A une semaine de l'élection présidentielle américaine mardi 5 novembre, la vice-Présidente démocrate Kamala Harris et le républicain Donald Trump sont au coude-à-coude dans les sept Etats qui détermineront le résultat du scrutin, tenu au suffrage indirect. L'arrivée de Kamala Harris en campagne en juillet, après le retrait du président Joe Biden, n'a pas permis à Trump de prendre de l’ascendant sur son rival. Et les deux tentatives d'assassinat l'ayant visé ont certes galvanisé son électorat, mais sans lui permettre d'élargir réellement cette base.
Pour remporter cette élection, les deux adversaires convoitent des voix dans les «swing states» (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin, Géorgie, Caroline du Nord, Arizona et Nevada). Kamala Harris cible les républicains modérés, des femmes de la classe moyenne pas nécessairement progressistes mais attachées au droit à l'avortement et les indécis. Elle s'appuie sur le charisme d'un Barack Obama ou la notoriété d'une Beyoncé, là où son rival mise sur le soutien d'Elon Musk. Récemment, elle a durci son discours à l'encontre de son rival qu'elle traite de «fasciste» et de «déséquilibré». Elle compte dresser aujourd’hui un «réquisitoire final» contre lui, dans une allocution à Washington, à l’endroit où Donald Trump s’est adressé à ses partisans le 6 janvier 2021, juste avant qu'ils n'attaquent le Capitole.
Dans sa troisième campagne consécutive pour la Maison-Blanche, le républicain attaque les démocrates notamment sur l'immigration, «problème numéro un» des Etats-Unis, selon lui, «même devant l'économie». Dans moult meetings, il a accusé les migrants d'«empoisonner le sang du pays». L'ancien Président, qui n'a jamais reconnu sa défaite en 2020, a déjà donné des signes de contestation d’un éventuel nouvel échec, en accusant les démocrates de «tricher comme des diables».
L’élection présidentielle américaine intéresse le monde entier d’autant qu’elle intervient dans un contexte marqué par des conflits complexes, notamment les guerres au Moyen-Orient et en Ukraine, dans lesquels Washington joue un rôle déterminant quant à leur issue.
En politique étrangère, tout oppose Kamala Harris et Donald Trump. Alors que la vice-Présidente démocrate s'inscrit dans la continuité de la politique de Joe Biden, en privilégiant une approche multilatérale, le candidat républicain et ancien Président des Etats-Unis (2017-2021) reste fidèle à son option «l'Amérique d'abord».
Visions différentes
Concernant l'Ukraine, la vice-Présidente de 60 ans affiche un soutien «inébranlable» à Kiev, comme elle l'a assuré devant le président Volodymyr Zelensky lors de sa visite à Washington en septembre. Elle devrait poursuivre ainsi la politique de Joe Biden en continuant à fournir des armes à l'Ukraine, tout en fustigeant la vision de son adversaire qu’elle qualifie de «capitulation» face au président russe, Vladimir Poutine. «Si Donald Trump était président, Poutine serait assis à Kiev en ce moment même», a-t-elle soutenu.
De son côté, le républicain de 78 ans estime que «cette guerre n'aurait jamais dû avoir lieu», et «blâme en grande partie» son prédécesseur. Il évoque sa «très bonne relation» avec son homologue russe, dénonce les montants pharamineux débloqués par Washington et promet de résoudre la guerre, sans préciser comment.
Sur la question du Moyen-Orient, Kamala Harris s'inscrit dans la lignée de Joe Biden, et n'a pas donné de signes qu'elle changerait fondamentalement de stratégie relative au soutien américain à Israël. Elle défend vigoureusement «le droit d'Israël à se défendre», mais promet de «se battre pour que les Palestiniens puissent concrétiser leur droit à la dignité, à la liberté, à la sécurité et à l'autodétermination».
En parallèle de Donald Trump exhorte le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, à «finir le boulot» et affirme qu'«il n'y aurait jamais eu de 7 octobre en Israël», en référence à l'attaque du Hamas, s’il était resté président. S'il gagne, «nous aurons à nouveau la paix dans le monde. C'est garanti». Il a accusé Kamala Harris de «détester Israël», vante ses liens avec l'Arabie Saoudite notamment, et assure que Ghaza «pourrait être encore mieux que Monaco». «Si elle devient présidente, je crois qu'Israël n'existera plus d'ici deux ans», a-t-il soutenu.
Sur l'Iran, Donald Trump a accusé l'administration Biden d'avoir laissé la République islamique «s'enrichir» malgré les sanctions, et d'avoir, par sa faiblesse, permis à l'Iran d'attaquer Israël par deux fois, en avril et début octobre.
Au sujet de la Chine, les deux candidats considèrent l’Empire du Milieu comme le principal adversaire des Etats-Unis. La vice-Présidente estime cependant que lorsqu'il a occupé la Maison-Blanche, Donald Trump «nous a grosso modo vendus, alors qu'une politique vis-à-vis de la Chine devait s'assurer que les Etats-Unis remporteraient la compétition du XXIe siècle». Si elle devenait présidente, elle devrait poursuivre la politique actuelle de stabilisation des relations entre Washington et Pékin, et de gestion «responsable» de leurs différends.
