12e Festival international du théâtre de Béjaïa : L’ingratitude, ce mal sournois qui ronge les artistes

19/10/2023 mis à jour: 14:00
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Naker lahsan (L’ingrat) est la nouvelle pièce du Mouvement théâtral de Koléa (MTK). Ecrite et mise en scène par Youcef Taouint, la pièce défend ouvertement la cause de l’artiste, un artiste qui peine à se faire écouter par la société.

 

La pièce a été présentée, le 17 octobre, à la maison de la culture Taos Amrouche à Béjaïa, à l’occasion du 12e Festival international du théâtre qui se poursuit jusqu’au 21 octobre. Amar Drahem (Fathnour Hamouche) est un opportuniste affairiste qui tire profit de tout. Il investit même dans la détresse des autres sans aucun scrupule. 

Amar est gardien dans un théâtre où habite Louz (Kamel Kacimi), un poète et metteur en scène souffrant de marginalisation, d’incompréhension et de peu de reconnaissance. L’ingratitude est un mal qui ronge souvent en silence les artistes. Il est plus pénible que la négligence ou la pauvreté. Démuni, Louz n’a pas les moyens de louer un logement décent. 

Il peine à concrétiser ses projets artistiques au point de déchirer ses textes dramatiques lors de grands moments de solitude et de colère sur scène. Sa douleur est grande et muette, symbolisée par une lumière rouge qui couvre la scène.  Cette douleur est accentuée par l’attitude égoïste de son propre frère, directeur du théâtre (Mohamed Khelifi). 

Un directeur qui est le parfait portrait de l’arriviste qui écrase tout sur son passage, y compris son frère pour atteindre ses objectifs. Un jour, Louz reçoit la visite de Wathiq (Chawki Benfliti), un jeune artiste qui sollicite l’aide du metteur en scène. Amar, qui pense que le théâtre est son «territoire», n’apprécie pas ses visites. Il veut «exploiter» seul le génie poétique de Louz pour écrire des messages à l’eau de rose à son amie. Et, il pousse l’opportunisme jusqu’à lui voler ses textes. Le plagiat est une autre plaie dans le théâtre algérien actuel.
 

Un deal dangereux

Déchu, le directeur revient retrouver son frère tentant de mettre de côté tous les malheurs qu’il a causés. Il veut passer un deal qui risque d’être dangereux. Entre les deux frères, comme dans une tragédie grecque, naît un conflit. Wathiq revient mais sous une autre apparence avec la volonté de réparer une injustice qui a trop duré, croyant avoir toute la légitimité pour le faire. 

Louz écoute des extraits d’une pièce de théâtre avec la voix d’Azzeddine Medjoubi, de Sonia et de M’hamed Benguettaf. Une manière pour Youcef Taouint, la cheville ouvrière du MTK, de rendre hommage aux grands noms du théâtre algérien. Des noms qui risquent de tomber dans l’oubli. Des intermèdes musicaux, autant que la chorégraphie conçue par Slimane Habes, complètent les dialogues. 

Des dialogues marqués parfois par des propos sans nuances, directs et francs, qui s’éloignent de l’esprit du théâtre. Ne faudrait-il pas faire confiance au spectateur et le laisser comprendre seul le sens de la représentation au lieu de lui servir la soupe toute chaude ?

 Ce discours direct est devenu une habitude dans le théâtre algérien ces dernières années, comme si les créateurs étaient obligés de reproduire le réel, sans effort d’imagination. Pourtant, le théâtre offre beaucoup d’outils permettant de tout dire sur scène sans dévoiler tout, sans écrire à gros traits les significations.
 

Le Chant du cygne

Dans la pièce, le statut de l’artiste est évoqué, la bureaucratie dénoncée et l’incompétence critiquée. Des sujets qui tendent à se répéter sur scène en Algérie. Dans Naker lahsan, Youcef Taouint s’est inspiré de sa propre histoire pour évoquer toutes les contraintes qu’il a endurées pour faire ce qu’il a toujours eu envie de faire, le théâtre. L’auteur s’est inspiré aussi d’une pièce d’Anton Tchekhov, Le Chant du cygne, écrite par le dramaturge russe dans son jeune âge, vers 1886. Dans cette pièce, un acteur et un souffleur passent une nuit au théâtre dont les portes ont été fermées. 

Le titre de la pièce est tiré de la qacida chaâbie, Sir ya naker lahsan, écrite par le poète Mohamed Nadjar pour dénoncer l’ingratitude de l’être aimé. La pièce est un hommage à Djamel Bensaber, comédien et metteur en scène, décédé en février 2022 à Mostaganem à l’âge de 80 ans. 

Les quatre comédiens «plantent» sur scène un grand portrait de Djamel Bensaber, fondateur, entre autres, de l’association et école théâtrale El Ichara à Mostaganem. Naker Lahsan a, pour rappel, décroché le troisième prix lors du dernier Festival national du théâtre amateur de Mostaganem.

 

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