A la hauteur de la symbolique

25/05/2022 mis à jour: 01:58
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Rien ne transparaît dans le projet de la «main tendue» du président de la République, ni dans ses interventions publiques, ni dans les propos de ses interlocuteurs conviés au palais d’El Mouradia. 

Il semble que lui-même n’a pas encore une idée claire de son initiative et qu'il attendrait qu'elle soit d’abord alimentée et enrichie par ses invités avant sa formalisation. Le chef d'état-major Chengriha a relancé l’idée, en précisant qu’elle a pour objectif clef la création d’un «front intérieur» face aux multiples dangers qui menacent le pays. 

De ce fait, il a mis le doigt sur son urgence, ce que globalement a fait la classe politique, du moins ce qu'il en reste. Tout le monde s’accorde aujourd'hui sur la nécessité absolue de ressusciter la vie publique nationale en mort cérébrale depuis plusieurs années. Le coma affecte y compris les soutiens traditionnels du système qui ont perdu leur zèle coutumier, car ayant peut-être compris que cela ne servait à rien : le pouvoir en place n’a plus besoin d’eux et leur soutien est même devenu contre-productif. 

Au tout début, ces partis là avaient espéré que Abdelmadjid Tebboune allait reconstruire autour d’eux la fameuse «alliance présidentielle» chère à Abdelaziz Bouteflika, il n’en fut rien, ce qui signa leur agonie, y compris au sein des assemblées élues. Depuis trois années, ils sont en hibernation, attendant vainement que le chef de l’Etat leur fasse signe pour rejouer leur rôle d’antan. 

Maintenant, avec cette «main tendue», ils espèrent que le bon moment est enfin arrivé pour rebondir. Quant à l'opposition démocratique, elle est dans une autre posture, celle de la survie dans un système politique qui ne veut plus d’elle dans son rôle classique. Elle a été sommée par les autorités de changer de logiciel, ce qu'ont refusé la plupart des partis politiques, à l’image du RCD, du PST, du PT, et des formations, comme celles de Karim Tabbou, de Zoubida Assoul, etc. Quelques partis toutefois, à l’image du FFS, ont continué d’activer dans un délicat compromis. 

Aussi toute l’opposition démocratique est dans une attente très forte de l’initiative présidentielle de «main tendue». La première exigence est que soit respecté son droit constitutionnel à faire de l’opposition au pouvoir en place, en d’autres termes que ses activités ne subissent ni interdits ni rétrécissements et que soient épargnés ses leaders et militants des poursuites policières ou judiciaires. 

La seconde condition est que le chef de l’Etat devrait crédibiliser son initiative par le biais d’une politique de détente qui passe par la libération de l’ensemble des détenus politiques et par la mise hors-la-loi de l’ensemble du dispositif répressif des libertés politiques mis en place ces dernières années. 

Outre son caractère humanitaire, la libération des prisonniers politiques serait un geste fort en direction de toute la société algérienne qui apporterait tout son soutien au président de la République dès lors qu’elle serait convaincue que son initiative n’est pas une manœuvre politicienne, mais une volonté de faire tourner au pays les pages noires des décennies passées et de rectifier les erreurs et les injustices. 

Il est attendu que, dans les prochains jours, le président Abdelmadjid Tebboune se prononce plus clairement sur sa nouvelle «feuille de route» en l’inscrivant dans une forte symbolique, la célébration du soixantième anniversaire de l'indépendance du pays, c’est-à-dire la fin de l’occupation du pays par l’un des pires systèmes coloniaux dans le monde. 

C’est pourquoi la «main tendue» aux Algériens par des Algériens doit être à la hauteur de cette symbolique. 

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