75% Des terres agricoles de l’enclave ravagées par la guerre : Plus rien ne pousse à Ghaza

08/07/2024 mis à jour: 18:11
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Photo : D. R.

L’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme (Euro-Med) a soigneusement documenté les violences infligées au territoire de Ghaza par les forces d’occupation israéliennes tout au long de la guerre, qui entre désormais dans son 10e mois. Selon Euro-Med, plusieurs parcelles cultivables «ont été détruites par les incursions terrestres israéliennes ainsi que par les bombardements aériens et d’artillerie», affectant au moins 34 kilomètres carrés de terres agricoles. Cela représente «75% des terres agricoles de la bande de Ghaza».

Alors que la guerre contre Ghaza est entrée dans son dixième mois, l’enclave palestinienne est horriblement dévastée. L’un des visages de cette dévastation est l’état des terres agricoles ravagées par les bombes.

D’après un récent rapport de l’Observatoire Euro-méditerranéen des droits de l’homme (Euro-Med), une grande partie des terres fertiles de la bande de Ghaza «ont été détruites par les incursions terrestres israéliennes ainsi que par les bombardements aériens et d’artillerie, affectant au moins 34 kilomètres carrés de terres agricoles».

Et de préciser : «Cela représente plus de 75% des terres agricoles de la bande de Ghaza.» Euro-Med alerte dans la foulée sur le rétrécissement effarant de la surface agricole utile dans l’enclave assiégée : «Les terres restantes réservées à l’agriculture sont extrêmement rares, la majorité étant située dans la région d’Al Mawassi, à l’ouest de Khan Younès, qui abrite actuellement des centaines de milliers de personnes déplacées.»

Les équipes d’Euro-Med Human Rights Monitor présentes sur le terrain révèlent par ailleurs que «l’armée israélienne a délibérément tué de nombreux agriculteurs qui travaillaient ou essayaient d’atteindre leurs terres et leurs fermes, en plus de détruire des milliers de fermes, de serres, de puits et de réservoirs d’eau, ainsi que des magasins d’équipement agricole» énumère l’ONG. «Les forces israéliennes ont également tué plusieurs pêcheurs et détruit des ports de pêche et la plupart des bateaux de pêche depuis le début du génocide», signale la même source.

«Cela suggère qu’Israël s’est délibérément employé à détruire des aliments de qualité et les fournitures de base nécessaires à la survie, sans aucune nécessité, ce qui affecte les quelque 2,3 millions de Palestiniens vivant dans la bande de Ghaza, qui ont besoin d’aliments adéquats et sains pour vivre», accuse Euro-Med.

De plus en plus de parcelles impropres à l’agriculture

Le réseau méditerranéen des droits de l’homme attire aussi l’attention sur le fait que «les agriculteurs palestiniens de la bande de Ghaza éprouvent des difficultés à accéder aux zones qui ont été épargnées par les destructions, en raison des bombardements continus et des incursions terrestres d’Israël dans de nombreuses régions».

Parmi les graves dysfonctionnements rencontrés par les paysans palestiniens, malgré leur héroïque résilience, l’organisation pointe les problèmes d’irrigations du fait des destructions qui ont touché les réseaux hydrauliques. «Le manque d’eau dû aux coupures de courant, à la destruction des puits d’eau et à la grave pénurie de carburant rend impossible la culture et l’irrigation d’autres zones», note l’ONG dans son rapport qui a été rendu public le 27 juin dernier. 

Euro-Med cite une expertise récente effectuée sur la base d’images satellite par l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Centre satellitaire des Nations unies (Unosat), et publiée le 13 juin. «Les opérations liées au conflit, les déplacements de véhicules lourds, les bombardements aériens et d’artillerie, ainsi que les travaux de terrassement ont entraîné un déclin significatif de la santé et de la densité des cultures dans l’ensemble du secteur», affirment les auteurs de cette expertise.

Et de souligner : «On estime que 57% des terres agricoles de Ghaza étaient endommagées en mai 2024, contre plus de 40% à la mi-février 2024. Khan Younès revendique la plus grande partie des terres agricoles endommagées, tandis que la zone agricole affectée de Rafah a doublé, passant de 4,52 à 9,22 kilomètres carrés en mai par rapport à février». 

Cette cartographie sinistre montre ainsi clairement que de plus en plus de parcelles sont désormais impropres à l’agriculture. Euro-Med poursuit : «Au 20 mai 2024, l’armée israélienne a endommagé des centaines de bâtiments agricoles, dont 256 entrepôts agricoles, 484 élevages de poulets, 397 bergeries et 537 étables, ainsi qu’environ 46% des 2261 puits agricoles de la bande de Ghaza.»

