Actorat : Jouer une comédie ou un drame est-il vraiment un jeu ?

07/07/2024 mis à jour: 23:33
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Le grand jeu : L’affiche du film documentaire censuré. Le grand jeu de Malek Bensmaïl (2005) qui installe sa caméra au sein du QG de campagne d’Ali Benflis, d’où il observe la bataille démocratique, en l’occurrence les élections de 2004 et les mécaniques du pouvoir. Avec Abdelaziz Bouteflika dans le rôle principal et Ali Benflis dans son propre rôle, de figurant. )

Plusieurs films du terroir sont sortis ou sont en cours de sortie, ce qui permet de retrouver les comédiens et comédiennes au cinéma après avoir été plus ou moins noyés dans les séries TV. Mais qui sont les bons acteurs aujourd’hui ? Sont-ils bons parce que le réalisateur, le producteur ou le spectateur les trouvent bons ou parce qu’ils le sont ?

Banlieue d’Alger, l’ISMAS, coincé entre un CEM et le front de mer à Bordj El Kiffan, école des arts dramatiques qui forme entre autres des acteurs et comédiens. Les enseignants ne sont pas contents, pas parce qu’ils ne peuvent pas nager mais parce que l’Institut a été reformaté au système LMD, licence, master, doctorat.

Résultat premier, passés sous la double tutelle du ministère de la Culture et celui de l’Enseignement supérieur, les postulants se recrutent désormais avec le baccalauréat et donc sans le concours qu’il y avait avant et permettait de choisir les talents. Surtout, il n’y aura pas d’enseignants pour la rentrée, le système obligeant les professeurs à avoir au moins un master II en comédie pour enseigner, ce qui n’existe pas encore.

Comment alors former des acteurs ? Nombre d’acteurs n’ayant pas fait l’école, la question revient à celle-ci : qu’est-ce qu’un bon acteur ? C’est une éponge qui parle le moins possible, écoute et observe, qui lorsqu’il monte sur scène, a cette faculté presque magique de capter immédiatement l’attention des spectateurs.

On peut citer Nabil Asli, Abdelkader Djeriou et Meriem Medjkane, par exemple, dans la nouvelle génération, ou Sid Ahmed Agoumi et Djamila Arrès, dans l’ancienne, sans oublier Dali Bensalah, Ben Youcef ou Sofia Boutella, rares acteurs algériens qui ont percé à Hollywood. Mais qu’est-ce qu’un bon acteur ?

Dans certaines écoles d’actorat, les premières leçons consistent à jouer un poivron, un mur, bref, tout sauf un être humain, jouer pour entrer dans un personnage, même un mur.

Oui, mais qu’est-ce qu’un bon acteur ? C’est probablement celui qui pense le moins à la caméra, comme le disait Marlon Brando : «Pour être un bon acteur, il faut ignorer la caméra, mais pour être un très bon acteur, il faut la mépriser.» Ce qui pose un problème en Algérie, vu le prix des caméras cinéma. Mais Brando n’est pas Algérien, et ne pouvait donc pas le savoir.

Jouer n’est pas un jeu…

C’est du sérieux, du travail, à l’inverse du spectateur qui est là pour le plaisir et l’émotion, voire le confort, celui de retrouver des acteurs et actrices qu’il connait et auxquels il s’est habitué. Revoir par exemple Samir El Hakim dans le dernier film d’Anis Djaad qui doit bientôt sortir, Sofiane Zermani dans Barbès, little Algérie qui vient de sortir en France, Khaled Benaïssa dans Ben M’hidi et pour 2023 Imen Noël et Adila Bendimered dans La dernière reine, Idir Benaïbouche dans La maison brûle, autant se réchauffer, campant un rôle dramatique qui lui va à merveille malgré ses talents de comique, le talentueux Ali Namous dans le rôle de Zighoud Youcef qui donne toute sa complexité et sensibilité dans La fille de mon quartier de Ammar Si Fodil ou encore les très bonnes prestations de Souhila Maalem et Aziz Boukrouni dans Heliopolis.

Jouer, c’est sérieux, et on l’oublie souvent les bons acteurs du monde entier sont ceux qui deviennent leur personnage à temps complet et non pas uniquement l’incarnation du personnage sur scène ou en face de la caméra mais tout le temps, 24 heures sur 24, devenant le personnage durant les semaines ou les mois de tournage pour reformater ensuite leur cerveau pour passer au rôle suivant.

Dans Seul au monde, l’acteur Tom Hanks a été obligé de rester à l’écart pendant 1 an, sans travailler, pour se faire pousser la barbe et les cheveux et perdre 28 kilos. Ce qui semble impensable en Algérie où les comédien(ne)s passent d’un film à l’autre ou d’une comédie à un drame sans préparation physique particulière.

Oui, alors qu’est-ce qu’un bon acteur ? Top 3 pour les hommes, Nabil Asli, Abdelkader Djeriou et Hassan Kechache, top 3 des actrices les plus appréciées par le public, Biyouna, Ouardia et Nawal Zaater selon un récent sondage, évidemment subjectif, car tout est regard personnel, ce qui est d’ailleurs la base du cinéma.

Comme pour cet acteur algérien qui n’a pas de jugement sur sa qualité et ses performances à l’écran, bien qu’un acteur sans égo ne fera probablement jamais un excellent comédien, qui pour lui « un bon acteur est celui qui sait bien négocier son cachet.» 
 

 

 

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