29 février au 2 mars 2024 : Sommet des pays exportateurs de gaz à Alger : Quelle stratégie pour l’Algérie ?

22/01/2024 mis à jour: 22:57
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Créé en 2001, le Sommet des pays exportateurs de gaz se tiendra à Alger du 29 février au 02 mars 2024 afin de déterminer la future politique gazière mondiale au sein de l’irréversible transition énergétique

1.-Le FPEG est constitué de 11 pays membres : 5 en Afrique (Algérie, Egypte, Guinée équatoriale, Libye, Nigeria) ; 2 au Moyen-Orient (Iran, Qatar) ; 3 en Amérique du Sud (Bolivie, Trinité-et-Tobago, Venezuela) ; et la Russie. Par ailleurs, 7 pays non-membres ont un statut d’observateur : l’Angola, l’Azerbaïdjan, les Emirats arabes unis, l’Irak, la Malaisie, la Norvège et le Pérou. 

Les dix premiers réservoirs de gaz dans le monde sont la Russie 47 800 milliards de mètres cubes gazeux, l’Iran,  33 500, le Qatar 24 300, les USA 8714, l’Arabie Saoudite 8602, Turkménistan 7504, Emiraties 6091,Venezuela 5701, Nigeria 5284 et le Mozambique arrivant à la 10e position, l’Algérie 4500 dont les réserves rentables pour un prix moyen de 50 dollars le mégawattheure est de 2500 milliards de mètres cubes gazeux, données du conseil des ministres courant 2021. 

Selon les données de 2022 publiées par Statista, voici les pays qui produisent le plus de gaz au monde et leur niveau de production sur l’année : Etats-Unis : 1 027 milliards de m3, Russie : 699 milliards de m3, Iran : 244 milliards de m3. L’on doit éviter toutes mauvaises interprétations concernant le niveau des réserves de gaz ou de pétrole. Premièrement, les réserves se calculent par rapport au vecteur prix international et au coût : si le prix est de 100 dollars le mégawattheure exemple, les réserves se rapprochent  du niveau des réserves ; mais si le prix est de 50, les réserves sont divisées par deux et ne pas oublier que l’on doit injecter dans les puits entre 20/25% du gaz pour ne pas épuiser l’extraction. 

Deuxièmement, le prix du gaz ne répond pas comme celui du pétrole à l’offre et la demande à un jour T, le marché du pétrole étant un marché mondial, le marché du gaz  segmenté géographiquement du fait de la prépondérance des canalisations environ 70% et le marché du GNL 30% étant un marché régional, d’où l’importance des contrats à moyen et long termes car l’investissement est lourd et à rentabilité à moyen et long termes.
 

2.-Les tensions en Mer rouge, qui est une «autoroute de la mer» reliant la Méditerranée à l’océan Indien, et donc l’Europe à l’Asie, en cas d’extension du conflit, risquent d’avoir un impact sur l’évolution du cours des hydrocarbures où près de 12% du commerce mondial passe par la mer Rouge avec près de 30% des volumes de conteneurs, les pétroliers transitant par la mer Rouge représentent entre 12 et 14% du trafic maritime mondial, mais c’est le détroit d’Ormuz contrôlé par l’Iran qui est la zone de transit d’hydrocarbures la plus importante au niveau international avec un flux quotidien de pétrole évalué à 21 millions de barils soit l’équivalent de 21% de la consommation mondiale en produits pétroliers. 

L’Egypte est affectée puisqu’environ 20 000 navires transitent chaque année par le canal de Suez, la route maritime la plus courte entre l’Europe et l’Asie. Les attaques menées par les Houthi contre des navires en mer Rouge perturbent donc le commerce maritime et poussent les principales entreprises de fret à faire un détour par le cap de Bonne-Espérance, à l’extrémité sud de l’Afrique, pour éviter le canal de Suez, entraînant des coûts plus élevés en raison de l’allongement de la durée du voyage. 

C’est ainsi que, après les frappes américaines et britanniques, le Brent a bondi jusqu’à 4% après les frappes contre les Houthis à plus de 80 dollars le baril. Mais les  cours du pétrole et du gaz sont cotés le 15 janvier 2024 à 77,77 dollars le Brent et 72,26 dollars le Wit et le prix de cession du gaz sur le marché libre étant coté à  mi- janvier 2024 entre 32/35 dollars  le /MWh, où en  France, le prix du MWh sur le marché du PEG du 12.01 est de 28,943 euros le MWh contre 33,398€/MWh le 27.12, représentant moins de -13%, et ce, après avoir culminé au début du conflit avec l’Ukraine à 250/300 euros le MWh. 

Les cours du pétrole et du gaz ont vu une bonne partie de leurs gains s’effacer, le bond lié à la dégradation de la situation géopolitique au Moyen-Orient s’est essoufflé, faute d’effet direct sur l’offre, les bourses n’anticipent pas pour l’instant une extension du conflit. Mais selon bon nombre d’observateurs, il faudra être attentif aux évolutions géostratégiques où 60% des grands groupes sont au Moyen-Orient, représentant 40% des réserves prouvées de la planète et les 2/3 des réserves mondiales de pétrole. 
 

Un élargissement du conflit au Moyen-Orient notamment de l’implication de l’Arabie Saoudite  avec une production de 10 millions de barils/j, de l’Iran  3,4 millions de barils jour, sans compter les Emiraties, 3,7 millions barils/j  et l’Irak 4,1 millions de barils/j pourrait avoir pour conséquence un baril de plus de 100 dollars. Cela aurait un impact sur toute l’économie mondiale à court terme mais avec un effet négatif à moyen terme avec une récession serait plus importante, le FMI avant ces tensions prévoyant un ralentissement de la croissance mondiale pour 2024  de 2,6% en 2023 à 2,4% en 2024, soit près de trois quarts de point de pourcentage en dessous de la moyenne des années 2010.