L'ancien Président observe, quant à lui, que l'administration Biden a largement conservé les droits de douane qu'il a mis en place sur un certain nombre de produits chinois. Il s’est montré plus agressif contre Pékin, qu'il qualifie d'ennemi.
Les deux candidats sont loin d’être indifférents aux relations des Etats-Unis avec leurs alliés et l’Otan. Kamala Harris se félicite que les Etats-Unis aient rétabli leurs alliances sous Joe Biden, y compris au sein de l'Organisation Atlantique Nord. Elle juge que son rival est la «risée» des dirigeants internationaux. Ce dernier a provoqué de l’inquiétude au sein des partenaires de son pays en déclarant qu'il encouragerait V. Poutine à «faire ce qu'il veut» si un pays de l'Otan ne respectait pas ses engagements financiers envers l'alliance.
Les années Trump ont été marquées par une rupture avec des accords multilatéraux, comme sur le climat ou le nucléaire iranien, des guerres économiques, notamment à l’encontre de la Chine, l’Iran et Cuba, et des rencontres avec le leader nord-coréen Kim Jong-un. Kamala Harris a indiqué qu'elle ne ferait «pas ami-ami avec les dictateurs». Amnay Idir
Les sept Etats qui vont faire l'élection américaine :
Comme en 2020, l'élection présidentielle américaine semble partie pour se jouer à quelques dizaines de milliers de voix près dans sept Etats particulièrement disputés, où les deux candidats concentrent leurs ultimes efforts de campagne. Les Américains les qualifient de «swing states», Etats «clés» ou «pivots».
LA PENNSYLVANIE
L'Etat est le plus convoité, l'arbitre de l'élection. Donald Trump s'y est imposé d'un rien en 2016 et Joe Biden sur le fil en 2020.
Des cols bleus de cet Etat du Nord-Est, qui a connu un grand déclin industriel, ont quitté le navire démocrate pour rallier Donald Trump. Mais Kamala Harris compte en reconquérir une partie grâce aux grands projets d'infrastructures lancés par Joe Biden, créateurs d'emploi, et au soutien de syndicats. Les grandes villes de Philadelphie et Pittsburgh penchent pour la vice-Présidente, quand l'ancien Président table sur la population rurale.
LE MICHIGAN
Un autre bastion démocrate marqué par la désindustrialisation qui a basculé pour Donald Trump en 2016, à la surprise générale. Joe Biden l'a reconquis en 2020. Le comportement des nombreux électeurs musulmans ou originaires de pays arabes dans cet Etat, révoltés depuis un an par le soutien américain à Israël dans sa guerre à Ghaza, va être capital pour Kamala Harris. Dans ce berceau de l'industrie automobile, la candidate démocrate a toutefois reçu le soutien du grand syndicat du secteur, l'UAW. Donald Trump mise sur le coût de la vie pour rassembler la classe moyenne, dépeignant son adversaire comme la coresponsable d'un mandat démocrate marqué par l'inflation.
LE WISCONSIN
Un Etat perdu par les démocrates en 2016 et repris en 2020. Les républicains, dont le parti est né dans cet Etat, y ont organisé leur grande convention en juillet. Les démocrates espèrent y séduire des républicains modérés, repoussés par la rhétorique de Donald Trump, en agitant la «menace existentielle pour la démocratie» qu'il représenterait.
LA GEORGIE
Cet Etat conservateur à importante population afro-américaine (environ 30% de l'électorat) a préféré le démocrate Joe Biden en 2020. Kamala Harris espère séduire les jeunes et les minorités d'Atlanta. Mais elle semble avoir du mal à bien capter le vote des hommes noirs. L'électorat religieux, assez conséquent dans cet Etat, loue Donald Trump comme l'artisan de l'annulation de la garantie fédérale de l'avortement.
La CAROLINE DU NORD
Le seul des sept «swing states» de 2024 à avoir voté républicain en 2020. L'Etat n'a d'ailleurs plus voté démocrate depuis 2008, mais élit un gouverneur démocrate depuis 2017. Après le passage dévastateur de l'ouragan Hélène, qui a fait au moins 96 morts. Un peu comme en Georgie, Kamala Harris mise sur les Afro-Américains et les jeunes.
L’ARIZONA
Terre plutôt républicaine, cet Etat du sud-ouest a créé la surprise en 2020 en choisissant Biden sur le fil, avec 10 457 voix d'avance. Mais le thème de l'immigration illégale, martelé par le candidat républicain en des termes de plus en plus acerbes, peut faire mouche dans cet Etat frontalier du Mexique, malgré le nombre important de Latino-Américains. Il y a toutefois de l'espoir pour Kamala Harris : en 2022, l'Etat a recalé une candidate trumpiste au poste de gouverneur, élisant une démocrate.
Le NEVADA
Le moins peuplé des «swing states», connu pour les casinos de Las Vegas, n'a pas voté pour un républicain depuis George Bush en 2004. Mais les conservateurs pensent pouvoir le faire basculer, en s'appuyant notamment sur la population latino-américaine, qui se détache de plus en plus du giron démocrate, notamment les hommes. Les partisans de Kamala Harris espèrent que l'arrivée de néo-habitants, des salariés plus jeunes et plus éduqués souvent venus de la Californie voisine pour travailler dans la tech ou la transition énergétique, puisse jouer en leur faveur.