Yasmina Khadra s’exprime sur sa relation avec les réalisateurs : «J’ai été trahi par mes adaptateurs au ciném

19/09/2023 mis à jour: 05:32
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L’écrivain Yasmina Khadra, participant à un débat aux côtés d’Ahmed Béjaoui et de Rachid Bouchareb, a vu plusieurs de ses films adaptés au cinéma - Photo : D. R.

Parlant du métier d’écrivain en réponse à un aspirant à l’écriture romanesque : «Vous avez dit que n’importe qui peut écrire. Cela est juste car ce qui est véritablement le propre de l’homme, ce n’est le rire selon l’adage, mais écrire. L’animal ne peut pas écrire mais peut rire. Maintenant, il faut que l’État s’investisse. Mais c’est aussi à nous de créer notre monde et de nous imposer.»

A la faveur d’un débat dans le cadre du Festival de la littérature et du cinéma de la femme de Saïda, Yasmina Khadra a été interpelé sur plusieurs questions dont la première a porté sur l’adaptation de ses romans au cinéma. Il reconnait avoir été trahi mais il estime qu’il n’a pas le droit de s’immiscer dans le travail de l’artiste qui adapte une de ses ouvres.

C’est pour lui, juge-t-il, un honneur d’être adapté. Il affirme n’avoir pas été d’accord avec Alexandre Arcady (Ce que le jour doit à la nuit, 2012), Okacha Touita (Morituri, 2004), Ziad Douéry (L’attentat, 2012) et surtout pas avec Zabou Breitman (Les hirondelles de Kaboul, en film d’animation, 2019). «Ce dernier n’avait plus aucun rapport avec mon livre du fait de la suppression de son héroïne. Pour ma part, je préfère les mots, ils laissent libre notre imaginaire. Aux mots de nous suggérer nos propres images.

Le cinéma, c’est une dictature. Il nous impose ses images et ses personnages. Il nous impose tout.» Pour lui, les seuls réalisateurs qui ont respecté fidèlement l’œuvre adaptée, ce sont ceux du cinéma soviétique : «Dans l’adaptation des œuvres de Cholokov, par exemple, on perçoit jusqu’au point et la virgule. En conséquence, l’adaptation est toujours un danger en ce sens qu’adapter devrait être synonyme d’adopter, c’est à dire devenir le parent adoptif d’une œuvre.» Revenant à Alexandre Arkady, il souligne : «Il m’a invité en Tunisie lorsqu’il tournait Ce que le jour doit à la nuit. J’ai décliné en lui disant que ce n’est pas mon roman qu’il traduit en images, que je n’étais pas concerné car il travaille plutôt sur une adaptation toute personnelle de ce que j’ai écrit. Il n’empêche que je l’ai soutenu par la suite.

C’est ainsi que cela doit fonctionner. Moi, j’étais ravi de travailler avec Rachid Bouchareb même si je n’étais pas toujours d’accord avec lui (Yasmina Khadra a collaboré avec Bouchareb sur l’écriture de scénarii : NDLR). Il faut apprendre aux Algériens à travailler ensemble. Mais où est le compatriote qui a voulu adapter mes livres ? Moi, je ne vais pas leur courir après. Et quand les étrangers s’en saisissent, on me le reproche. Savez-vous que lorsque Les agneaux des seigneurs en 2001 est paru, il s’est présenté un Britannique me proposer une adaptation en deux versions.

Il avait même le nom d’un comédien iranien pour tête d’affiche.

Lorsque je suis venu au Salon du livre d’Alger, un réalisateur algérien dont je tairai le nom et qui avait réalisé un petit film qui avait fait du bruit est venu me supplier de lui en accorder l’adaptation au motif que le sujet est algérien et qu’il y avait intérêt à ce que ce soit un Algérien qui le réalise. J’ai alors rompu avec le Britannique. Mais lorsque la liste des films à produire par l’Algérie, le nom du réalisateur est sorti avec le titre d’un autre film. Depuis, j’ai décidé d’agir autrement. Bien entendu, j’accorderai la primauté à un compatriote mais c’est à lui de se présenter le premier. Nous avons à prouver aux autres qu’entre Algériens, nous pouvons produire de belles choses.

Moi, j’étais heureux de travailler avec Rachid Bouchareb sur deux films. Malheureusement, dans notre pays, on n’a pas compris que le cinéma est aussi important que le livre, que le théâtre et que tous les arts parce qu’il jouit d’une audience plus large.»

Quant à la place des «vertueux » dans son œuvre ? «En l’achevant, confie-t-il, j’ai senti que j’ai franchi une étape et que je n’ai plus aucun complexe à me faire par rapport à un autre écrivain. Je ne peux plus jalouser aucun au monde. J’ai écrit mon œuvre à moi. J’ai mis trois ans à l’écrire, jour et nuit. A titre indicatif, L’attentat, je l’ai écrit en deux mois, La dernière nuit du raïs en trois semaines, Morituri en un mois.»

«Dans une œuvre, ce n’est pas le style qui est l’essentiel»

Parlant du métier d’écrivain en réponse à un aspirant à l’écriture romanesque : «Vous avez dit que n’importe qui peut écrire. Cela est juste car ce qui est véritablement le propre de l’homme, ce n’est le rire selon l’adage, mais écrire. L’animal ne peut pas écrire mais peut rire. Maintenant, il faut que l’État s’investisse. Mais c’est aussi à nous de créer notre monde et de nous imposer.» Réagissant au propos d’un apprenti écrivain qui se plaint que les éditeurs qu’il a approchés exigent de lui de gros frais pour l’éditer, YK assène : «L’éditeur qui demande de l’argent n’est pas un bon éditeur. Un éditeur donne de l’argent.» Répondant à une jeune lectrice qui s’interrogeait sur la multitude de détails qu’il a livrés sur Kadhafi dans

La dernière nuit du raïs, il lui répond sous le ton de la plaisanterie qu’il était avec lui-même si cela est en partie vrai. Puis, plus sérieusement, il lui indique que sa génération avait vécu l’époque de Kadhafi dans son actualité au quotidien : «Je n’ai pas eu beaucoup de peine à l’imaginer d’autant que lors d’un stage ex-URSS, j’avais effectué un stage avec des officiers libyens pendant une année. Ils parlaient de lui tout le temps. Ils le célébraient et le magnifiaient.

A l époque, je ne pensais pas exploiter cela. Mais quand le moment est venu, tout m’est revenu. Mais par ailleurs, Flaubert dit que tout ce que nous inventons est vrai parce que tout ce qui dépasse l’entendement peut s’être passé quelque part.» Sur un tout autre plan, un lecteur l’interroge sur l’avenir de l’édition face au recul de la lecture dans notre pays. Yamina Khadra le contredit en lui signalant qu’en arrivant au SILA en 2001, il a découvert deux grands espaces essentiellement, l’un dédié au livre religieux et l’autre à la littérature.

C’est au premier que des foules se pressaient alors qu’au second il y avait si peu de gens : «Allez voir aujourd’hui, la tendance s’est inversée.» Sur la question du penchant chez les jeunes auteurs à privilégier la forme au détriment de l’intrigue, Y. K. l’impute au fait que la poésie a toujours dominé chez nous dans la production littéraire.

Par exemple, au Moyen-Orient, les auteurs qui vendent le plus, ce sont les poètes : «Il faut qu’on apprenne que dans une œuvre ce n’est pas le style qui est l’essentiel. Ce qui la porte, c’est plutôt les personnages. Le style n’est qu’un accompagnement. Il n’est qu’une manière d’aérer les sphères où évoluent les personnages.»

 


 

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