Cœur-d’amande, c’est l’histoire de gens simples qu’on prend en affection, mais c’est également celle d’un quartier : Montmartre
Avec son dernier roman, Cœur-d’amande, Yasmina Khadara n’aborde pas, comme il nous y a longtemps habitué, de sujets «sérieux» (histoire coloniale, guerre, terrorisme, etc.), mais un thème qui n’en est pas moins grave : la solitude, mal du siècle.
Cœur-d’amande est le surnom du personnage principal du roman, dont le prénom est Nestor. Le narrateur, écorché vif, nous embarque illico presto dans sa vie mouvementée. Il nous parle dès l’entame de son récit haletant de sa sympathique mamie, qui , dit-il sans s’embarrasser de circonlocutions, «est l’amour de ma vie». Quittant très tôt l’école, c’est cette généreuse et très attentionnée grand-mère, professeure de français, qui s’est occupée de son instruction et a cru fortement à ses talents d’écriture.
Abandonné par sa mère, harcelé par ses camarades de classe, handicapé par sa maladie, Nestor, déçu par ses insuccès successifs, finira par trouver le chemin de la gloire après la mort de celle qui l’a constamment encouragé. «J’ai appris une chose dans la vie – pour se dépasser, il faut savoir prendre son pied là où l’on traîne l’autre. Même avec des béquilles ou avec des prothèses, je continuerai de marcher dans les pas du temps en randonneur subjugué. Je ne lâche rien», lance celui qui s’est battu contre tout le monde pour garder sa grand-mère, atteinte d’Alzheimer.
Ode à un quartier
Les dialogues succulents, ces jolis décors parisiens bien décrits et les nombreux rebondissements, nous confirment une chose : la maîtrise de l’auteur de sa trame. Point de grandiloquence. La simplicité des scènes, mais en même temps leur profondeur, nous réconcilie avec l’auteur. La vie de Nestor, devenu finalement un auteur reconnu, ne nous éloigne pas de la réalité dure.
Cœur-d’amande, c’est l’histoire de gens simples qu’on prend en affection, mais c’est également celle d’un quartier : Montmartre. Le récit de Nestor est une ode à la Ville Lumière, à ses habitants ordinaires qui se meuvent, légers, dans le décor, et parfois dans les bas-fonds, loin des regards.
Quartier du 18e arrondissement de Paris, Montmartre reçoit des populations maghrébines et autres. Le choix de Khadra est bien indiqué. Apprécié des artistes, le quartier est devenu un haut lieu religieux avec sa bien visible basilique du Sacré-Cœur, mais aussi un concentré de salles de spectacles (Moulin rouge) et de musées. Nestor se mouvait sans difficultés dans les rues de ce quartier historique. Sans tomber dans un parisianisme qui nous aurait rebutés, Khadra, qui a souvent le mot bien senti. L’auteur de Dingue au bistouri, publié chez l’éditeur algérois Laphomic (1989), a su accrocher ses lecteurs du cru avec le commissaire Brahim Lob. Il rencontre un succès mondial avec Morituri. L’attachement deviendra adoration avec des textes comme L’Ecrivain. Cœur-d’amande nous parle. Sachons l’écouter. Sans polémique.