoncé hier la Maison-Blanche.
De par leur nouvelle vision sécuritaire, les deux pays nordiques comptent mettre fin à leur politique de neutralité suivie durant des décennies. L’adhésion, qui nécessite l’unanimité des 30 membres actuels de l’Otan, fait toutefois face à l’opposition du président turc, Recep Tayyip Erdogan.
L’agence étatique turque Anadolu a rapporté lundi que Ankara reproche à la Suède et la Finlande de ne pas approuver ses demandes d’extradition des personnes qu’elle accuse d’être membres d’«organisations terroristes».
Aucune des 33 demandes d’extradition envoyées par Ankara n’a reçu de réponse positive de la part de Stockholm, ni de Helsinki au cours des cinq dernières années, a affirmé Anadolu, citant des sources du ministère turc de la Justice. Selon l’agence étatique, les demandes d’extradition concernaient des personnes recherchées par Ankara pour être membres du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) ou du mouvement de Fethullah Gülen.
Le chef de l’Etat turc, autrefois allié à Fethullah Gülen, prédicateur résidant aux Etats-Unis, l’accuse d’avoir ourdi contre lui une tentative de coup d’Etat en juillet 2016 et le considère comme un «chef terroriste». Vendredi, il a affiché son hostilité à l’intégration des deux pays nordiques dans l’Alliance. Il a notamment reproché à Helsinki et Stockholm de servir d’«auberge aux terroristes du PKK», considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis.
L’obstacle turc
Dimanche, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, s’est montré conciliant envers la Finlande, mais a reproché à la Suède des déclarations «provocantes», lors des discussions à Berlin sur l’adhésion des deux pays à l’Otan.
«Les déclarations de la ministre des Affaires étrangères de Suède ne sont malheureusement pas constructives. Elle continue de tenir des propos provocants», a affirmé le chef de la diplomatie turque devant la presse à Berlin, en marge de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’Alliance atlantique.
En revanche, il a qualifié l’attitude de la Finlande de «très respectueuse» face aux «inquiétudes» d’Ankara. «Mais nous ne voyons pas la même chose chez la Suède», a-t-il observé. Il a indiqué qu’il attend de voir «les garanties» qui seront proposées par les deux pays.
La Turquie est impliquée dans les pourparlers entre l’Ukraine et la Russie. Elle souhaite acquérir des avions de combat F-16 américains. Elle a initialement commandé et versé 1,4 milliard de dollars pour une commande d’avions de combat furtifs F-35, jamais livrés. L’ensemble du contrat a été gelé par les Etats-Unis en 2019 après l’achat par la Turquie du système anti-missile russe S-400, perçu comme une menace pour le F-35.
Washington a alors exclu la Turquie de ce programme militaire. Le 23 février, à la veille de l’intervention russe en Ukraine, le président Erdogan a déclaré «ne pas pouvoir renoncer» ni à l’Ukraine ni à la Russie. La diplomatie turque a qualifié d’«inacceptable» et de «grave violation du droit international» l’offensive de Moscou le 24 février.
Quelques jours plus tard, conformément à la convention de Montreux de 1936, Ankara ferme alors l’accès, pour la plupart des navires de guerre, aux détroits du Bosphore et des Dardanelles. Entre-temps, la Turquie s’est opposée aux sanctions occidentales contre Moscou. En effet, le chef de la diplomatie turque a déclaré que les oligarques russes restent «bien sûr» les bienvenus en Turquie et libres d’y faire des affaires, dans le respect du droit international.