3.-Concernant la stratégie gazière de l’Algérie, selon Kadri Simson, la Commissaire européenne à l’énergie, s’exprimant lors de la deuxième édition du Forum d’affaires Algérie-UE sur l’énergie, les 11 et 12 octobre 2022 à Alger, l’Union européenne (UE) est prête à consolider et à développer davantage un partenariat énergétique avec l’Algérie, celle-ci ayant toujours été un fournisseur important et fiable de gaz naturel pour l’UE. Pour cela, l’Algérie axe sa stratégie autour de trois axes entrant dans le cadre de la transition énergétique. 

Premier axe, améliorer l’efficacité énergétique qui constitue un gaspillage et développer l’investissement dans les hydrocarbures traditionnels dont le gaz énergie plus propre que le pétrole, qui constitueront encore pour longtemps la principale entrée en devises, accroître les prospections (50% de la superficie n’étant pas encore exploitée) pour découvrir de nouvelles réserves avec pour objectif tant pour courir la consommation intérieure  qui approche les exportations actuelles (plus de 40 milliards de mètres cubes gazeux) renvoyant à la nécessaire révision de la politique des subventions ciblées, l’augmentation des volumes de gaz à l’exportation vers des pays lointains  à travers le GNL et vers l’Europe à travers les canalisations dont Medgaz capacité 10,5 milliards de mètres cubes gazeux et Transmed 33/24 milliards de mètres cubes gazeux qui ont connu un accroissement en 2023 passant de 11% entre 2021/2022 à 13%  en 2023. Il s’agira de réduire davantage les émissions de méthane et le torchage, ce qui rendrait plus de gaz disponible pour le commerce. 

Plusieurs projets qui doivent approvisionner l’Europe permettront de développer les exportations du gaz par canalisation en attendant la mise en œuvre fonction à la fois de la géostratégie et du coût économique, dont le projet du gazoduc trans-saharien NIGAL, d’une longueur de 4128 kilomètres (qui suppose la résolution du conflit au Niger) et d’une capacité annuelle de trente milliards de mètres cubes ; le projet de Galsi, via la Sardaigne et la Corse, gelé depuis 2012 et qui annonçait alors une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux pour un investissement de 3 milliards de dollars devant être relié à la Corse (cf. conférence du Pr A.Mebtoul à la CCI de Corse et son déplacement en Sardaigne pour défendre ce projet). 

Selon les données de l’Opep, le gazoduc Medgaz reliant l’Algérie à l’Espagne a connu une augmentation de l’ordre de 2 milliards de m3 en 2022, en passant de 8 milliards de m3 à 10 milliards m3, tandis que les quantités de gaz acheminées vers l’Italie, via le Transmed, ont atteint 23,5 milliards de m3 en 2022 contre 21,5 milliards m3 en 2021. 

Le deuxième axe est le développement des énergies renouvelables, l’Algérie disposant d’abondantes sources d’énergies renouvelables, solaires (plus de 3000 heures de soleil par an) et éoliennes, qui lui permettent de devenir un leader mondial dans la production de l’énergie propre, pour la consommation locale (le ministère de l’Energie prévoyant horizon 2030/2040, environ 40%  de la couverture du marché intérieur étant fin 2022 entre 1/2%) mais aussi pour l’exportation vers l’Europe. 

Le ministère  de l’Energie s’est engagé à promouvoir les énergies renouvelables, ce qui consiste à installer une puissance d’origine renouvelable de l’ordre de 22 000 MW à l’horizon 2030, dont 12 000 MW pour le marché national algérien, et avec une possibilité d’exportation allant jusqu’à 10 000MW. Cependant, il reste à mobiliser un financement européen important du Fonds européen pour le développement durable, en coopération avec les banques de développement comme la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. 

Le troisième axe est le développement de l’hydrogène vert dont il conviendra de déterminer le coût et le futur prix au niveau international. L’Algérie se propose, selon le ministère de l’Energie, d’investir de 20 à 25 milliards de dollars à l’horizon 2040 autour de l’hydrogène renouvelable, divisée en trois grandes phases : le démarrage via des projets pilotes (2023 à 2030), l’expansion et la création de marchés (2030 à 2040) et l’industrialisation et la compétitivité du marché (2040 à 2050). 

A horizon 2040, l’Algérie prévoit de produire et d’exporter 30 à 40 TWh d’hydrogène gazeux et liquide, avec un mix à la fois composé d’hydrogène bleu, produit à partir de gaz, et d’hydrogène vert fabriqué par électrolyse grâce aux importantes ressources solaires du pays, avec pour objectif de fournir à l’Europe 10% de ses besoins en hydrogène vert, d’ici à 2040.
 

En conclusion, avec les tensions géostratégiques, bouleversement mondial qui influe sur les méthodes de gestion des Etats s’orientant vers un monde fragmenté multipolaire et devant connaître une profonde mutation, par ailleurs exposés aux nouveaux dangers systémiques avec les impacts du réchauffement climatique (catastrophes naturelles, incendies, inondations, pénuries d’eau douce) et les cyberattaques, l’Algérie doit avoir une stratégie d’adaptation au sein des espaces euro-méditerranéen et africain son espace naturel.  
 

Par Abderrahmane Mebtoul , Expert international

 

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