Zahra Mahiout. Gynécologue obstétricienne : «Il y a bien une baisse de la fertilité ces dernières années»

08/07/2024 mis à jour: 23:07
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Photo : D. R.

Dans cet entretien, Dr Zahra Mahiout, gynécologue obstétricienne spécialisée dans l’infertilité, revient sur les causes de l’infertilité, et explique comment les réseaux sociaux aident de nombreuses personnes à s’informer sur ce sujet.

  • Justement, vous faites beaucoup de sensibilisation sur les réseaux sociaux. Pourquoi avoir choisi ces canaux de communication ?

Les réseaux sociaux sont devenus aujourd’hui un des plus importants canaux de communication. Et contrairement aux medias «mainstream», ils permettent d’avoir une communication directe et un retour des patients et dans mon domaine qui est l’infertilité.

Ayant noté énormément d’appréhension quant aux techniques de PMA à l’exemple de la FIV, j’ai décidé d’informer, de vulgariser et d’expliquer les différentes techniques utilisées, car nombreux sont ceux qui ne les connaissent pas ou pensent qu’elles ne sont pas disponibles en Algérie. Sincèrement, je suis heureuse des retours positifs que j’ai eus à la suite de la publication de mes vidéos.

  • Quelles sont les questions les plus récurrentes ?

Etant donné que la principale thématique que je traite en vidéo est l’infertilité, les questions qui reviennent le plus concernent dont ce sujet-là. On me demande souvent, lorsqu’il y a un retard dans la conception, quand est-ce qu’il faut consulter mais aussi quels sont les premiers bilans à faire.

Certaines questions sont plus poussées, cherchant après les signes d’une bonne ovulation ou encore quels sont les aliments à privilégier pour booster sa fertilité. D’autres s’interrogent sur l’impact du sport et de l’hygiène de vie de manière générale sur la conception… Chaque jour, je choisis une question en particulier à laquelle j’apporte des éléments de réponses à travers un «Reel». Il s’agit d’une courte vidéo sur les réseaux sociaux.

  • Beaucoup de femmes stressent quant à leur taux d’AMH. Pourquoi ?

Effectivement, l’AMH ou anti-mullerian hormone est une hormone dont le dosage permet d’avoir une idée sur la réserve ovarienne de la femme. Il s’agit d’un examen utile pour nous en PMA, car il nous aide à prédire la réponse aux traitements. Toutefois, ce qu’on ignore souvent, c’est qu’il n’est en aucun cas un reflet de la fertilité.

Il ne présage en rien de la capacité de tomber enceinte. C’est pourquoi, je conseillerai aux femmes de ne pas effectuer ce prélèvement si ce n’est à la demande d’un spécialiste et surtout pas en dehors d’un contexte d’infertilité. Et je le répète, le dosage de l’AMH n’est pas un test de fertilité.

  • Avez-vous noté une hausse d’infertilité par rapport aux années précédentes ?

Oui, et ce n’est malheureusement pas qu’une impression personnelle. En effet, les données statistiques mondiales confirment qu’il y’a bien une baisse de la fertilité ces dernières décennies. Cela semble toucher, de façon plus importante, les hommes. D’ailleurs, les normes de l’OMS concernant le spermogramme ne cessent d’être revues à la baisse. En 1999, il fallait avoir plus de 20 millions de spermatozoides par ml pour que le spermogramme soit considéré comme normal. Aujourd’hui, il est considéré comme suffisant d’avoir plus de 15 millions par ml.

  • Quel est le genre le plus concerné par l’infertilité (homme/femme) ?

La nature semble équitable. Les hommes et les femmes sont à égalité. Il faut savoir qu’un tiers des infertilités est d’origine féminine, un tiers d’origine masculine et le dernier tiers est d’origine mixte.

  • Cela est-il dû au mode/ rythme de vie ?

La science n’a pas encore répondu à cette question. On ne connaît pas encore les agents responsables de ce déclin. Mais effectivement, les perturbateurs endocriniens sont probablement incriminés. Il y a aussi le mode alimentaire qui est en train de changer. L’alimentation Fastfood, trop riche en glucides et qui favorise la résistance à l’insuline, est responsable notamment chez les femmes de problèmes d’ovulation. C’est d’ailleurs le cas pour le fameux syndrome des ovaires polykystiques retrouvés chez beaucoup de patientes jeunes infertiles.

  • Quels sont les moyens et méthodes disponibles aujourd’hui pour faire face à l’infertilité ?

Fort heureusement, la médecine ne cesse de se développer. Et en matière d’infertilité, nous avons aujourd’hui un riche arsenal thérapeutique. Il existe plusieurs paliers de traitements progressifs. Ça peut aller des inductions de l’ovulation à l’insémination artificielle. Et en cas d’échec, on peut opter pour la FIV et l’ICSI, qui sont des techniques qui consistent à injecter
directement le spermatozoide dans l’ovocyte et à obtenir des embryons qu’on transfert dans l’utérus maternel.

  • Quelles sont les maladies, impossibles à traiter auparavant, mais soignables aujourd’hui grâce à l’avancée technologique ?

Il existe beaucoup d’exemples, mais pour rester dans le domaine de la reproduction, je pense au cas des cardiopathies fœtales qui étaient auparavant mortelles pour le nouveau-né et qui, maintenant grâce à l’avancée de l’échographie de dépistage, se dépiste in utero et permettent aux parents de préparer l’accouchement dans une unité spécialisée.

C’est le cas de la transposition des gros vaisseaux grâce à l’échographie de dépistage. Les nouveaux-nés sont pris en charge chirurgicalement dès la naissance. Il y a aussi l’exemple de la tuberculose génitale et des cas d’obstruction tubaire bilatérale. Depuis l’avènement de la FIV et de l’ICSI, ce n’est plus une cause de stérilité. Une grossesse peut très bien être obtenue malgré les séquelles de la maladie.

  • Un dernier mot pour rassurer toutes les femmes au sujet de la procréation ?

Mon message s’adresse aux couples : il ne faut pas hésiter à consulter un spécialiste pour se faire aider si on essaie sans succès de concevoir depuis plus d’un an.

Cette durée peut être raccourcie à 6 mois de tentative si l’âge dépasse les 35 ans ou si on présente une pathologie connue auparavant. Votre médecin vous accompagnera sans problème. Il faut savoir qu’il existe plusieurs paliers de traitement et des solutions existent. Il faut juste accepter de se faire aider. 

 

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