A quoi joue Emmanuel Macron ?

31/07/2024 mis à jour: 09:34
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Emmanuel Macron s’est découvert une nouvelle passion, le jeu de poker. Après la déstabilisation de son propre pays, il vient de bouleverser le fragile équilibre géopolitique en Afrique du Nord et au sud de la Méditerranée.

 La France a échappé d’un cheveu à l’arrivée brutale et massive au pouvoir de l’extrême droite la plus féroce d’Europe, qui se serait emparée d’importants leviers de l’Exécutif, notamment le gouvernement.

 Il a fallu que le peuple français réagisse lors des législatives et donne sa confiance à la gauche, essentiellement, pour que l’Hexagone ne sombre pas dans le chaos. Si le pire a été évité, le danger court toujours, l’extrême droite, qui a investi une bonne partie de l’Assemblée nationale, affûte ses armes pour la présidentielle de 2027. 

Les observateurs qui ont essayé d’expliquer la stratégie du président Macron et surtout de lui trouver un sens se sont accordés sur la conviction que c’était une dangereuse manœuvre de décider la dissolution de l’Assemblée nationale. Macron, disent-ils, serait devenu un homme habité par la démesure et l’ambition la plus folle. N’a-t-il pas failli, et le danger persiste encore, envoyer des soldats français se battre contre l’armée russe ? Son jusqu’au-boutisme sur le dossier ukrainien – bien loin des calculs des Etats-Unis – a fini par faire peur aux Français eux-mêmes, effarés par les sommes faramineuses englouties, alors que le chômage et la pauvreté s'élargissent dans le pays. 

Un jeu perfide, affirment-ils, du nouveau «Jupiter» français qui vient de se distinguer sur un autre dossier : le Sahara occidental, en décidant brusquement de sortir de l’ancienne attitude française relativement prudente. Jusque-là, la doctrine française sur le sujet ne s’est globalement pas trop éloignée des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, mais voilà que Paris découvre que le Sahara occidental est une «question existentielle» pour Rabat, sans le moindre souci pour ce qu'elle représente pour les Sahraouis, dont le territoire est occupé par l’armée marocaine depuis 1975. 

Et sans le moindre intérêt pour tout le travail accompli par l’ONU pour régler cette question, qu'elle considère comme relevant de la décolonisation. Un grand nombre d’Etats membres de l'Assemblée générale des Nations unies est sur cette logique que vient aujourd'hui brutalement contrecarrer la France, pourtant membre du Conseil de sécurité qui, pour assouvir un jeu politique douteux, exhibe le plan dit d’autonomie marocain vieux de 17 ans. Paris aurait dû agir en conformité avec les décisions de cet organe d’une manière particulière et avec la légalité internationale d’une manière générale, d’autant que le Conseil de sécurité de l’ONU a renouvelé le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) pour une année supplémentaire, jusqu’au 31 octobre 2024. 

Le haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) n’a pas pu se rendre au Sahara occidental pour la 8e année consécutive, malgré de multiples requêtes et en dépit de la résolution 2654 (2022) dans laquelle le Conseil de sécurité encourage un renforcement de la coopération, notamment par la facilitation de ces visites. Le Maroc n’a jamais cessé, et en toute impunité, d’obstruer l’exécution du mandat de la Minurso et de transformer la mission onusienne en «gardien» du statu quo imposé par la force au Sahara occidental occupé. 

L’Algérie, qui s’est constamment positionnée sur la ligne onusienne, a vivement réagi au nouveau positionnement français. Dans son communiqué, le MAE a indiqué que le gouvernement algérien «tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française et dont le gouvernement français assume seul la pleine et entière responsabilité». 

C'est la crise qui s’installe de nouveau entre Alger et Paris à quelques semaines d’une visite programmée à Paris de Abdelmadjid Tebboune. Macron  est-il réellement devenu fou pour sacrifier une nouvelle entente entre l’Algérie et la France, dont les retombées seraient bien plus profitables pour son pays que celles venant du Maroc, une fois conforté dans son annexion du Sahara occidental ? Et puis, entre le Maroc et l’Algérie, la neutralité n’aurait-elle pas été, pour lui, la meilleure solution, comme l’ont fait ses prédécesseurs, avec plus ou moins de succès, mais sans gros dégâts ?
 

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