Ces explosifs qui empoisonnent le sol de Ghaza

Ces destructions massives de l’infrastructure agricole ajoutées aux blocages de l’acheminement de l’aide humanitaire ont eu pour conséquence l’aggravation de la famine à Ghaza. Pour Euro-Med comme pour plusieurs organisations humanitaires internationales, «les forces armées israéliennes continuent d’utiliser la famine comme outil et arme de guerre».

«Israël a arraché plus de 75% des terres agricoles de la bande de Ghaza au peuple palestinien, soit en les isolant en vue de les annexer illégalement à sa ''zone tampon'' militaire, soit en les détruisant au bulldozer ou en les endommageant d’une autre manière, réduisant ainsi à zéro l’approvisionnement du territoire en fruits, en légumes et en viande», dénonce l’ONG.

L’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme affirme que «depuis le début de son assaut militaire sur la bande de Ghaza le 7 octobre 2023, l’armée israélienne s’est employée à détruire méthodiquement le bétail, les terres agricoles et les élevages de volailles dans l’intention manifeste d’affamer la population et de lui interdire l’accès aux aliments de base que sont les fruits, les légumes, la viande blanche et la viande rouge».

Alertant quant aux effets à long terme des missiles, des explosifs et autres armes létales qui empoisonnent le sol de Ghaza, l’ONG avertit : «Les effets dévastateurs des attaques militaires israéliennes en cours sont ressentis par le public, l’environnement et les terres agricoles, la qualité de l’eau, la qualité du sol et la qualité de l’air étant toutes affectées.» Et ces effets «se feront sentir pendant au moins plusieurs années après la fin du génocide israélien», déplore Euro-Med.

«Les soldats israéliens ont détruit toutes les serres»

Nidhal Abou Jazar, un agriculteur d’Al Mawassi, zone agricole près de Khan Younès, témoigne à l’AFP : «Les soldats israéliens sont arrivés, ils ont détruit toute la zone, ils ont continué à tirer, ils ont détruit toutes les serres.» «Ce sont 40 dounams (quatre hectares) de terres et de serres qui ont disparu. Ils ont tué les ouvriers qui travaillaient dans une serre.

Il y a eu cinq martyrs ici», fulmine-t-il. Ibrahim Dheir, un agriculteur de 34 ans établi près de Rafah, a confié à l’AFP avoir perdu pour sa part la récolte de 20 dounams (deux hectares) qu’il exploitait en location, ainsi que son matériel agricole. «Dès que les bouteurs et chars israéliens sont entrés dans la zone, ils ont commencé à détruire les terres cultivées : agrumes, goyaves, épinards, molokhia (corète potagère), aubergines, courges, citrouilles et les semis de tournesol. Des serres contenant des tomates, des concombres, des melons et des poivrons ont également été détruites», peste-t-il avant de lancer : «Auparavant, nous dépendions de l’agriculture pour notre subsistance journalière, mais maintenant nous n’avons ni travail, ni revenu.»

Les dégâts subis par les terres agricoles palestiniennes «sont dus au passage des véhicules lourds, aux bombardements (...) qui pourraient aussi se traduire par des incendies», a expliqué à l’AFP un analyste de l’agence satellitaire des Nations unies (Unosa), Lars Bromley. 
D’après cet expert, les dommages causés par l’artillerie sur les terres agricoles vont perdurer.

«Extraire les munitions non explosées est une tâche énorme. Il faut littéralement sonder chaque centimètre du sol avant de permettre aux agriculteurs d’y revenir», dit-il. Pour Matieu Henry, conseiller technique à la FAO cité par l’AFP, ces ravages qui touchent l’agriculture «menacent la souveraineté alimentaire de la bande de Ghaza». «30% de la consommation des biens alimentaires du territoire palestinien provenaient de ses terres agricoles», souligne-t-il. 

Selon des chiffres de la FAO, les agriculteurs ghazaouis ont exporté pour plus de 44,6 millions de dollars de produits en 2022, principalement vers la Cisjordanie occupée et Israël. Ces exportations sont tombées à 0% aujourd’hui. «Le nord de la bande de Ghaza a subi le plus gros des destructions, avec 68% des terres agricoles endommagées», indique l’AFP. 

Le bilan de la guerre menée depuis octobre 2023 contre la population palestinienne de Ghaza a grimpé à 38 153 morts et 87 828 blessés, selon le ministère palestinien de la Santé. La même source ajoute que 55 personnes ont été tuées et 123 ont été blessées en 24 heures, de samedi soir jusqu’à la matinée d’hier. 
 

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